𝙅𝙤𝙪𝙧 𝟐

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On s'est toujours foutu de ma gueule, dans le sens propre du terme. On m'a toujours détestée, pauvre immigrée que je suis, une américaine n'a pas sa place dans un collège privée anglais. 

On m'a toujours haït pour ce que je lisais, pour mes robes blanches et mes rubans dans les cheveux. 

Je m'avance, distraite par le livre que j'ai à la main, sans prêter attention a tout le bazar présent dans les couloirs du collège. Plusieurs personnes me bousculent mais je n'y prête pas la moindre attention, trop attirée par ce merveilleux roman... 

Salle 24, deuxième rang. Je m'assois, comme à mon habitude, au deuxième pupitre et sors mes cahiers. Le prof ne se fait pas attendre et rentre quelques secondes plus tard, il retire ses lunettes de soleil et nous gratifie d'un grand sourire qui étire sa barbichette et sa moustache. Monsieur Morton (que j'appelle le vampire sans crocs pour des raisons de conflit) sort ses feutres, avec ce sourire malsain qui n'annonce rien de bon. J'aime le comparer au monsieur de l'affiche dans le roman 1984 de Georges Orwell, le Big Brother vous regarde.

Environ 28 ans, trente peut-être, toujours en chemise en dessus d'un pull blanc en coton qui dépasse d'un ventre bien rond. Toujours le même jeans diesel, toujours les même mocassins et parfois un cache-col beige, identique au mien. Parfois en sweat noir, complètement noir avec un logo "Nike" en blanc, microscopique, monsieur Andrew Morton est ce prof embêtant dont la parole ne peut-être négociée par personne. Si l'examen aura lieu demain, pas question de le faire changer d'avis. Ce genre de prof qui ne fout pratiquement rien, ce prof en grève 70% du temps, ce qui n'a l'air de gêner personne. Comme il est jeune, on pourra dire qu'il s'entend bien avec ses élèves, qu'il essaye de les mettre à l'aise... Ce n'est pas du tout le cas. Je suis la pseudo-élève invisible, visiblement chère à son cœur à car je ne suis pas "turbulente", pourtant, il ne se gêne pas pour me donner des notes catastrophiques... Ce genre de prof matérialiste et qui donne, non pas des 20/20, mais des 24/20 aux élèves qui le paient... 

J'écris la date à la marge de mon cahier en rouge, les chuchotements dans la classe font place à un cri d'exclamation après que monsieur Morton ait déclaré : 

— Sortez une double feuille, comme vous m'êtes sympathiques, l'interrogation surprise que j'ai pris plaisir à vous préparer ne portera que sur les 3 dernières leçon et comportera 7 grands exercices. 

Mon cœur rate un battement, mes bras commencent à trembler, mes jambes flageolent. 

Je n'ai pas tout saisi la dernière fois pendant le cours, je n'ai pas compris... 

des feuilles blanches gribouillées de écriture qui me donne la nausée, des exercices longs comme mon bras se donnent à ma vue, je reste figée, le visage impassible, incapable de bouger le stylo, je récite une petite prière avant de me décider de griffonner quelques chose quand une voix claire et remplie de sous-entendus me fait sursauter :

— Eh bien, Cathy ? Un problème ? 

Je déteste quand on m'appelle ainsi... 

— N.. Non monsieur, bégayai-je  en essayant de me ressaisir. Je...

— Juste pour te dire, ma grande, tes prières ne te serviront à rien, maintenant. 

Telle une flèche qui vient me transpercer le thorax, ma bouche s'entrouvre en formant un "O" tandis qu'un sourire narquois se dessine sur le visage du prof :

— Je plaisante. 

Il me colle une petite tape amicale sur l'épaule et s'éloigne pour regagner son bureau, il tapote sur le bois massif du pupitre en mimant le bruit des aiguilles d'une montre. Ce bruit sonne comme les trompettes de l'apocalypse pour moi. Je déteste ce son, je déteste qu'on m'appelle Cathy, je déteste les contrôles, je déteste ce prof et je déteste les maths ! 

***

Après ce qui me semble deux bonnes heures de cours, le prof tape sur le bureau et me fait sursauter. 

— Allez, Cathy ! Ta copie ! 

Pourquoi il s'acharne sur moi...? 

Je me lève les bras tremblants en poussant ma chaise, je dépose la copie sur son bureau en sentant son regard sur moi :

— Tu dors mal ? fit-il en croisant les bras sur son torse. C'est quoi ces cernes ? 

J'incruste mes ongles dans la peau de ma paume et détourne le regard :

— Non, monsieur... Je dors un peu tard. 

— Pour quelle raison ? Sûrement pas des maths ! rétorqua-t-il en riant. 

Je te déteste. 

— Si, si... Je veille tard pour... Travailler, essayai-je d'articuler. 

— Eh bien, on dirait que tous tes efforts ne comptent pas ! Ta copie m'a l'air désastreuse, une vraie catastrophe ! 

C'est toi la catastrophe, tas de graisse ! 

— Je fais des efforts, monsieur Morton... 

— A mon avis, essaye la branche lettres modernes, vu que tu lis beaucoup de conneries, je pense que tu es meilleure en ce domaine qu'en maths, dit-il en soulignant sa phrase d'un sourire. 

Je te hais...

— J'y remédierais peut-être... 

J'y remédierais peut-être, gna gna gna ! m'imite-t-il. Fais le, au lieu de traîner. Las américains sont les maîtres de la procrastination, toujours à remettre tout à plus tard ! 

Les rire des quelques personnes encore présentes dans la salle s'étouffent.

Tu sais ce qu'elle pense de toi la procrastination Américaine ? 

— Peut-être, mais, je verrais... Au revoir monsieur, merci. 

— On se voit la séance prochaine, Shakespeare

Je serre la lanière de mon sac et m'engage dans le couloir, seule. Des larmes traînent sur mes joues, le contrôle ne s'est pas bien passé, j'ai mal, j'appréhende cette foutue note. Ce prof en a toujours après moi. 

Pourquoi moi...? 

Je m'appelle Catherine Miller, je suis nulle en mathématiques. 



𝐏𝐎𝐈𝐍𝐓 𝐕𝐈𝐑𝐆𝐔𝐋𝐄 [ 𝙴𝙽 𝙲𝙾𝚄𝚁𝚂 ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant