2. Rain (2)

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Je lutte et me débats, mais la pointe de curiosité subsiste. Malgré tout, j'essaie de me dégager : je le griffe, je crie, mais il a plaqué une de ses mains contre ma bouche. Une puissante odeur d'after shave bon marché envahit mon espace vital, et c'est avec fascination que je découvre deux canines proéminentes se rapprocher dangereusement. Avant que je ne comprenne ce qu'il compte faire, il plonge dans mon cou et y enfonce profondément ses dents. Le bruit du sang bat contre mes tempes et le cri qui résonne dans mon crâne se meurt dans ma gorge. Le son de succion se répercute dans le silence de la nuit et me file la nausée.

Soudain, il me relâche et fait un bond en arrière. Je glisse le long du mur, sonnée, la main contre mon cou, incapable d'esquisser le moindre geste. Mon regard reste fixement accroché à celui du monstre qui vient de me mordre. Ce dernier se courbe en deux et crache par terre, l'air passablement énervé. Lorsqu'il se redresse, un rictus mauvais anime ses traits, avant qu'un sourire ne fleurisse sur ses lèvres à l'ourlet si sexy.

- Bordel, c'est dégueulasse ! se marre-t-il. C'est bien ma vaine !

Désormais certaine d'avoir affaire à un fou furieux, j'hésite sur l'attitude à adopter. La raison voudrait que je prenne la fuite face à ce qui se révèle être... un vampire ?

Bordel de merde !

Si j'en ai déjà entendu parler, je prenais ça pour un mythe lointain.

Je sursaute et laisse échapper un cri lorsqu'un mouvement à ma gauche prend de l'ampleur. La silhouette d'un homme à la carrure impressionnante se dessine dans le clair-obscur engendré par les reflets de la lune. Mon corps se met à trembler. Téméraire, mais pas trop. J'ai les jambes en coton suite au repas du psychopathe qui n'a pas l'air de s'être régalé, et si j'ai côtoyé occasionnellement le monde de la nuit, ça a toujours été de loin. Là, je suis seule, en position de faiblesse, et sans arme pour me défendre.

Ne jamais sortir sans un pieu.

Pourquoi personne n'inculque ça à l'école, hein ?

Le type, dont je distingue mal les traits dans la pénombre, approche dangereusement, avant de bifurquer vers le vampire, à mon plus grand soulagement.

- Cinq minutes, putain ! Je te laisse cinq minutes et t'es pas foutu de contrôler tes instincts !

Il attrape le vampire par le col de sa veste et le repousse violemment contre le mur. Ce dernier redresse la tête, la faible lueur du petit lampadaire se reflète dans ses crocs, qu'il a ressorti pour l'occasion. Il émane de lui une puissance mêlée au souffle du danger : de son air menaçant à ses iris qui lancent des éclairs, de son attitude glaciale à sa mâchoire serrée. Suspendue au jeu qui se déroule devant mon regard, je me rends étonnamment compte que le vampire se contient face à l'homme. Puis la tension s'effondre, les lèvres du monstre se fendent d'un sourire carnassier lorsqu'il reprend la parole :

- Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué Silas, mes crocs ne sont plus accrochés au cou de la demoiselle innocente, lance-t-il d'une voix dénuée d'émotion.

Il prend alors appui contre le mur derrière lui, avec nonchalance. L'homme semble enfin se rappeler de ma présence. J'ai conscience que la fuite aurait été mon salut, mais ce type prend ma défense, ce n'est quand même pas pour me mordre à son tour, si ?

Lorsqu'il se retourne et que ses prunelles percutent les miennes, une salve de frissons se déverse, équivalente à des décharges électriques désagréables. Les mêmes que j'avais ressenties à notre première rencontre, puissance mille. Je grimace sous leur effet.

Le flic du bar...

Sans me porter la moindre considération, comme s'il ne me reconnaissait pas, comme si je n'étais qu'un vulgaire insecte, il fait volteface.

Sang-NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant