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Cette rencontre inopinée et cette altercation m'ont fait totalement oublier la menace qui pèse sur moi. Alors que je ne devrais pas baisser ma garde. Tous les vampires et créatures surnaturelles du monde ne sont que secondaires dans la tornade d'effroi qui accompagne mon ancien bourreau. C'est ridicule, pourtant. Il ne s'agit que d'un humain. Oui. Mais toutes les fibres de mon être tremblent à la simple pensée qu'il m'ait retrouvée.

Encore sonnée par la menace que je nommerai sobrement "Blondie" et par ses paroles, je pénètre dans le manoir dans un état second. Tous les rouages de ma maigre cervelle s'activent, à tel point que je ne remarque pas la présence de Nicolae.

— Bonsoir, June. As-tu passé une bonne journée ?

Sa voix douce et sa prévenance me font revenir sur terre. Je relève la tête vers lui et lui fait un sourire de façade. Mouais. Je peux faire mieux que ça, d'habitude. Comme preuve de mon mauvais acting, je vois les sourcils de Nicolae se froncer imperceptiblement. Il se rapproche et se penche vers moi, bienveillant mais soucieux.

— Quelque chose ne va pas ?

Oh tu sais, la routine : mon monstre de père que j'ai fui en venant ici m'a retrouvée, une garce de vampire m'a agressée devant chez toi et aussi, je me suis envoyée en l'air (2 fois) avec ton invité de marque.

— June...?

— Non tout va bien, Nicolae. Ne t'inquiète pas. Je suis juste un peu fatiguée. La condition humaine, que veux-tu !

Je tente de détendre l'atmosphère mais mon hôte vampirique n'est pas dupe. S'il avait été un simple humain, peut-être que le sourire faussement placardé sur mes lèvres aurait donné le change, mais vu qu'il s'agit d'une créature surhumaine, je ne gagnerai pas ce coup là.

— Sache que tu peux tout me dire, June.

Ah, Nicolae. Le chef de famille prend son rôle très à cœur. J'ai pu constater qu'il souhaite sincèrement me protéger, et cette évidence me réchauffe le cœur. N'a-t-il pas statué que je faisais partie de leur famille ? Et même si c'était un mensonge, ce que je doute concernant Nicolae, je ne peux qu'être sensible à cette marque d'affection dont j'ai toujours été privée.

Mon sourire auparavant faux se transforme en une expression plus vraie que nature, cette fois. Mon employeur semble alors se détendre un peu.

— Merci, Nicolae, fais-je doucement. Tu es vraiment quelqu'un d'attentionné !

Le vampire aux cheveux bruns me sourit d'une manière si chaleureuse que mon pouls s'accélère. Il prend congé de moi après m'avoir une nouvelle fois rassurée sur sa présence au moindre de mes soucis, puis se dirige d'une manière distinguée vers le salon. Momentanément apaisée par cet interlude, je grimpe les marches de l'imposant escalier qui mène à ma chambre.

Lorie s'est couchée tôt, ce soir, et semblait un peu morne. Je lui ai inventé une histoire avant qu'elle s'endorme, mais sa mine ne s'est pas adoucie, même après le récit épique des aventures rocambolesques d'un célèbre explorateur. Assise sur le banc près de mes fenêtres, je me demande avec inquiétude ce qui peut bien rendre ma petite vampirette aussi bougonne... Je récite mentalement tous les moyens en ma disposition pour lui redonner le sourire au plus tôt demain matin, lorsque je la tirerai du lit, quand une ombre sortant de la forêt jouxtant le manoir me fait sursauter.

L'apparition était si furtive que je crois avoir rêvé. Mais je me crispe tout de même. Blondie serait de retour ? J'ai bien senti que ses menaces et son gentil rappel à l'ordre de tout à l'heure n'étaient pas que des paroles en l'air, évidemment. Pourtant, je pensais ce que j'ai dit : je fais confiance à Conrad. Cette certitude emplit mon cœur de chaleur et de détermination farouche, même si les propos méprisants et cruels de la blonde ne cessent de tourner dans ma tête. Merde, j'ai d'autres soucis plus urgents que de m'appesantir sur les états d'âmes d'une grognasse qui me prend pour du bétail ! Mon père m'a retrouvée, bordel. Je dois me concentrer sur ça.

Mon Vampire (Is it Love? Conrad)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant