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Tandis que mon chef referme son bureau à clé derrière lui et qu'il me salue en me souhaitant une bonne soirée et un bon week-end, je compose une expression neutre tout en priant pour que la tornade qui me balaye intérieurement ne se voit pas. Alors que le quinquagénaire bedonnant passe les portes de la bibliothèque et que le silence s'installe, je pousse un soupir soulagé.

J'ai presque l'impression qu'une pancarte lumineuse aux néons clignotants est placardée sur mon front en mode "j'ai fait sauvagement l'amour dans un lieu public"... bordel, je ne sais pas ce qui m'a pris. Ou si, je le sais. C'est de la faute de Conrad, voilà.... Vraiment ? Non, je ne peux pas lui mettre tout sur le dos. Dès qu'il est dans les parages, je ne me reconnais plus. Mon cerveau se déconnecte totalement et je n'ai qu'une envie : le toucher, voir plus si affinités. Le pouvoir qu'il a sur moi devrait me faire peur. Oh oui, il devrait. Mais pas du tout.

Conrad m'a extirpée du marasme incontrôlable de mes pensées avant que les ténèbres ne m'englobent complètement. Jamais personne n'avait réussi cet exploit. Il lui a suffi d'être là, tout simplement, pour que ma terreur se dissipe comme l'on balaie une poussière de son chemin. C'est extrêmement troublant. Et je ne suis pas sûre de pouvoir mettre sa nature vampirique dans la balance. Nicolae, Drogo, Peter et ma petite Lorie sont aussi des vampires et pourtant, je ne ressens pas cette alchimie incompréhensible entre eux et moi. Même si je suis très proche de Lorie et qu'un lien évident s'est construit entre la petite vampire et l'humaine que je suis, il est impossible de le comparer avec ce qui m'assaille en présence de Conrad. D'ailleurs, sans qu'il ne soit là, j'y pense constamment.

Avec un rictus mi-agacé, mi-amusé, j'attrape mon sac en bandoulière et sors de la bibliothèque, officiellement sacralisée par nos ébats plus que lascifs à mon vampire et à moi. Rougissante, je soupire et quitte l'université en me traitant de dévergondée.

Dans les rues sombres de Mystery Spell, je suis un peu ailleurs. Un pas après l'autre, j'essaye de me contrôler et de m'enjoindre à rester à ma place. Dorénavant, je ne me jetterai plus dans les bras de Conrad comme une affamée. Je suis plus forte que ça. J'ai appris à manier mes émotions et à ne pas les laisser me contrôler. Je l'ai fait pour pouvoir survivre face à ... mon père. Ce monstre de cruauté et de malice qui m'a toujours terrorisée et que j'ai fui il y a plusieurs mois. Ce même monstre qui m'a retrouvée. Bordel.

Mon cœur bat à un rythme effréné lorsque je longe les quelques boutiques de la rue principale menant au manoir des Bartholy. Des enseignes aux couleurs vives et chatoyantes attirent mon attention. Je me détourne momentanément de mes pensées affolées et scrute les devantures à ma gauche. Et alors que je me dis de me dépêcher, mon regard est attiré par quelque chose dans l'une des somptueuses vitrines. Un mannequin de mousse met en valeur un ensemble très sexy de lingerie et porte desjarretelles en dentelles rouge et noire. Sublime. Le genre de lingerie fine que je n'ai jamais porté. Des idées me passent par la tête et je m'en veux tout de suite. Non, je n'ai pas l'argent pour de telles frivolités. Non, je ne dépenserai pas... merde, 200 dollars !... pour tenter de me rendre sexy devant Conrad.

Je me renfrogne et détourne mes yeux aux sourcils froncés de la tentation, puis allonge mes enjambées pour rentrer plus vite au manoir. Penser à Lorie et à son petit minois ravie de me voir est un bon moyen de ne pas songer à cet ensemble hors de prix qui me nargue... ni à la réaction de Conrad s'il me voyait dedans. Serait-il content ? Serait-il excité ? M'offrirait-il ce regard intense et perçant, aussi carnassier que sexy ? Bordel ! Non non non, je ne dois pas avoir ce genre de pensées ! Argh. Je suis quoi, une gamine ? Je n'ai plus l'âge de ces enfantillages et de ces jeux coquins.

L'esprit en ébullition (même si mon apparence extérieure est faussement sereine), j'arrive au portail en fer forgé de mes employeurs vampiriques plus rapidement que je n'aurais cru... et me fige quelques mètres avant. Une longue silhouette aux lignes élancées et sculpturales se tient adossée au mur attenant.

Mon Vampire (Is it Love? Conrad)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant