Chapitre 8

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Devant les yeux médusés de Takuya, Miki s'était métamorphosée en reine de la nuit. Sa silhouette longiligne, sa longue chevelure et sa moue dédaigneuse en imposaient autant que sa toilette luxueuse. Avec son maquillage de femme fatale, elle n'avait plus rien à voir avec la professeure banale, un peu ennuyeuse, qui passait plus de temps à écouter qu'à parler. Il avait déjà noté qu'elle était très discrète sur sa vie, mais il n'avait jamais imaginé qu'elle puisse être aussi haute en couleurs. D'où venaient son argent et son assurance ? Il le devina lorsqu'elle lui demanda négligemment de fermer la fermeture éclair de sa robe de soirée. L'échancrure laissait apparaître des aplats de couleurs sur sa peau, depuis les omoplates jusqu'à la chute des reins. Il n'osa pas de demander à quoi l'œuvre entière faisait référence.

- Ta copine n'aurait pas dû défier Sly, dit-elle tranquillement quand il eut fini.

Il fut à peine surpris. Il reconnaissait bien là son frère ; même de loin, il fallait qu'il garde le contrôle sur les événements.

- Je l'ai vue l'autre soir, continua Miki en s'approchant si près de lui, tout en le fixant, qu'il se sentit soudain très excité. Cette inconsciente s'offre au premier venu sans égard pour notre réputation.

Il recula d'un pas prudemment en voyant le regard de la femme s'enflammer.

- Je la connais, répliqua-t-il en secouant la tête. Elle n'est pas comme ça.

Un sourire fugace passa sur les lèvres de Miki.

- Je sais, dit-elle en posant une main sur son torse, qu'elle vous a opposé une petite résistance au début. Cela a dû flatter votre égo ; les hommes aiment la conquête, après tout. Et puis, vous l'avez gardée de force pendant de longues semaines. Une femme libre qu'on séquestre et qu'on viole ne ressort pas d'une telle expérience indemne, quel que soit le vernis qu'on met sur les faits, pour les rendre plus acceptables.

Soudain mal à l'aise, Takuya détourna le regard. Elle saisit son visage d'une main et le força à soutenir son regard.

- Les femmes de caractère ne sont pas des poupées disponibles pour vos lubies de mâles désœuvrés, dit-elle sèchement. Après qu'un gamin mal élevé comme toi l'a transformée en plante verte, comment pourrait-elle comprendre ce qu'elle représente pour le clan?

Ses dernières paroles le mirent en colère, il repoussa sa main brutalement.

- Ce n'est pas moi qui l'ai épousée, protesta-t-il. Sly a enregistré leur mariage en douce et puis il l'a jetée dans un avion !

- Tu aurais dû lui expliquer ce que ce mariage signifiait...

- Mais pourquoi j'aurais fait ça ? explosa-t-il en levant les yeux au plafond. C'est moi, la victime, dans cette histoire ! J'ai tout perdu : ma femme, ma réputation, mes privilèges. Pourquoi est-ce qu'il avait le droit de lui donner son nom et pas moi ? En quoi ce qu'il a fait est plus sage que ce que je prévoyais de faire ? Au final, il a juste pris ma place ; elle reste au centre de l'attention de tout le monde quand même.

- Sly n'a pas le sang du chef dans ses veines.

Interloqué, il la considéra un instant sans pouvoir répondre à son objection. Evidemment, Sly n'était pas le fils biologique de leur père, mais quelle différence cela pouvait-il bien faire ? C'était lui qui connaissait par cœur le nom des hommes et leurs missions sur le terrain. Il se tenait informé en temps réel de tout ce qui se passait sur le territoire. Il rencontrait les partenaires, négociait avec la concurrence, châtiait les traitres.

- Pourtant il prend toutes les responsabilités qui me reviennent et il ne se plaint jamais, lâcha-t-il.

Miki parut réfléchir un instant, puis hocha la tête et se passa une main dans les cheveux, qu'elle avait longs qu'à la moitié du dos. Elle semblait avoir soudain perdu toute sa verve. Il la regarda chercher nerveusement ses accessoires et ses chaussures. Au moment où elle allait partir, il la retint par le bras doucement.

- J'ai compris ce que tu voulais dire, dit-il. Tu as raison, je me suis comporté comme un enfant gâté. Je sais pourquoi il est autant en colère. S'il te plaît, dis-lui de faire une exception pour elle ; elle ne mérite pas ce qui lui arrive.

Elle resta impassible et lui fit un signe d'au revoir distingué de la main avant de sortir.

La Fleur et le Yakuza 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant