Chapitre 84 - Trouble de la personnalité

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Un sourire sournois régnait sur les lèvres d'Ymir.

- Si tu sais quelque chose Bertolt, ouvres la bouche et agit en homme pour une fois.

Le brun semblait s'enfoncer davantage dans un mutisme profond. Reiner son camarade tournait enfin les yeux vers le grand brun, l'air étonné.

Posant ses yeux fuyants sur le grand blond, Bertolt prenait enfin la parole :

- Reiner... souviens-toi, tu n'es pas un soldat.

Il marquait une pause en ravalant sa salive.

- Tu es un guerrier. Toi et moi nous sommes des guerriers.

Ses mots avaient eu l'effet d'une claque sur Reiner. Ses sourcils se fronçaient, des rides se formaient sur son front, ses yeux s'écarquillaient tandis que sa bouche s'ouvrait en laissant échapper des sons incompréhensibles.

Sa respiration devenait saccadée et il manquait d'air tandis que défilaient devant ses yeux toutes les décisions bonnes ou mauvaises qu'il avait prises depuis son arrivée sur cette maudite île.

La décision qui l'avait le plus marqué était le moment où il avait retenu Marco par les bras et ventre à terre. Il entendait encore les cris de douleur du garçon aux tâches de rousseurs. C'étaient des hurlements qui l'avaient hanté jusque là et que pendant quelques instants il avait oublié. Son cerveau avait inconsciemment mis de côté toute une panoplie de souvenirs. Comme si depuis ces dernières heures sa mémoire n'avait pas été enregistrée.

Ses yeux dorés reflétaient la douleur et la peur. Mais, se rappelant la situation dans laquelle ils se retrouvaient tous, il tentait de donner l'impression d'être serein.

Reiner s'était levé droit comme un i durant tout ce temps et regardait au loin. Le soleil l'éblouissait, mais il continuait de le fixer.

- Ah oui c'est vrai, j'oubliais.

Sa mâchoire s'était contractée alors qu'il reprenait place en tailleur et se frottait les tempes. Reiner se rendait compte qu'il s'était créé une double personnalité sans le vouloir et que ces deux parties de lui interagissaient à tour de rôle dans sa vie. Il ne savait pas à cet instant s'il était le soldat ou le guerrier.

Eren toujours debout gardait ses bras le long du corps.

- C'est quoi ce bordel ?

Ymir de nature très perspicace tirait ses propres genoux contre sa poitrine en souriant.

- Je crois que j'ai compris ce qu'il se passe Eren.

Reiner avait posé sa main sur son visage et laissait couler discrètement les larmes qu'il retenait depuis trop longtemps à son goût. La pression de toutes ces années tombait d'un seul coup. Il en profitait pour se questionner sur ses sentiments amicaux et amoureux. Et si tout ce qu'il avait vécu jusqu'à présent n'était que la création de son subconscient ?

Ymir semblait sereine et prenait mieux place sur la branche sans omettre sa théorie à Eren.

- Je trouvais cela bizarre que celui qui avait détruit le Mur Maria, avait aussi sauvé la vie de ses camarades plus d'une fois. Rien qu'hier, il a sauvé Connie d'un titan qui aurait pu lui arracher la tête en une fraction de seconde. Reiner s'est mis entre eux et s'est blessé à ce moment-là. Il a risqué sa vie.

Elle soufflait en fixant Reiner.

- Mais en fait, tu n'as même pas conscience de tes agissements contradictoires. Et j'ai une hypothèse.

Elle reprenait un air neutre sans quitter des yeux le blond.

- De base, tu es venu sur cette île en tant que guerrier pour détruire les murs et sûrement nous infiltrer. Puis, tu as apprécié sans le vouloir la présence de certaines personnes et tu as commencé à jouer au parfait petit soldat. Ton esprit n'a pas réussi à suivre ce changement de pensées totalement opposées.

Reiner retirait sa main de sur son visage et balayait rageusement les larmes striant ses joues.

À vrai dire, il se souvenait de chaque détail avant de devenir soldat, car à ce moment-là, il ne jouait pas un rôle. Il était heureux en tant que jeune fermier s'occupant du domaine familial des Sonne et profitant des soirées d'hiver au coin du feu en si bonne compagnie ; il avait une famille complète à cette époque-là.

Mais maintenant, tous ses agissements incontrôlés durant sa formation de soldat revenaient sans aucun oubli. Il se rappelait de tout et tressaillait.

Posant une main sur son menton, Reiner ne comprenait pas pourquoi avant ce jour, seuls ses souvenirs aux côtés de Licht avaient toujours été présents dans son esprit. C'était incompréhensible,

Le dos droit, Ymir observait le visage du blond se crisper davantage.

- Ou encore, tu n'as pas supporté le poids de tes crimes. Et comme cela devenait insoutenable, tu as décidé de te forcer à croire que tu étais un protecteur des murs pour préserver ta santé mentale. Puis tu es tombé dans ton propre piège et tu y as cru dur comme fer.

Un regard satisfait et un sourire aux lèvres, Ymir plissait légèrement les yeux :

- Résultat, trouble de la personnalité, altération de la mémoire. Et je suis sûre que tu as commencé à débloquer de plus en plus depuis que tu as rejoint les rangs du Bataillon d'Exploration.

Eren écoutait la jeune femme en serrant les dents. Quant à elle, Ymir avait les yeux pétillants suite à son diagnostic.

- Et je pense avoir totalement raison à en juger la tête que tire Bertolt.

Elle riait enfin sans retenue.

- C'est un truc de dingue. Comme tu as un tempérament ultra carré de base, je...

- La ferme !

Ymir s'était figée par la tonalité de la voix du blond. De ses yeux dorés, il semblait la tuer du regard plus d'une fois.

- Tu vas enfin la boucler !

Étonnée sur l'instant, la jeune femme récupérait son sourire narquois et son regard provocateur.

- Désolée, j'ai poussé l'analyse un peu trop loin.

Eren qui était resté debout tout ce temps gardait les yeux écarquillés.

- Arrêtes de jouer les victimes Reiner. Tu veux que nous nous apitoyons sur ton misérable sort ?

Les deux guerriers gardaient la tête baissée face aux propos d'Eren.

- À quoi pensiez-vous quand vous nous écoutiez ce jour-là ? Vous savez le jour où nous nous disions nos motivations pour devenir soldat. Le jour où je vous ai révélé que j'ai tout perdu et que j'ai vu ma mère mourir devant mes yeux dévoré par un titan à la suite de la chute du Mur Maria, de mon District Shiganshina ?

Il posait ses grands yeux sur Bertolt :

- Je te parle enfoiré de Bertolt. Espèce de lèche bottes incernable. J'étais juste en face de vous à vous raconter l'horreur que j'ai vécu, et vos visages semblaient tellement compatissant et bienveillants à ce moment.

Ses yeux déjà bien ronds le devenaient davantage :

- Des morceaux de la porte que tu as explosé se sont retrouvés sur ma maison et l'ont détruite. Ma mère a été coincée et s'est faite attraper par un titan qui l'a bouffé devant mes yeux. Qu'est-ce que ça t'a fait Bertolt ? Tu savais tout cela, je vous l'avais raconté.

Gardant les yeux baissés, Bertolt lançait quand même un rapide regard à Eren.

- À ce moment-là, je me suis senti désolé pour toi.

Les dents d'Eren se serraient avec rage.

Le Soleil à travers la Brume (Reiner Braun x OC) Partie 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant