4. Rain (1)

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Lorsque mes paupières s'entrouvrent et que je redresse la tête, j'ai la sensation désagréable de voir tanguer l'environnement à vitesse grand V. À tel point que mes pupilles refusent de se fixer.

Bordel de merde, pire qu'une bonne cuite !

Je me rallonge avec lourdeur en couvrant mon visage de la main. Enfin ça, c'est la théorie, parce que quelque chose l'entrave. J'essaie de rassembler mes esprits et me tortille alors qu'un picotement déplaisant me picore l'abdomen.

Aïe !

Puis je me rappelle. De tout. Comme un pantin sorti de sa boîte, j'écarquille les yeux, les battements de mon cœur s'accélèrent alors qu'une chaleur désagréable se distille sur mes joues.

Le vampire est là, à peine à deux pas de moi. J'essaie de reculer mais bute contre le dossier du canapé. Un bref coup d'œil aux alentours me confirme que je suis dans une maison on ne peut plus banale. Des tentures démodées ornent les murs et côtoient des meubles à l'allure résolument trop modernes pour elles. Quand mon regard se recentre sur celui dont le prénom me revient immédiatement en mémoire – Zak – je me demande un instant si j'hallucine. Mais impossible de me pincer avec les liens qui serrent mes poignets.

Je réprime un haut-le-cœur de pure peur devant son regard féroce et glacial. Comme s'il allait me manger toute crue. Ce qui n'est finalement pas si incongru que ça, vu qu'il a déjà tenté de le faire.

Je me force à mettre mon monologue interne en pause pour lui parler. Un mince filet de voix sort de ma bouche, dans un souffle :

— J'ai envie de faire pipi.

Sérieux ?

Un rire nerveux s'échappe de mes lèvres.

Le vampire, décontenancé, reste sans réaction le temps d'une seconde, avant de secouer la tête avec un petit sourire en coin.

— Putain de sorcière ! crache-t-il en m'attrapant le bras.

J'essaie de me dégager, sans succès devant sa poigne de fer. Je ne suis pas préparée à ça. Du tout. Les petites potions, les visions de ma grand-mère, ça oui, je peux gérer. Mais là, je perds tout moyen.

Il soupire, agacé.

— À moins que tu ne comptes pisser sur le canapé, ce serait plus pratique de me suivre.

Alerte, il me dévisage avec intérêt, semblant attendre un geste de ma part, puis il me tire sans ménagement. Je pousse un petit cri, en freinant des quatre fers face à la pointe aigüe qui me comprime le ventre : mes yeux se posent là d'où vient la douleur, sous ma poitrine.

— Et merde, lâche Zak, comme s'il s'en souciait alors que sa désinvolture dément ses propos.

Il soulève mon haut et un bruit métallique résonne sur le carrelage. Une dague crantée se dévoile, plus la peine de chercher d'où vient ma coupure.

Le visage du vampire se métamorphose soudain. Le regard anthracite accroché à ma peau, il déglutit, puis me relâche brusquement.

— Qu'est-ce que...

J'ignore comment réagir devant son intérêt malsain. Les yeux étrécis, il persiste à me dévisager. Il me paraîtrait presque inoffensif ! Puis je me souviens. Que c'est un vampire. Féroce et sanguinaire. Je me dandine pour faire retomber mon t-shirt et remercie le ciel ou je ne sais qui d'avoir le sang pas à son goût. Il recouvre alors ses esprits et attrape mon bras, cette fois de façon plus délicate.

— Tu as dix secondes dans les toilettes.

Le vampire m'escorte jusqu'à la porte, qu'il ouvre avant de me projeter à l'intérieur.

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