4- Je ne suis pas très joueuse

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Sam et Bucky rentrent dans la chambre et s'installent l'un sur une chaise, l'autre contre un des murs pendant que je vais vérifier que l'homme, Connor apparemment, est toujours attaché au robinet. Il n'a pas bougé, il ne s'est même pas réveillé. Tant mieux, ce sera plus facile.

— Bon allez, presse Bucky les bras croisés, maintenant parle.

— Buck... soupire Sam en secouant la tête.

Je me tourne vers eux, et secoue la tête à mon tour. Ils ne sont pas commodes. Bucky, surtout. Sa façon de parler a sérieusement le don de m'agacer. Mais bon, ils sont là maintenant. Alors il faut faire avec. Mais ce n'est pas pour ça que je vais me laisser faire.

— Pourquoi est-ce que ce devrait être à moi de me justifier ? C'est vous qui m'avez suivie. Vous avez failli me faire rater mon coup dans ce bar, hier soir.

— C'est toi qui nous as mis des bâtons dans les roues, râle Bucky, on a carrément dû te courir après jusqu'ici.

— Pauvres petits, lui réponds-je avec cynisme. Mais je suppose que si vous l'avez fait, c'était pour une bonne raison. Alors pourquoi est-ce que vous ne cracheriez pas le morceau maintenant, qu'on en finisse ?

Sam et Bucky se regardent l'un et l'autre assez longuement, se demandant sûrement ce qu'ils doivent me dire ou non. Finalement après plusieurs secondes, Sam soupire et lève les yeux vers moi.

— Bon, très bien. Passons un accord. Tu nous dis ton nom, la raison pour laquelle tu as récupéré ce gars, et ensuite c'est notre tour. On te dira tout, juré.

— Hm.

Je jauge les deux garçons du regard, me demandant si je peux leur faire confiance sur ce point. De manière générale je ne fais confiance à personne, jamais. Mais je suppose que dans une telle situation, je n'ai pas grand-chose à perdre. Alors après mûre réflexion, je lève les mains vers le ciel et soupire.

— J'ai « récupéré » ce gars, comme tu dis, parce que c'est mon job. Je récupère des gens, que j'emmène à d'autres gens, et ensuite on me paie. Ça répond à ta question ?

— Une chasseuse de primes, hein ? grimace Bucky.

— Tu as un problème avec ça ?

Je défie le soldat de l'hiver du regard, d'un air impassible et imperturbable. Celui-ci me lance exactement le même regard et n'a pas l'air de vouloir s'arrêter. Après quelques secondes, Sam soupire et avance vers Bucky jusqu'à lui taper doucement l'épaule.

— C'est bon Buck, arrête. Et ton nom, chasseuse de primes, c'est quoi ?

— Joy. Je m'appelle Joy.

Bucky échappe un rire cynique, ce que je ne manque pas de remarquer. Je sais très bien ce que ça veut dire ; eh oui, c'est plutôt ironique. Je l'ai dit moi-même il y a peu de temps, alors je ne me permets pas de remarque. Simplement, je lui lance un regard assassin pour qu'il comprenne que ça ne me plaît pas.

— À vous maintenant, reprends-je. Pourquoi vous avez besoin de lui ?

— Bingley a des informations qui nous intéressent, me dit Sam. C'est pour ça qu'on était à ses trousses.

— Des informations ? Quel genre d'informations ?

— Tu poses beaucoup de questions, râle Bucky une nouvelle fois.

Celui-là, il est insupportable. Alors même si l'air heureux et gentillet de Sam me rebute un peu, je préfère tout de même parler directement avec lui. Il est moins... enfin, voilà. Bref.

— Alors, Sam ?

— Connor est le membre haut placé d'un grand réseau que Bucky et moi tentons de démanteler depuis des mois.

— Un réseau ? Comme... une mafia, un truc de ce genre ?

— Ouais, reprend Sam, un truc exactement de ce genre. Production et vente de drogues dures, enlèvements, assassinats... la totale, d'après ce qu'on a pu voir. Alors on essaie de les coincer.

— Je vois.

Je me mets à faire des aller-retours entre un côté et l'autre de la chambre, les bras croisés. J'essaie de réfléchir rapidement. S'il n'y avait que l'un d'entre eux dans cette chambre je n'aurais pas besoin de réfléchir : je me contenterais de lui mettre une bonne raclée avant de m'enfuir avec Connor et de le livrer aux gens qui me l'ont demandé. Le problème c'est qu'ils sont deux, et même si je ne manque pas de confiance quant à mes capacités je ne suis pas non plus une idiote, à deux contre un ce serait trop compliqué. Alors je n'ai pas le choix, je dois trouver une solution pour que ces deux-là, comme moi, puisse avoir ce qu'ils veulent.

— Je suis désolé, leur dis-je, je ne vais pas vous laisser l'emmener. J'ai besoin de ma prime.

— Écoute princesse, commence Bucky en avançant vers moi, tu vas...

Avant qu'il puisse terminer sa phrase, je l'attrape d'un côté et de l'autre de sa mâchoire et le force à garder la bouche fermée. À côté de moi, Sam regarde d'un air étonné.

— Ne joue pas à ça avec moi, Barnes. Parce que je ne suis pas très joueuse.

Celui-ci me regarde quelques secondes sans bouger, avant de se mettre à sourire. Ensuite il relève les mains en signe de résilience, et hausse les épaules.

— Est-ce que tu as accepté cette mission pour... le gouvernement ? demande Sam pour apaiser la tension et changer de sujet.

— Non, en tout cas je crois pas. Je peux pas en être sure : je connais le lieu et la date de l'échange, c'est tout.

— Sam, reprend Bucky d'un air alerte, on peut pas la laisser faire. Ça pourrait tout faire foirer.

— Bucky...

Je me tourne vers ce dernier et secoue vivement la tête avant de m'exclamer :

— Comment tu peux être sûr de ça ? Peut-être que je bosse pour les mêmes gens que vous. Ou pour quelqu'un qui veut la même chose que vous.

— On bosse pour personne, soupire Bucky. Et les chances pour que ton acheteur soit un gentil petit homme innocent et bienveillant, elles sont très minces.

Bon, en réalité il a raison. Mais je me garde bien de le dire. Je secoue donc la tête et hausse les épaules avec nonchalance, avant de dire :

— Ok, très bien. Alors voilà ce que je propose. Je dois ramener ce gars à Brooklyn, pour faire l'échange demain soir. Vous venez avec moi. À partir de maintenant et jusqu'au moment de l'échange, vous pouvez faire ce que vous voulez avec lui tant qu'il reste sous mes yeux. Et quand on arrivera à Brooklyn, selon la personne qu'on aura devant nous...

— ... on verra ce qu'on fait, termine Sam en hochant la tête. Ouais, ça me semble être un bon plan. Bucky ?

Celui-ci ne répond pas tout de suite, toujours affublé de sa moue inexpressive et pourtant très agaçante. Finalement après quelques secondes, il acquiesce brièvement.

— Très bien, faisons ça. Mais si elle tente quoique ce soit, on part avec Bingley. Vu ?

— L'inverse est tout aussi vrai, lui réponds-je donc en bombant le torse.

Sam se tourne vers moi, puis vers Bucky avant de doucement soupirer.

— Je sens qu'on va bien s'amuser. 

L'univers de Joy - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant