Chapitre 6

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S'il n'avait pas eu son travail dans une école de langues à Paris Takuya se serait retrouvé à la rue. Après le choc de l'irruption des mafieux dans leur appartement, Erin et Lisa l'avaient mis dehors, et il ne leur en voulait absolument pas. En fait, il s'y était attendu en les voyant supplier avec ferveur les hommes de main. Sa déchéance lui avait au moins appris à se contenter de peu, alors il avait fait son sac en dix minutes. S'il avait oublié des choses, il n'irait pas les chercher. Avant de prendre la porte, il avait vérifié en revanche que rien n'avait été négligé dans la chambre de celle qu'on venait d'enlever sous ses yeux. Celle qu'aucun des hommes du clan n'aurait osé regarder de travers en sa présence s'il avait été encore l'héritier. Mais non seulement on l'avait bousculée devant lui, mais il n'avait rien pu faire. Elle avait beau être officiellement la femme d'un autre, et son rang à lui était devenu insignifiant, mais elle avait reçu son amour, et son cœur avait battu pour elle. Merde, il battait encore pour elle. Est-ce que cela ne méritait pas un minimum de respect ?

Son premier réflexe fut d'essayer de joindre Sly, mais il se ravisa en se disant que cela allait sans doute exacerber ses sentiments. Ils se connaissaient depuis longtemps, mais il ne l'avait jamais vu agir ainsi pour une femme. Il était beau et charismatique, il était plus estimé dans le clan que le fils légitime ; les femmes se battaient pour lui, ce qui le laissait généralement indifférent. Après l'avoir repousser, impassible, les avances de cette belle étrangère, il avait du mal à reconnaître son frère dans ses actes.

Il s'était refait un petit entourage en arrivant à Paris, grâce à Erin et Lisa, et à ses collègues. Tandis qu'il s'orientait à travers la capitale pour rejoindre son nouveau toit, il se demanda ce qui se passait loin de son regard. Le clan tâchait de respecter une certaine mesure, mais Sly pouvait être très déconnecté de ses émotions parfois. C'était pratique pour les négociations, les affrontements et défis, mais pour un être cher, c'était insupportable. Et ils savaient tous les trois qu'elle était un être cher pour lui, malgré le code, malgré la fraternité, malgré la culpabilité.

Ces pensées l'occupaient encore quand il sonna à la porte de sa collègue Miki. La jeune femme lui ouvrit, vêtue d'une longue robe de chambre brodée aux couleurs chatoyantes. Il fut surpris de la découvrir sous ce jour, elle qui s'habillait toujours en tailleur au travail. Elle l'accueillit dans son grand appartement richement décoré avec vue sur la Tour Eiffel. Il était clair qu'elle n'avait pas besoin de travailler pour vivre.

- Mets-toi à l'aise, dit-elle rapidement, en lui tendant un double des clefs. Ce soir, je suis invitée à une soirée privée, je ne rentrerai pas avant demain matin.

Takuya hocha la tête et jeta son sac dans la chambre qu'elle lui indiqua. Elle lui fit faire le tour du propriétaire et alluma la télé pour lui. Il l'éteignit.

- Merci pour ton hospitalité, dit-il. Je ne resterai pas longtemps.

Elle hocha la tête avec un sourire poli et tourna les talons. Sa robe de chambre glissa doucement de son épaule, elle la remonta négligemment en s'éloignant et rentra dans sa chambre, dont elle referma la porte derrière elle. Il resta un instant debout, pensif. Puis il se versa un soda qu'il but à petites gorgées, en admirant la vue de la ville depuis la baie vitrée.

La Fleur et le Yakuza 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant