Chapitre 17 : Comas communicants

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Le chirurgien sortit de la salle d'opération, ses mains gantées de vert levées bien en évidence et passa dans le sas de décontamination où une infirmière l'aida à ôter ses vêtements souillés. Pendant qu'il se lavait soigneusement les mains, ses yeux bleus cobalt examinaient à toute vitesse tous les changements qui avaient été faits dans le service de neurochirurgie de l'hôpital de La Pitié Salpêtrière. Son service.

Après trente-quatre ans passés à explorer les moindres recoins du cerveau humain, cette planète aux méandres encore partiellement inconnus, il était devenu le professeur le plus réputé en neurochirurgie, mais personnellement, il avait encore la pénible impression de n'être qu'un gamin inexpérimenté face à l'incroyable complexité de cet organe.

Professeur Adrien Lapernuité, c'était ce qui était écrit sur le badge qu'on l'avait obligé à porter sur sa veste blanche. Il passa ses longs doigts secs de pianiste dans les boucles blanches de sa chevelure et remercia d'un ton distrait l'infirmière qui avait terminé de s'occuper de lui. Il était plus que temps d'avoir une ferme discussion avec ces types du gouvernement qui se croyaient tout permis.

Ils avaient investi son hôpital quelques heures plus tôt, prétextant une urgence à priorité nationale. Tout son service avait été isolé. Des policiers en tenue s'étaient déployés afin que personne ne puisse entrer ou sortir des lieux sans avoir contrôlé le badge spécial que tout le monde devait désormais porter et qui était censé alerter en cas de radiation dangereuse. Foutaises ! Le professeur savait pertinemment qu'il n'en était rien. Le gouvernement cherchait seulement à isoler tous ceux qui avaient été en contact avec les météorites.

Adrien Lapernuité s'approcha en silence de la paroi vitrée qui isolait le sas de contamination de la salle d'opération. Son regard se posa sur le visage endormi de cette jeune fille. Comment s'appelait-elle, déjà ? Ah oui : Karine... Ses parents n'étaient pas à son chevet. Ils avaient été maintenus hors de la zone de confinement et devaient attendre son éventuel réveil.

Pourquoi était-elle dans cet état de catalepsie ? Il s'agissait d'un syndrome très particulier. Le corps tout entier devenait inerte et manipulable tel un pantin. On pouvait lever un bras du patient endormi et le laisser plusieurs heures dans cette position, comme si le cerveau n'avait plus aucun contrôle sur le système musculaire.

Le professeur avait déjà vu deux fois dans sa carrière des cas similaires. Une première fois, c'était sur un sujet âgé atteint de schizophrénie. Une autre fois, il s'agissait d'une expérience d'hypnose qui avait été mal conduite par un médecin encore apprenti.

Adrien Lapernuité se vantait d'être particulièrement doué en hypnose. Il avait un don naturel qu'il était allé perfectionner auprès de docteurs chinois, lors de différents congrès. Cette expérience professionnelle lui donnait la conviction que Karine ne pouvait pas être simplement sous hypnose. Il y avait autre chose...

On lui avait amené la jeune fille en même temps qu'Alexia. Elles venaient toutes deux de ce collège où s'était écrasée la seconde météorite. L'hôpital était d'ailleurs devenu une sorte de succursale de cette école : plusieurs chambres de l'étage avaient été réquisitionnées par les services du gouvernement pour y installer les enfants qui avaient trouvé de nouvelles gemmes parmi les débris de la météorite tombée dans la cour de leur établissement scolaire. Une autre partie de l'étage avait été réservée pour y loger les quatre autres cas en relation avec la première météorite : les prénommés Adam, Tom et donc ces deux jeunes filles.

Karine n'avait aucune blessure apparente, contrairement à sa voisine de lit. Pourtant, son cerveau refusait tout stimulus extérieur. Pire : lors de l'intervention chirurgicale, le professeur avait constaté que les écrans des électroencéphalogrammes qui surveillaient l'émission d'ondes cérébrales de ses deux patientes réagissaient ensemble, comme s'ils étaient en connexion dans leurs inconscients respectifs.

Pierres d'étoiles (Prix Wattys 2016)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant