9. Elton et Fahari

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Il nous reste encore sept jours avant la date fatidique du sept octobre. Nous assistons aux funérailles de Violette Bradway. Rosalie passe presque toute l'après-cérémonie à s'excuser auprès de la famille de la défunte de n'avoir rien pu faire. Ses parents nous expliquent que c'était la fille la plus gentille qu'ils connaissaient, qu'elle avait toujours bon coeur et qu'elle aimait aider les autres. La famille Bradway est très altruiste : ils donnent à beaucoup d'associations caritatives, accueillent de nombreux animaux égarés et d'orphelins chez eux, et passent le plus clair de leur temps à des galas de charité. Bref, pas le genre de famille que les Phantomhive fréquentent. Néanmoins, je dois avouer qu'ils sont très touchants. 

Alors que nous nous apprêtons à rentrer, Cleo nous interpelle :

- Serait-il possible de faire un détour par chez moi ? Je dois récupérer quelques affaires.

N'y voyant aucun inconvénient, j'ordonne à Sebastian de nous rendre à la demeure Walker. La taille de celle-ci est phénoménale. Située en plein milieu de l'un des boulevards les plus riches et fréquentés de Londres, elle est immense, d'un blanc immaculé décoré de dorures. L'entrée est même gardée par deux hommes qui sont probablement des mafieux ou des mercenaires payés très cher. Nous passons devant eux sans problème, guidés par la policière richissime. En poussant les deux lourdes portes à battants, l'intérieur plus propre que la propreté elle-même se dévoile sous nos yeux ébahis. La blancheur du lieu me donne mal au crâne, mais tout est décoré avec goût même si l'ensemble reste plutôt impersonnel. Aucune photo de famille, seulement des tableaux d'artistes plus ou moins connus. Cleo retire ses bottes et les jette sans retenue dans le hall en soupirant de soulagement. Je constate ses talons rouges et ses pieds usés tandis qu'elle les masse douloureusement. Puis d'un coup, une jolie femme noire surgit du haut de l'escalier central. Elle est plus petite et plus ronde que Cleo. Ses longs cheveux bruns sont regroupés en plusieurs tresses complexes, et elle a des yeux vert foncé envoûtants. Vêtue presque entièrement de la même façon que la brune, elle descend l'escalier pieds nus, un sourire comblé aux lèvres.

- Tu es enfin rentrée ! s'exclame-t-elle.

- Fahari !

La jeune femme métisse se jette alors dans les bras de Walker et... l'embrasse à pleine bouche. Je détourne les yeux en rougissant, tandis que Sebastian semble n'en avoir rien à faire et que Rosalie affiche un air surpris mais pas choqué. Puis, alors que je suis déjà assez interloqué, un jeune homme vêtu d'un simple pantalon et d'une chemise ouverte sur son torse rejoint les deux femmes et les embrasse chacune leur tour. Un verre de whysky à la main, il nous en propose allègrement.

- Elton, enfin, ce sont des enfants ! le gronde Fahari.

- Oh, il n'est jamais trop tôt pour découvrir le bon goût du whysky, répond Elton.

Il passe une main dans ses épais cheveux blond doré. Je n'en reviens pas. Ces trois personnes sont-elles... toutes en couple en même temps ? C'est à n'y plus rien comprendre. Alors que je me remets de mes émotions, je prends conscience que les trois adultes fixent intensément Sebastian. Mon majordome affiche un sourire embarrassé.

- Mais c'est qu'il est plutôt beau leur majordome, commente Fahari.

- J'aurais même dit qu'il est incroyablement séduisant pour un majordome, ajoute Elton.

- Je sais bien les enfants, mais malheureusement, Monsieur a refusé ma première proposition.

Le trio pousse en chœur un soupire exaspéré et déçu de façon très théâtrale, ce qui semble amuser Rosalie, qui ose poser la question qui me brûle les lèvres :

- Êtes-vous... tous les trois en couple ?

- Exactement, ma chérie, répond Cleo. Je suis autant amoureuse de Fahari que d'Elton, et c'est la même chose pour eux deux. Nous sommes ce qu'on appelle un trouple.

- J'en avais entendu parler, dit Sebastian. C'est très surprenant comme modèle de relation, mais chez certaines personnes, ça marche très bien. 

Cleo se sépare de ses deux acolytes et s'étire longuement.

- Bon, écoutez les enfants, je ne reste pas longtemps. J'ai une affaire urgente sur les bras, et je ne suis là que pour récupérer quelques petites choses. Je serai de retour dans une semaine minimum. 

- Une semaine ? s'écrie Elton. Mais ça va être looooong...

- Vois le bon côté des choses mon minou, lui répond Cleo en attrapant son menton d'un air langoureux. Tu vas pouvoir jouer toute une semaine avec Fahari.

- Ouuuh, voilà qui est un bon lot de consolation!

Fahari lève les yeux au ciel d'un air amusé. Cette dernière nous propose de nous installer dans le salon pendant que Walker monte chercher ses affaires. Le dit salon est gigantesque et sublime. Sur la table en marbre blanc et gris, Elton vient déposer une superbe théière en argent d'où s'échappe un parfum délicieux. Pendant qu'il nous sert poliment, Fahari met à notre disposition plusieurs assiettes contenant des cookies, des mini-muffins et de la brioche sucrée. Chacun de ces desserts est un délice qui fond dans la bouche et qui dépasserait presque les douceurs que Sebastian prépare. Le thé est un arôme que je n'ai jamais goûté. Je demande aux deux adultes d'où il vient.

- C'est un FEW Golden Tea 1880. C'est un thé qui n'est fabriqué qu'ici, dans les jardins Walker et qui est fait à partir de jasmin, de lavande, de menthe fraîche et d'un ingrédient secret que seule Cleo connaît. 

- Un FEW Golden Tea 1880... Pourrais-je vous en emporter une boîte ? 

- Bien sûr ! Elle sera ravie d'apprendre que vous aimez ce thé. Vous n'aurez qu'à revenir en prendre quand vous aurez fini celle-là !

Un domestique très élégamment habillé apporte à Sebastian une boîte décorée de fines dorures dessinant des fleurs. Il l'ouvre un instant, et un paradis olfactif se développe alors dans tout le salon. C'est définitivement le meilleur thé que je n'ai jamais goûté et senti. Pendant que je m'empiffre sous le regard réprobateur de mon majordome, Rosalie pose toutes sortes de questions à Fahari et Elton sur leur couple à trois, leur vie dans un aussi grand manoir, et sur Cleo en général.

- Nous l'avons rencontrée dans une soirée mondaine très privée. Je sortais déjà avec Elton à l'époque, et quand elle a commencé à nous fréquenter, nous lui avons ouvert les bras. Après une année de relation, nous sommes venus nous installer ici, quittant notre petite maison de campagne. La pauvre vivait toute seule ici et enchainait des amants qui ne la respectaient même pas pour ce qu'elle était. 

- Vous connaissez son passé ? je demande. Cette histoire avec ses parents...

- Bien sûr, répond Elton. Ce n'est un secret pour personne. Elle passe le plus clair de son temps à se réjouir de la mort de son père et du courage de sa défunte mère. Son besoin excessif d'évoquer ce passé, c'est dû à son manque de confiance en elle et à ses traumatismes. Vous vous rendez compte ? Elle a passé 15 ans enfermée chez son père qui la battait et l'humiliait tous les jours. Il la trainait aux bals qu'il organisait ici et faisait tout pour que les invités la voient comme la pire des bâtardes. Elle est couverte de cicatrices plus affreuses et cruelles les unes que les autres. Sans parler de son œil...

- Sa mère, comment était-elle ? l'interroge Sebastian.

- Elle nous en a peu parlé. Apparemment, c'était une protestante très pratiquante. Quand elle ne se faisait pas cogner par son mari, elle allait à l'église pour avouer ses péchés d'infidélité, de mensonge... Elle était persuadée que c'était de sa faute si Monsieur Walker était violent. Un jour, elle en a eu assez d'avoir peur, elle a attrapé le hachoir du cuisinier et a tranché la gorge de son époux. Il s'est vidé de son sang là-bas, sur le carrelage du hall d'entrée.

Rosalie et moi tournons la tête vers le lieu dit. Imaginer l'homme mourir lentement sous les yeux de sa femme enragée me glace le sang. Tante An avait raison : les femmes peuvent être pires que le Diable lorsque les hommes les cherchent. Puis, Cleo pénètre dans le salon, un sac à la main, ainsi qu'une étrange malle noire dont elle refuse de nous dévoiler le contenu.

- J'ai tout ce qu'il me faut. Mes amours, je serai bientôt de retour, c'est promis !

- Tu vas nous manquer ma belle, lui dit Fahari en souriant tendrement.

- Je t'aime, ajoute Elton. On t'aime.



Black Butler Fanfic : L'Affaire des Sept Fleurs de LondresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant