18. Fin de contrat

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Le Cliffhanger était une arme conçue et fabriquée dans le monde des démons. A la pointe de la technologie moderne, elle était capable de tirer des balles plus vite que n'importe quelle autre arme à feu récente. Pesant près de soixante-dix kilos et mesurant approximativement un mètre, elle était rétractable et transportable dans une malle noire quelconque, celle que Cleo avait trimballé depuis notre passage dans sa demeure. Ce mastodonte démoniaque lui avait été laissé par sa mère, qui l'avait elle-même eu de la main de Spencer lui-même. Ce dernier, châtié pour avoir brisé ses premiers contrats pour des causes "passionnelles", était tenu obligé de confier cette arme à ses contractants. Ceux-ci se voyaient dans l'obligation d'user du Cliffhanger contre Spencer en cas de problème avec lui. Jamais personne ne s'en était servi correctement, et ainsi le démon avait pu vivre jusque là. Jusqu'à ce que Cleo lui tire des balles bien placées qui envoyèrent l'ex-majordome rejoindre le vide et les ténèbres éternels. Une fin bien pathétique qu'il avait méritée. 

Sebastian n'en revenait pas que Cleo ait attendu de pouvoir se servir du Cliffhanger durant tant de temps. Il expliqua que la plupart de ses détenteurs s'en débarrassaient ou se tuaient avec au bout d'un laps de temps très court, fatigués par la pression et l'aura diabolique que possédait l'arme. Cleo avait persévéré dans la vie, trop déterminée à venger sa mère et à vouloir poursuivre son existence, dont une partie avait déjà été volée par son géniteur. 

Rosalie passa à ça de la mort. Si Sebastian n'avait pas mis autant de temps à se bouger, elle aurait moins souffert et aurait gardé une cicatrice moins conséquente. A présent, une semaine après l'incident, elle arborait une trace griffue rougie qui lui traversait le ventre et dont s'écoulait parfois un mince filet d'un étrange liquide noir. Sebastian, qui n'a pas chômé pour la soigner, lui annonça qu'une partie infime de Spencer vivait maintenant dans sa blessure. Comme si une part d'elle était maintenant pourvue de l'essence des démons. Cela ne me rassura pas du tout, j'étais même terrifié, mais Rosalie semblait emballée à l'idée de pouvoir penser qu'elle était une sorte d'hybride mi-humaine, mi-démone. L'idée fit rire Sebastian, qui ne lui répondit rien. Tant que ma soeur ne devenait pas comme ce bon-à-rien de majordome, j'étais soulagé, du moins partiellement. 

J'ai également décidé de piocher dans les économies de la compagnie pour aider à financer les travaux de la Cathédrale Saint-Paul, dont l'intérieur avait été complètement ravagé par le combat féroce des deux diables. Quant à Cleo, elle faisait plusieurs allers-retours dans la semaine jusqu'au château de la Reine Victoria. Je n'ai pas été convié, mais la policière m'a assuré que Sa Majesté souhaitait me remercier chaleureusement pour l'aide bénévole que j'avais apporte à cette enquête. "Aide bénévole", tu parles... 

Grell et Ronald, eux, récupérèrent leurs âmes volées par Spencer. La trêve était terminée, mais au moins, nous avions la paix pour le moment. 

Peu après...

Assis sur les marches du manoir, je lis en écoutant le vent se lever et souffler dans les arbres. Rosalie me rejoint, emmitouflée dans un large gilet de laine. Elle s'assoit à mes côtés et pose la tête sur mon épaule.

- Sebastian a pu récupérer le pull de Papa. J'avais peur qu'il soit irrattrapable avec tout le sang qui l'a tâché.

- Quelle idée de porter des vêtements à valeur symbolique quand on sait qu'on est menacé de mort par un diable ?

- Je me suis dit que ça allait me porter chance. Les voyantes ne racontent que des salades apparemment.

- Ce n'est pas une nouveauté. 

Cleo apparaît derrière nous à son tour, sa malle et son sac à la main. Ses lunettes, dont l'un des verres est légèrement fissuré, trônent toujours fièrement sur son nez, lui donnant cet air prétentieux mais intellectuel qui lui va bien. Je ferme mon livre et lui demande tandis qu'elle descend lentement les marches :

- Vous nous quittez déjà ? 

- Elton et Fahari sont sûrement inquiets. Je ne peux pas les laisser seuls plus longtemps, sinon le manoir va brûler. Et puis, j'ai d'autres choses à faire.

- Vous allez nous manquer, lui dit Rosalie. C'était un plaisir de faire équipe avec vous.

Cleo affiche alors un sourire à la fois triste et reconnaissant, ce qui nous étonne. Cette expression ne lui va pas vraiment, mais elle a l'air tellement sincère. Elle tend sa main à ma soeur puis à moi.

- C'était un plaisir aussi. J'espère que nous aurons encore l'occasion de collaborer.

- Madame Walker ?

Sebastian, qui s'est matérialisé sans un bruit comme d'habitude, s'incline en direction de la jeune femme et lui tend sa main droite, paume vers le ciel. Cleo comprend et regarde sa malle avec un sourire encore plus triste.

- Il va me manquer, dit-elle. Si je pouvais encore casser la gueule d'autres démons avec, je m'en ferais une joie.

- Malheureusement ou heureusement, le châtiment de Spencer a été levé. Je me dois donc de restituer cette arme bien trop dangereuse pour être laissée entre des mains humaines et impures.

- Arrête, je vais rougir.

En pouffant, elle confie la lourde malle à mon majordome. Elle nous salue une dernière fois d'un signe de tête, et sans dire un mot, elle s'éloigne, rejoignant la calèche qu'elle a appelée plus tôt. Elle s'efface au milieu des feuilles d'automne, et lorsqu'elle nous jette un dernier regard accompagné d'un sourire ambigu, je jurerais voir l'un de ses yeux se teinter de rouge pâle. Mais les feuilles sont si nombreuses, si colorées, si vivaces...

J'ai probablement rêvé. 


Black Butler Fanfic : L'Affaire des Sept Fleurs de LondresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant