Chapitre 22 : Les symbiotes

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Une fois que Daniel et Karine furent entrés dans l'enceinte de l'espèce de temple grec, les lianes translucides qui formaient une voute autour de l'entrée se mirent à pousser, refermant le passage avec des bruits de friction et des craquements plutôt inquiétants. La jeune fille se sentit prise au piège.

Elle n'eut pas le temps de s'interroger davantage. Daniel la poussa doucement, mais fermement vers la cour intérieure du bâtiment, constituée d'un amphithéâtre circulaire. Une trentaine de jeunes gens, tous d'apparence humaine, étaient assis sur les marches de pierre et les dévisagèrent avec curiosité. Karine entendit quelqu'un crier son nom et crut que son cœur allait défaillir. Elle aurait reconnu cette voix entre mille. Levant les yeux, elle aperçut une silhouette familière debout entre d'autres élèves, qui agitait les bras avec frénésie. "Non, ce n'était pas possible", se dit Karine. La dernière image qu'elle avait eue d'elle était celle d'une adolescente dans le coma, au crâne enveloppé de bandages.

Le cœur battant la chamade, elle se mit à grimper les marches de l'amphithéâtre sans plus réfléchir. Elle bouscula les autres élèves qui  la regardaient arriver sans bouger. Stupéfaite, elle s'aperçut qu'elle connaissait certains de ces visages. Plusieurs de ces jeunes faisaient partie de son collège, sur Terre. Elle n'essaya pas de comprendre, trop concentrée sur cette bouille ronde et joviale qui l'attendait, un large sourire fendant tout son visage.

– Alexia ! Mon Alexia ! C'est bien toi ?

Les deux jeunes filles tombèrent avec fougue dans les bras l'une de l'autre. Plusieurs fois, Karine força son amie à s'écarter un peu, le temps de pouvoir regarder au travers des boucles blondes de sa chevelure en bataille. Elle ne portait pas la moindre trace de blessure. Incroyable !

– Tu es guérie ! Comment est-ce possible ?

– Mais de quoi parles-tu ? Je vais parfaitement bien ! Pourquoi m'examines-tu, comme ça ?

– Alex ! Le collège... La météorite... L'hôpital... Tu ne te souviens plus de rien ?

Karine vit son amie froncer un instant les sourcils comme pour réfléchir, mais le large sourire revint bien vite sur son visage poupin.

– Je suis trop contente de te revoir, ma petite Reine des Bisounours ! Cela faisait longtemps qu'on ne s'était pas vues. Je commençais à croire que tu ne voulais plus venir à l'école !

Au ton de son amie, Karine comprit que quelque chose clochait. Elle décida de vérifier illico.

– Tu sais au moins pourquoi tu es ici ?

– Ben, parce qu'on est obligées d'aller en cours...

– C'est Korian qui t'a amenée sur Ganymède ?

– Ganymède ? C'est quoi, "Ganymède" ? Et c'est qui, ce "Korian" ? Tu me fais un délire, là ? Pourquoi tu as l'air aussi sérieux, tout à coup. Tu n'es pas contente de me revoir ?

– Si, bien sûr, mais tu m'inquiètes, Alex. On dirait que tu as perdu la mémoire. Nous ne sommes plus sur Terre, tu le sais ça, au moins ? C'est notre esprit qui voyage. Enfin, je crois... Je commence à ne plus trop savoir ce qui se passe, moi...

Karine se laissa choir sur l'une des dalles de pierre qui formaient les strates de l'amphithéâtre, envahie par un sentiment de découragement. Jusque-là, elle pensait avoir tout compris : son amie Alexia était gravement blessée et son corps était sur la Terre. Ce qu'elle voyait devant elle n'était qu'une autre représentation de sa copine... Mais de la voir ainsi sans aucune blessure, la perturbait complètement. Ce fut Daniel qui vint à son secours, essoufflé après avoir monté à son tour les marches de l'amphi.

Pierres d'étoiles (Prix Wattys 2016)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant