Chapitre 7

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Samuel

Je suis heureux de ne pas avoir annulé notre rendez-vous. Et qu'Alma soit venue. Elle est adorable, elle n'arrête pas de sourire. A chaque fois c'est comme un baume sur ma douleur. Je lui parle d'Elyo un peu, de Leïla beaucoup. Elle m'écoute. Je pensais éviter le sujet au maximum, mais elle a vite compris que pour apprendre à me connaître elle devait me laisser parler. Leïla fait encore partie de moi.
A prendre ou à laisser.

Alma

En goûtant aux tuiles de parmesan que Samuel a confectionnées pour accompagner leur apéritif Alma devine qu'il n'a pas menti en prétendant être bon cuisinier. Les effluves de la sauce – toute simple selon lui – qui mijote sur le feu et qui ira avec des pâtes cuites à la perfection la font saliver.
Samuel l'a accueillie sans chichi, l'invitant à prendre ses aises au bar de sa cuisine ouverte pendant qu'il prépare leur repas. Elle sirote un jus de tomate qu'il lui a servi comme il se doit avec une pincée de sel, un soupçon de piment et un trait de jus de citron. Un barman professionnel n'aurait pas fait mieux. Elle se demande si c'est par politesse qu'il ne boit pas d'alcool non plus. Par peur d'avoir à se justifier elle-même – elle n'en consomme plus depuis son cancer –, elle ne lui pose pas la question.

Samuel

J'aimerais que la soirée ne se termine jamais. La présence d'Alma comble la solitude que j'affronte d'ordinaire.
Les réveils répétés d'Elyo ne suffisent pas à dissiper le mal-être qui vient avec la nuit.
Ce soir je suis détendu. Je lui propose une tisane, elle accepte volontiers mais se moque, il semblerait que je ne suis pas du genre à boire des infusions avant d'aller me coucher. Non pas que je sois pressé de rejoindre Morphée.
Je l'invite à me suivre au salon après notre dîner et je place un de mes disques préférés sur la platine. Je prends garde à ne pas pousser le volume trop fort afin de ne pas réveiller Elyo. Le risque est faible, mais je ne tiens vraiment pas à ce qu'il se manifeste maintenant.
— Alors comme ça on aime le jazz ? demande Alma.
La tête penchée sur le côté, une tasse fumante serrée dans ses deux mains, elle parcourt des yeux mon imposante collection de vinyles tandis que les premières notes du piano de Dave Brubeck dansent autour de nous.
Je confirme avec passion :
— Charlie Parker, Chet Baker, Dizzy Gillepsie... Que des grands !
— Oscar Peterson ?
— Bien sûr ! je m'exclame, ravi d'avoir affaire à une connaisseuse.
On passe l'heure suivante à échanger nos goûts. C'est avec délice que je découvre qu'Alma est très cultivée, et si je ne partage pas son appétence pour la littérature romantique anglaise du XIXème siècle, nous trouvons un terrain d'entente autour des films de la Nouvelle Vague, même si après l'avoir écoutée vanter le cinéma de Truffaut pendant de longues minutes, je n'ose pas lui avouer préférer Godard. Mais la véritable passion d'Alma, c'est la peinture. Et là je dois admettre que je n'y connais rien.

Alma

Alma ne se considère pas comme bavarde, pourtant elle parle sans discontinuer. Ce n'est même pas le stress qui lui délie la langue, elle ne s'est pas sentie aussi apaisée depuis des mois. Non, ce sont les prunelles claires de Samuel dardées sur elle qui l'incitent à se confier. Elle n'a passé qu'une poignée d'heures en sa compagnie, et elle a l'impression qu'il sait déjà tout d'elle.
Même ce qu'elle tait.
Lui non plus n'est pas avare de mots. Chaque conversation semble raviver un souvenir de Leïla, qu'il ne se prive pas de partager avec Alma. La défunte s'immisce entre eux trop souvent mais ça ne la dérange pas. Ce sont les moments où Samuel est le plus séduisant. Son sourire s'étire, son visage s'adoucit, ses yeux pétillent, son torse se bombe, et alors Alma devine celui qu'il sera quand il ira mieux.
Elle trouve ça beau. Il est beau.
Mais il n'est pas encore prêt à se tourner vers l'avenir, et ça la rassure, parce qu'elle non plus ne l'est pas.

Par-delà les étoiles (Demain Nous Appartient)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant