400 coups

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On était dans un coin du camps d'entrainement. ça faisait déjà un peu plus d'un an qu'on était arrivés à Shtôn, et même si dans ce pays, Pyron n'avait pas encore l'âge pour apprendre à manier des armes, il me rejoignait en cachette au camps d'entraînement pour qu'on s'entraîne malgré tout. Ce n'est pas parce qu'on était dans un pays de faiblards qu'on n'allait pas nous entretenir. En plus on avait bien développé nos pouvoirs, donc on pouvait nous en servir pour attaquer à distance.

Pyron était bien plus précis dans ses lancés de boules de feu, alors que mes éclairs avaient encore tendance à se perdre n'importe où. Il fallait que je sois au contact pour avoir une efficacité optimale. L'avantage, c'est que les épées, ça conduit. Par contre, Pyron maniait une hache avec un manche en bois. 

Donc j'envoyait une décharge à chaque fois que nos armes s'entrechoquaient, mais ça ne servait à rien car le bois bloquait tout. Mais c'était pas très handicapant, je pouvait envoyer les éclairs de l'autre main. Comme lui envoyait des boules de feu de sa main libre. C'était chaud mais ça ne prenait pas feu immédiatement. C'était facilement esquivable, mais il fallait aussi esquiver sa hache. Ou parer ses coups. J'avais un niveau légèrement supérieur au sien, mais il me fallait toute ma concentration pour passer par dessus sa défense. 

J'ai sauté par dessus l'une de ses boules de feu, en brandissant mon épée. Il a détourné ma lame avec sa hache, sans ressentir les effets du courant électrique que j'ai fais parcourir dans mon arme. Il ma attaqué à la tête, j'ai esquivé en me penchant en arrière tout en envoyant des éclairs qui lui ont fait faire un bond en arrière. Mes attaques de foudre faisaient assez souvent sauter les gens, la plupart perdaient leurs moyens. Pas Pyron, il était bien trop habitué. J'ai de nouveau foncé sur lui, prête à lui taillader son petit bidon, mais il a encore dévié ma lame. Je l'ai alors attaqué à la tête, mais il s'est baissé en enflammant mes chaussures. Je lui ai donc sauté dessus et on a roulé dans l'herbe. Là j'ai pas trop comprit, on a lâché nos armes et on s'est débattu avec nos bras, nos jambes, nos poings, et même nos dents. Pyron a un peu brûlé mes vêtements, mais je l'ai fait capituler en lui envoyant d'autres décharges.

-Je te l'avais dit, je n'abandonne pas.

Je me suis assise dans l'herbe à coté de lui, en regardant les endroits qui me faisaient mal. Rien de bien grave, de légères brûlures ici et là, et des vêtements fichus. Je me fichait éperdument de tout ça. J'étais habitué à la douleur, et les vêtements ça se trouvait. ça s'achetait ou ça se volait. J'avais déjà volé des trucs. Des fois je me battait avec mes camarades pour leur soutirer des trucs qui m'intéressait. Des fois je volait aux marchants et je me battait avec la milice. Des fois j'arrivais à leur échapper, des fois je finissais au cachots. Dans ma culture c'est le plus fort qui possède et qui décide, donc c'est logique que je prenne ce que je veux si je suis plus forte que les autres. On faisait toujours ça chez nous. 

-Heu Priscia ?
-Quoi ?
-ça commence à prendre feu.
-On devrait pas rester là.

On s'en alla donc, dans la nuit tombante. On avait l'habitude de faire le mur. On s'en alla en passant par les petites ruelles que personne n'osaient emprunter de nuit. Sauf les deux enfants un peu fous que nous étions, et qui savions nous défendre. On s'est baladé près de la rivière qui traversait la ville, et allait se jeter à l'est dans l'Andurin qui lui même s'écoulait jusqu'à la mer du nord.

On s'est assis sur la berge et on a observé la nuit. Il faudrait bien revenir à l'académie bientôt, et y subir les conséquences de cette escapades. Encore une fois. Je me suis allongée pour regarder les étoiles. C'était les mêmes qu'en Angdar, mais en décalés. On s'en servait pour se repérer la nuit, pendant les périodes de migration. Elles changeaient selon les saisons.  En Mundris, on ne leur donnait pas les même noms qu'en Angdar, mais on s'y retrouvait facilement. C'était les mêmes dessins après tout. 

On est resté là un moment, puis on a décidé de renter à l'académie. On a vu qu'ils avaient réussi à éteindre le début d'incendie qu'avait allumé Pyron. Il y avait encore un type qui grommelait, on n'a pas bien vu qui c'était dans l'obscurité. 

-Je crois que tu a fait un peu de dégât. J'ai glissé à Pyron pour le taquiner.

Il a doucement rigolé puis on a décidé de s'éloigner et de faire un détour pour retourner à l'académie. On a longé des rues sombres et désertes, à l'exception quelques soiffards ivres mort, vomissant leurs chansons paillardes sur les pavés de la rue. 

-Hébha, z'êtes pas couché les enfants ? Trébucha l'un d'eux. 

J'ai jeté un coup d'oeil derrière lui, puis je lui ai pris sa choppe en lui envoyant mon poings dans le ventre, en même temps qu'un petit sort de foudre. Il s'étala bruyamment sur la chaussée et je repartit dans l'ombre avec Pyron. Pendant qu'on partait en catimini, on a entendu les autres venir voir ce qui se passait. Ils pensaient qu'il s'était juste endormi brutalement, comme ça arrivait quand les gens buvaient trop.

J'ai bu le reste de sa choppe avant de la poser par terre puis on est repartit vers l'académie. On est passé par une porte de derrière, et on s'est faufilé dans les couloirs en essayant d'être discrets. Vers le deuxième étage, on a entendu du bruit alors on s'est précipité vers les dortoirs. Moi chez les filles, lui chez les gars. C'est là que je me suis dit qu'on aurait mieux fait d'enlever nos chaussures, on aurait fait moins de bruit. En plus, sans les flammes de Pyron je n'y voyait plus rien. J'entendais des pas s'approcher derrière moi alors que je parcourais en vitesse le couloir menant au dortoir des filles. J'y suis entré en trombe, et me suis précipité sur mon lit. 

En plongeant sous les couvertures, j'ai entendu l'une des surveillantes entrer et farfouiller un peu. J'ai attrapé le collier de dents que m'avait offert maman avant mon départ. Il y avait une dent de requin et des crocs de prédateurs, reliées par une ficelle en crin de licorne tressée par un elfe. Je ne savais même pas si elle avait été volée, achetée ou troquée. Peu importait. Tout ce qui comptait c'était d'avoir un souvenir de là bas.

Le cœur battant, recroquevillée sous mes couvertures j'ai écouté les pas de la surveillante en retenant mon souffle. Je l'ai entendu s'approcher, puis s'éloigner et quitter la pièce. Je me sui alors détendu, et continuant de serrer mon collier dans mon poing, je me suis endormi.

La foudre et le feuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant