- Undertaker, tu es là ? je demande en rentrant dans la boutique obscure.
Un silence de mort suivi d'un rire malsain s'élève alors dans la pièce. Le croque-mort sinistre apparaît soudain de derrière un cercueil, nous surprenant comme à son habitude. L'homme s'approche de nous et commence à me toucher les épaules et à examiner mes cheveux, réflexes insupportables qu'il a chaque fois que je lui rends visite.
- Alors, Comte..., murmure-t-il en riant. Que puis-je faire pour toi aujourd'hui ? Vas-tu enfin me laisser te mettre dans l'un de mes cercueils ? A moins qu'il n'en faille un pour ta jolie soeur...
- Pas touche, sombre idiot, lui dit froidement Rosalie en le voyant se rapprocher.
Nous lui expliquons la raison de notre venue, en lui demandant si les femmes assassinées ont fait partie de ses "clientes". Comme je m'y attendais, il me réclame un fou rire. Et comme il s'y attendait, c'est Sebastian qui prend le relais en nous priant de sortir. Une fois la porte refermée, Rosalie s'adosse contre celle-ci en soupirant :
- Il nous ferait perdre un temps précieux si Sebastian n'était pas là.
- Il nous en fait déjà perdre assez même avec lui. Sérieusement, pourquoi cette obsession pour le rire ?
- Travailler et vivre avec des morts, ça doit lui faire flancher le moral. Il lui faut bien une petite blague de temps en temps pour se revigorer. Mais ce n'est pas comme si tu pouvais comprendre l'intérêt d'un fou rire, hein grand frère ?
Je la fusille du regard tandis qu'elle éclate de rire. Elle a raison, je ne comprends pas. "Tu vivras plus longtemps", "Ca te détendrait". Je ne compte pas vivre longtemps et je n'ai pas besoin d'être détendu. Donc je réitère : je ne comprends pas l'intérêt.
Enfin, le rire d'Undertaker explose dans la rue, et Sebastian vient nous ouvrir. Le croque-mort, qui se tord de rire sur son bureau, finit par se calmer. Je repose ma question :
- Sais-tu quelque chose sur les cinq jeunes filles aux noms de fleurs assassinées ?
- Un peu que j'en sais quelque chose ! Elles sont tellement belles, ce sont les pièces maîtresses de ma boutique. Lavande, Narcissa, Dalhia, Iris et Marguerite, c'est bien ça ?
- Oui. Leur gorge a été tranchée et leurs cheveux trempés dans leur sang, n'est-ce pas ?
- Exactement, comtesse. Mais si vous voulez tout savoir, j'ai remarqué une chose notable dans leurs blessures à la gorge.
Rosalie et moi nous asseyons côte à côte sur l'un des cercueils vides, tandis que Sebastian reste debout. Le croque-mort nous sert du thé croupi dans de vieux verres doseurs, et place entre ma soeur et moi un pot rempli à craquer de biscuits en forme d'os. Ils sont secs, sans saveur, mais je meurs de faim : Sebastian ne m'a pas préparé mon goûter.
- Elles étaient très très grosses, et à la fois très précises. Comme si le tueur y était allé très doucement mais avec une énorme lame.
- Qu'est-ce qui aurait pu faire une entaille aussi large et précise ? demande Rose.
- Je n'en ai aucune idée, ma chère. Mais ce qui est sûr, c'est que l'assassin est extrêmement dangereux. Vous savez où il tue pas vrai ?
- Oui, dans les confessionnals des églises. D'ailleurs il ne manque pas d'humour, il a tué Marguerite dans l'église de Sainte Margaret, ajoute Sebastian
- J'y pense, dit Rosalie, il ne tue jamais au même endroit, je me trompe ?
En effet, ma jumelle a raison. Les cinq églises sont différentes. Marguerite a été tuée, comme l'a dit Undertaker, dans l'église de Sainte Margaret. Dalhia était morte dans le Temple Church. Iris a été assassinée dans l'église de Saint Marylebone. Quant à Lavande et Narcissa, on leur a ôté la vie respectivement à Saint-Martin-In-The-Fields et à Saint Mark.
- Le fait qu'il tue dans le confessionnal veut peut-être dire qu'il se prend pour Dieu et s'attribue Son pouvoir de jugement. Il considère que les pêchés de ces femmes sont tous impardonnables et il s'autorise donc à les tuer.
- Qu'elle est maligne, cette petite comtesse...
- Il est très probable que le tueur surgisse à Westminster et à la Cathédrale Saint-Paul, dis-je. A quelle heure les meurtres ont-ils été commis ?
- Hum... Aux alentours de 23 heures ou minuit. Dieu sait ce que ces filles fabriquaient aussi tard dans un confessionnal.
- On se sent plus écouté la nuit, explique Rosalie. "Seule la lune écoute mon histoire en silence". Et puis, il y a moins de gens qui risquent de nous écouter d'une oreille indiscrète le soir.
Toutes nos théories concordent. Reste à savoir où, quand et comment arrêter le meurtrier. Soudain, la porte de la boutique s'ouvre. Nous nous tournons vers la sortie avec étonnement. La porte se referme d'un claquement sec. Une silhouette avance jusqu'à nous, Sebastian fronce les sourcils. Puis, dans la lumière des bougies, le corps d'une jeune femme se sépare de l'ombre. Elle a de longs cheveux bruns ondulés, un oeil noisette et l'autre blanc, aveugle, et elle est plutôt grande pour une femme : elle atteint l'épaule de Sebastian. Elle retire ses lunettes rondes pour les essuyer avec un chiffon, puis les remet d'un air détaché sur son nez. Elle est vêtue d'une ample chemise crème bouffantes aux avants-bras, d'un pantalon marron serré juste sous la poitrine, et d'interminables bottes plus foncées. Son regard semble ennuyé, blasé, mais elle a l'air de savoir exactement ce qu'elle fait là.
- Cleo Walker, de la police. Vous êtes les Phantomhive ?
Sa voix est assurée, grave et posée. Elle nous désigne du menton, moi et Rosalie. Nous hochons la tête en même temps. La jeune femme pose son regard sur Sebastian, baisse ses lunettes et le lorgne des yeux en souriant.
- Pas mal, votre majordome, commente-t-elle. Il est à vendre ?
Je recrache mon thé et Rosalie s'étouffe avec un biscuit. Undertaker se met à hurler de rire, et tout ce spectacle grotesque se déroule sous le regard à la fois embarassé et flatté de notre diable de majordome.
- Navré, Mademoiselle mais...
- Moi, c'est Madame. Si vous croyez que j'ai besoin d'un homme pour être considérée comme une vraie femme, c'est que vous avez du fumier dans les yeux.
Je surprends Rosalie à la regarder d'un air admiratif. Personnellement, je ne vois rien d'admirable chez cette femme. On verra si elle fera toujours la maligne quand elle finira seule chez elle avec des chats... Puis, munie d'une insolence aiguisée et d'un sans-gêne brut, la policière me prend mon verre doseur et en vide le reste d'une simple gorgée avant de me le remettre entre les mains.
- Bon, étant donné que Scotland Yard est dans la boue jusqu'au cou, j'ai décidé de m'inviter parmi eux sous ordre de Sa Majesté la Reine Victoria.
- Pardon ?! je m'exclame. La Reine vous a convoquée, vous ?
- Bien sûr. Si tu veux tout savoir mon lapin, mon géniteur était le dirigeant de la plus grande compagnie d'import-export de toute l'Europe. Il a gagné des millions et des millions. Sauf que devine quoi ? Il nous battait, moi et ma mère. Un jour, elle en a eu assez, elle l'a tué et a fait accuser notre majordome à la place. Elle a donc hérité de la fortune colossale de son mari et m'a tout donné quand elle est morte il y a neuf ans. Depuis, je travaille pour la Couronne sous le titre de "Ombre de la Reine". Et je suis la meilleure dans mon domaine.
On ne peut pas en dire autant de sa modestie.
- Vous allez faire équipe avec nous ? demande Rosalie.
- C'est ce que m'a demandé Sa Majesté en tout cas.
- Je ne vous crois pas, je réplique en me levant. Si Sa Majesté avait voulu envoyer quelqu'un sur cette enquête, elle me l'aurait demandé à moi.
- Owh, le petit mâle a son ego blessé ? Désolée si tu es vexé, mon chaton, mais les ordres sont les ordres, et ce serait comme un crime de mentir en utilisant le nom de Sa Majesté. Tiens, lis par toi-même.
Elle sort de la sacoche cousue à son pantalon une enveloppe. Le sceau est effectivement celui de la Reine, et il n'a certainement pas été imité. A l'intérieur, je reconnais l'écriture et la signature de Sa Majesté. Je reste pantois. Moi, Ciel Phantomhive, le Chien de Garde de La Reine, vient d'être humilié par une femme.
VOUS LISEZ
Black Butler Fanfic : L'Affaire des Sept Fleurs de Londres
FanfictionDes meurtres ont été commis dans le confessionnal de différentes églises londoniennes : des jeunes femmes de familles nobles et bourgeoises, toutes répondant à des noms évoquant des fleurs, tuées sauvagement. Ciel et Rosalie, curieux de résoudre cet...