La main agrippée à son épaisse chevelure, je tente de prononcer quelques mots – chose rendue compliquée par la présence de sa langue dans ma bouche. Un léger gémissement s'échappe d'entre mes lèvres lorsqu'il me colle un peu plus étroitement à lui.
Je connais Larry depuis quelques mois, et dès la première rencontre dans une soirée organisée par Ted, l'attraction a été immédiate : l'électricité crépitante, la tension sexuelle... le reste n'a pas tardé. J'aime passer du temps avec lui, je tiens à lui, pour autant, je ne suis pas amoureuse. Mais j'aimerais. Vraiment. Sauf que... rien. Pas de papillons dans le ventre ni d'ailes qui me poussent dans le dos. Je rêve d'un truc à l'eau de rose dans ce genre-là, complètement guimauve, mais rien n'y fait. Ça n'arrive jamais. Comme si j'en étais incapable. Comme si je ne pouvais rien ressentir...
— Je ne bois qu'un verre et je rentre, je te préviens ! parvins-je à énoncer entre deux baisers.
Il acquiesce en sortant de la voiture, et nous nous dirigeons vers un des bars étudiants en vogue du moment.
Eh oui... Larry est étudiant. Le genre qui fait des études supérieures dans le but de devenir avocat ou docteur. Ou rentier, tiens ! Friqué, dans tous les cas.
— Ça me fait plaisir qu'on sorte un peu tous les deux, j'ai l'impression qu'on ne s'est pas vus depuis des années ! dit-il alors qu'on prend place au bar.
— Larry, j'ai passé la nuit chez toi il y a à peine deux jours !
J'attrape ma chope de bière et y trempe mes lèvres. Mon regard cavale vers la piste de danse où se trémoussent des étudiants déjà bien éméchés.
Puis Larry me parle de la fac, de sa sœur qui cause des soucis à la maison, de sa peur d'échouer aux exams. Il débite tellement de choses et si vite, que j'en ai le tournis. Pourtant, j'écoute à peine. Je m'en veux d'être aussi distante avec les gens. À part ma grand-mère, j'ai beaucoup de mal à m'investir dans une relation, même amicale, et je vois bien que ça peine Larry. Alors je lui raconte deux ou trois anecdotes, comme les flics au boulot. Ses yeux pétillent d'une lueur déconcertante qui me fait fondre.
Après deux bières, je décide de m'arrêter et m'apprête à me relever pour aller danser, lorsque Larry me retient par le bras. Il se penche vers moi pour couvrir le son de la sono, sa mèche brune ondule et s'écrase contre son front :
— Je viens de décrocher une bourse.
Son souffle balaye ma joue, son regard noisette accroche le mien. Je fronce les sourcils, pas certaine d'avoir bien saisi, avec le brouhaha ambiant.
— Mais... je ne comprends pas, tu avais besoin de cette bourse ?
— Pour entrer à Yale ? Oui...
— Yale ? Waouhh, c'est... loin. Enfin, je veux dire, c'est super. Je suis heureuse pour toi !
Je déglutis difficilement, comme si une boule s'était logée dans ma gorge. J'ai beau ne pas en être amoureuse, je me suis attachée à lui et à sa présence. Cette sensation grisante de compter pour quelqu'un, de lui être essentiel.
— C'est compliqué pour moi de partir...
J'acquiesce alors qu'il s'approche un peu plus, ses genoux frôlant les miens. Sa main attrape mes doigts et les serre, j'essaie naïvement de détourner le regard, parce que son ton est bien trop solennel. Parce que je pressens les mots qui sortiront de sa bouche aussi. Mais Larry fait pression sur ma joue à l'aide de son index, ne me laissant aucune échappatoire.
— Je t'aime Rain, donne-moi une raison de rester...
Et voilà, ça n'a pas loupé. Mes mains sont moites, je me sens gênée, incapable de lui répondre, et je me fustige mentalement.
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Sang-Noir
ParanormalJe n'avais pas de passé, et pas d'avenir. J'aurais dû m'en contenter. Parce que soir-là, dans la ruelle, ma vie a basculé. Et me voilà propulsée dans un monde qui m'est inconnu. Un vampire sorti tout droit d'un magazine de mode a essayé de m'aspirer...