.Dernier jour après.

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20 heures 59 minutes

« J'ai caché la boîte dans la poche de ma veste, je suis certain qu'il ne la trouvera pas ! Je suis tellement impatient de la lui donner ! J'espère qu'il dira oui, ce serait le plus beau jour de ma vie je crois ahah :)

J'ai longuement hésité sur laquelle acheter, c'est pas rien ce genre de choix après tout. Si ça se passe comme prévu, il devrait l'avoir au doigt durant des années, jusqu'à l'éternité ! Je suis sûr que ça va se passer comme prévu... on s'aime plus que tout X)

Ce soir, on va aller au cinéma, puis au restaurant, on rentrera et nous ferons l'amour (avec un grand A), et lorsque les éclats brillants de la Lune se glisseront au travers de la fenêtre et décoreront son corps avec le plus bel argent qui existe, je lui demanderai.

Croix de bois, croix de fer ! Je ne me dégonflerai pas !

Sans mentir, au début je voulais lui faire la proposition au restaurant, et puis je me suis rappelé que nous sommes tous les deux des hommes ahah, c'est dommage quand même XD mais bon, c'est plus intime ainsi, j'ai envie de dire ! Akaashi préfère les choses intimes.

Cher journal, nous nous promettrons l'avenir, le meilleur, peut-être le pire, et plus encore jusqu'à ce que la Mort nous sépare, et le jour où il dira oui je serai le plus heureux des maris. Plus jamais je ne me plaindrai. Juste ça et je serai sage, je saurai enfin ce que signifie le bonheur insouciant des jeunes époux sans lequel vivre ne vaudrait pas le coup de mourir.

Grâce à toi Akaashi, j'ai compris des choses, certaines grandes, d'autres insignifiantes, mais jamais je ne te remercierai assez pour m'accepter dans ta vie.

Ce soir, j'espère que tu m'épouseras. »

Je sens mon cœur ralentir... des nausées l'attrapent et le martyrisent, c'est le même sentiment que ce jour-là. Sans vraiment m'en rendre compte je me suis précipité sur l'armoire de la chambre, je n'ai encore jamais touché au côté de Bokuto comme s'il était interdit. Les chemises et tee-shirt ont volé de droite à gauche, j'ai cherché dans les poches de chacune de ses vestes. Une première fois, une deuxième, une troisième, mais ce n'est qu'au bout de la quatrième que je me suis rendu compte d'où se trouvait la boîte en écrin. Un blazer noir, taillé à la perfection et d'une qualité inimitable... le genre de chose qu'on ne voit qu'à un mariage. 

Ma main s'est mise à me brûler, comme si le bijou à l'intérieur était possédé, et j'ai serré mon poignet de toute mes forces pour empêcher le feu d'attendre mon bras. 

Des fourmillements courent le long de mes veines, remontent jusqu'à mes yeux et font couler des larmes. Je ne vois plus rien, tout est trouble et je n'entends pas les pas de mes amis, paniqués, entrain de courir dans les escaliers. Mes gémissements désespérés couvrent tous les bruits et résonnent dans ma tête, pareil à l'anéantissement d'un amour un peu bancal et pourtant si parfait. 

Je sens mon corps recroquevillé, mon dos contre le sommier du lit, le visage entre les genoux, incapable de respirer correctement. Les mains de Kuuro sont posées sur mes épaules (je crois, je ne vois qu'une tâche noire et rouge), Kenma me parle mais tout semble lointain, la boîte m'a été arrachée et après quelques minutes à pleurer, détruit par cette page, je me suis rappelé de la fois où il m'a serré contre lui et m'a murmuré des mots doux au creux de l'oreille. La fois où, accidentellement, il avait enfin réussi une recette. Le soir où on a fait l'amour pour la deuxième puis la troisième fois, où on a appris les noms de chaque capitale de chaque pays et où ils se trouvent sur la carte, ça ne servait à rien, mais c'était drôle. La fois où on s'est embrassé sous la pluie, parce que ça faisait dramatique et que tu aimais ça. La fois où on s'est aimé si fort que rien n'aurait pu nous arrêter. C'est comme la foudre frappant le sol, faisant gronder le ciel et la terre ensemble, une sorte de symbiose dévastatrice. 

– Bokuto... je veux Bokuto... 

Mes amis se sont excusés encore et encore, parce qu'il ne pouvaient rien faire d'autre. Je le sais. Et pourtant je n'ai pu m'empêcher de leur en vouloir. D'en vouloir au monde entier. Aucun de nous deux ne méritait ça, que ce soit mourir ou vivre avec la perte. 

On n'a rien fait de mal, c'est vrai qu'on ne s'est peut-être pas toujours aimé de la meilleure des façon, qu'on s'est parfois disputé, mais ça arrive à tellement d'autres couples que je n'arrive pas à comprendre pourquoi il a fallu que ça tombe sur nous.

J'ai l'impression de me rappeler de toi, ta tombe me paraît soudainement si singulière et ton sourire ne veut maintenant plus quitter mon esprit.

Ce jour-là, ce soir funeste, on allait au cinéma c'est ça ? On aurait été manger au restaurant, puis tu m'aurais fait ta proposition après qu'on ait fait l'Amour, c'est bien ça ? Je sais que j'aurais dit oui, je le sais parce que moi aussi je voulais être heureux. 

Je sens comme la honte d'un cœur perdu frapper contre ma poitrine, je t'en veux, Bokuto. Je m'en veux aussi. La vérité aurait peut-être été à cacher finalement. 

Ça doit être agréable de vivre avec la bêtise de la jeunesse, qui pense que le monde lui appartient, qu'elle peut le traverser et vivra pourtant jusqu'à l'éternité, elle verra vieillir l'humanité et ses prochaines civilisations, son esprit est comme les cartes postales retouchées faisant croire à des paysages oniriques.

Je sens les perles humides rouler sur ma peau, la taquiner, c'est douloureux mais à chaque goutte coulée, c'est comme un poids qui s'envole de mes épaules. Au plus profond de moi je sens la peine gonfler lorsqu'un nouveau souvenir décide de refaire surface, ça me déchire, appuie sur mon estomac et les bruits informes qui sortent de ma gorge brûlent les murs, une espèce d'incendie prêt à me tuer. 

Je suis désolé pour tout, Bokuto... 

Maintenant, je m'en souviens.

À nos souvenirs manqués... (Bokuto x Akaashi)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant