4. Rain (2)

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Si Zak m'inspire la peur de par sa condition de vampire, il ne m'a pas l'air si effrayant. Je trouve d'ailleurs son comportement désespérément humain. Mais Silas... il a ce quelque chose qui me fait craindre le pire. Peut-être la lueur qui s'agite sans pitié dans ses yeux pers, ou l'attitude inflexible qui ne le quitte jamais. À moins que ce ne soit ce petit air qu'ont les gens désespérés, ceux qui ne reculent devant rien. Dans tous les cas, une seule chose me paraît évidente : Silas est le chef. Tout, en lui, transpire le pouvoir et la force. Je gage que peu importe ma réponse, elle ne lui plaira pas. Alors j'opte pour la vérité :

— Qu'est-ce que c'est, l'Ordre ?

Il frotte sa barbe drue d'un air pensif et penche la tête sur le côté, comme s'il cherchait à lire en moi.

— Ne mens pas, menace-t-il, cette fois, je ressens ton pouvoir.

Ses iris au bleu intense et froid se révèlent sans pitié.

— Débarrasse-toi d'elle.

Il fait demi-tour et je sursaute, comme giflée, incapable d'assimiler ces pauvres mots. Il plaisante, pas vrai ? Je jette un bref coup d'œil à Zak, et suis presque surprise lorsqu'il prend la parole :

— La dague n'a aucun effet sur elle.

Silas se retourne et hausse un sourcil. Son regard dessine les contours de mon corps, puis remonte lentement : il semble m'analyser, telle une bête de foire.

— Ses pouvoirs se sont manifestés ?

— Je ne pense pas, siffle le vampire, les dents serrées.

Silas me contourne, saisit la dague restée au sol d'une main habile et s'amuse avec en reprenant place devant moi. Un éclat sombre luit dans ses yeux, parfait contraste avec la clarté presque irréelle qui se dégage de ce bleu hypnotique. La dague tournoie entre nous sans qu'il ne lâche mon regard, comme un duel sans fin dont je suis certaine de sortir perdante.

Alors que le moment traîne en longueur, me laissant dans l'expectative, il me surprend et colle la pointe contre ma gorge. Je déglutis péniblement en happant de petites goulées d'air pour éviter de tomber dans les pommes. Quand je sens la lame frôler la peau et que l'homme face à moi semble s'en délecter, je perçois à nouveau le souffle puissant naître au creux de mes entrailles.

— Qui t'envoie ?

Silas force un peu plus pour percer la peau fine, sans prendre conscience du souffle chaud qui m'enveloppe. Mais la lame ne progresse pas alors qu'il fait clairement pression. Soudain, elle est éjectée de ses mains et se retrouve dans la mienne. Le métal est brûlant, la sensation, grisante. Le feu envahit mes doigts, mon bras, puis mon corps entier. Mes cheveux, mis en mouvement par la force, se dressent sur ma tête. Le pouvoir m'habite, j'ignore d'où il vient, j'ignore quoi en faire, mais l'extase qu'il me procure est juste... sensationnelle. Alors que Silas tente de récupérer son arme en accrochant ma main, je pousse un cri, à mi chemin entre douleur et plaisir. La dague agit comme une sorte de catalyseur entre nous, soudant nos doigts à l'arme. Mon pouls pulse à un rythme démentiel, le fluide imprégné de pouvoir se répand entre nos deux corps, avance et se retire en vagues désordonnées, de façon presque érotique. Ma poitrine monte et descend, mais Silas met fin à la scène avec un seul mot, à peine un souffle :

Dracamor !

Et la dague m'est arrachée. Je la fixe avec un soupçon de déception tandis qu'elle rejoint la main de son propriétaire.

— Qu'est-ce que c'était que ça ? Bordel Sil', fallait voir ta tête, s'amuse Zak.

Je recule précipitamment en réalisant que ce qui vient de se passer signe mon arrêt de mort. Mon regard évalue la distance qui existe entre la porte et moi, et je bute contre le mur du salon sans avoir arrêté ma course.

Sang-NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant