8-Pourquoi des gaufres ?

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Connor s'est endormi, et Sam a décidé il y a quelques heures d'allumer la radio pour se réveiller davantage. D'après lui, chanter l'aide à garder la forme, un truc comme ça. Peu importe. Bucky et moi sommes toujours à l'arrière, chacun regardant droit devant lui et n'ayant pas prononcé un mot depuis des heures. Finalement après un long moment que j'ai arrêté de compter durant lequel Sam chante tout seul à l'avant de la camionnette, Bucky tourne la tête vers moi et hausse le menton.

— Pourquoi des gaufres ?

— Pardon ?

Je fronce légèrement les sourcils et secoue doucement la tête de gauche à droite. Je ne sais pas où il veut en venir, mais je ne suis pas sûre que ça va me plaire. Puisqu'il ne me répond pas, je réitère la question et enfin il s'explique.

— Les gaufres au chocolat. Tu es allé au distributeur deux fois, tu as pris des gaufres au chocolat deux fois. Pourquoi ?

— Quoi, réponds-je sur défensive, j'ai pas le droit d'aimer les gaufres ?

Je sais que mon ton était froid, mais je ne vais pas m'en excuser. Ça ne le regarde absolument pas, ce que je fais ou ne fais pas de ma vie. Et je n'ai aucune envie de répondre à sa question. Non, je n'ai pas envie de prendre le temps de lui expliquer que c'est le seul souvenir que j'ai de ma vraie famille. Du temps où je vivais avec eux, avant mes trois ans, je me rappelle que ma mère me faisait toujours des gaufres au chocolat pour le petit déjeuner. Avec le temps, c'est resté : j'aime toujours ça. Mais en effet, comme je le lui ai fait comprendre, Bucky n'a pas besoin de le savoir et il ne le saura pas. D'ailleurs, son indiscrétion me dérange.

— Calme-toi, fini-t-il par me répondre, c'était juste une question. Pas la peine d'être si désagréable.

— Oh, parce que toi tu es agréable peut-être ? Alors écoute, Barnes, fous-moi la paix. Contente-toi de rester assis là et de faire ce qu'on te demande, ok ?

Avant qu'il ait le temps de dire ou de faire quoique ce soit, Bucky est coupé dans son élan par Sam qui baisse légèrement le volume de la radio et se tourne vers nous.

— Ça y est, nous dit-il dans un grand sourire, on arrive. Alors si vous pouviez éviter de vous entre-tuer pendant encore 10 minutes, ce serait parfait. Regardez, le pont de Brooklyn est juste là-bas.

— Très bien, réponds-je en croisant les bras sur ma poitrine, tant mieux. Plus vite on arrivera là-bas, et plus vite je me débarrasserai de vous.

— Attendons de voir qui t'a appelé, dit Bucky, avant de nous faire une fausse joie.

Je soupire, mais je ne rajoute rien. La vérité est qu'il a tout dit. Je veux ma prime, et je l'aurais. Mais la personne qui m'attend en dessous de ce pont va être déterminante pour la suite : je sais que Sam et Bucky ne me laisseront pas confier Connor à un des membres de l'Organisation qu'ils tentent de démanteler. Alors espérons que la situation conviendra à tout le monde : je veux récupérer ma prime, retourner sur le parking de cet hôtel, récupérer ma voiture et me trouver une nouvelle mission. Il n'y a que comme ça que je pourrais mettre du beurre dans les épinards. Je suis passée par des épreuves pas franchement agréables, et il est hors de question que ça recommence. Je veux vivre convenablement ; et errer sur les routes avec eux ne me permettra pas de la faire.

Quand nous arrivons près du pont, je sens un peu d'anxiété me traverser. Pas beaucoup, mais suffisamment pour que je me tourne vers Connor et regarde ses liens avec attention. Alors que nous ne sommes plus qu'à quelques centaines de mètres du point de rendez-vous, je répète aux garçons ce que j'ai déjà dit au moins trois fois.

— N'oubliez pas, Connor reste dans la camionnette jusqu'à ce qu'on identifie mon acheteur. Vous non plus, vous ne bougez pas. S'il vous voit et qu'il est mal intentionné, ça pourrait très mal se passer. C'est compris ?

— Compris, chef, me répond Sam en hochant la tête.

Je me tourne donc vers Bucky.

— C'est compris ?

Celui-ci râle et lève les yeux au ciel, mais c'est une réponse suffisante. Il me semble qu'il ne fera rien de stupide.

— Bon alors c'est parti. Gare-toi là, Sam. Si je ne suis pas de retour dans cinq minutes, rejoignez-moi.

— D'accord. Bonne chance !

— Je n'en ai pas besoin. Mais... merci.

Sur ce, je quitte la camionnette et me dirige vers le lieu de rendez-vous, qui n'est plus très loin. Alors que j'arrive pile sous le pont, un éclat très brillant attire mon attention. C'est mon acheteur, c'est sûr. J'avance donc vers lui tout en passant la main sous ma veste, prête à attraper ma dague au cas-où. Lorsqu'enfin j'arrive à la hauteur du personnage mystère et que je vois son regard bouger vers le mien, il me faut quelques secondes – c'est la première fois que ça m'arrive – pour réaliser la situation. Tout ça est de plus en plus bizarre.

— À quoi vous jouez tous, exactement ? Il n'y a pas de choses plus intéressantes à faire, dans la galaxie, que de courir après un homme aussi inutile et peu intéressant que celui-là ? C'est toi qui m'as appelée, et j'ai ce que tu veux, alors maintenant dis-moi ce que ça va t'apporter.

— Tu as du caractère, me répond mon interlocuteur en s'esclaffant, j'adore ça ! C'est plutôt... sexy. Mais avant tout, faisons les présentations. Joy, je suis... charmé, de te rencontrer. Je m'appelle Loki, Dieu de la Malice... et de la discorde. 

L'univers de Joy - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant