Chapitre 8 : communication interstellaire

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Korian s'arrêta au centre du Cromlech de Stonehenge et s'assit tranquillement sur l'herbe encore fraiche. Le soleil chauffait l'alignement de menhirs. Il était presque au zénith et le jeune homme ressentit avec plaisir les vibrations émises par les célèbres pierres.

Assis en tailleur, les mains posées sur ses genoux, les paumes tournées vers le ciel, il ferma les yeux et se mit à respirer lentement, détendant tous les muscles de son corps. Avec la force de l'habitude, il parvenait à entrer en état de méditation en quelques secondes à peine.

Son cerveau se mit à produire des ondes alpha. Elles se diffusèrent dans l'espace, pénétrant au sein des pierres bleues constituant le cercle intérieur du Cromlech. Le quartz, qui faisait partie de la rhyolite des menhirs, amplifia les ondes et les mêla à celles provenant naturellement du sous-sol de Stonehenge, nœud tellurique diffusant de puissantes vibrations vers le cosmos. Les Anciens n'avaient pas construit l'édifice au hasard...

La communication s'établit quelques secondes plus tard sur différents mondes, par-delà la Voie Lactée.

– Les pierres ont bien été envoyées sur cette planète, confirma Korian, communiquant par la pensée avec ses invisibles interlocuteurs.

– Ont-elles déjà été trouvées ? lui demanda Neeryna, la vieille prêtresse originaire de Pheobila, la grande planète aquatique situé dans la nébuleuse d'Orion.

– Oui, par quatre jeunes humains. Leurs esprits ne sont pas préparés, j'ai peur qu'ils ne puissent supporter l'effet des pierres...

Korian n'avait pas besoin de formuler des phrases dans sa tête. Diffuser les pensées sous forme d'images était beaucoup plus naturel. Il ouvrit son esprit à ses interlocuteurs, afin qu'ils puissent instantanément prendre connaissance de tout ce qu'il savait : la chute du météore dans cette cité proche de la capitale; la découverte des différentes pierres; l'effet ressenti par chacun des adolescents lors du premier contact avec les gemmes... Toutes ces informations parvinrent aux esprits éveillés situés à des années-lumière de la Terre, sans qu'ils n'aient besoin d'échanger aucune parole.

Promostyros, le Grand Maître du peuple des Carmenians, à la tête bicéphale, eut ainsi connaissance des émotions ressenties par Karine, Alexia et ses deux amis au moment où leurs esprits prenaient conscience pour la première fois de l'existence des ondes cosmiques qui les unissaient au monde. Il comprit immédiatement que ces jeunes humains étaient effectivement en danger.

– Il faut que tu les protèges, Korian. Tu as apparence humaine et ils pourront te faire confiance.

– Oui, Maître. Je vais m'occuper d'eux immédiatement. Par contre, j'ai  une inquiétude pour l'un d'eux. Il ne réagit pas positivement aux radiations des gemmes...

Korian concentra sa pensée pour que les autres aient une représentation visuelle de celui auquel il pensait. L'Aumucus fit claquer les grandes pinces de titane qui reposaient de part et d'autre de son immense carapace de pierre. Pour un humain, il aurait ressemblé à une sorte de scarabée géant, haut de près de quatre mètres et entièrement constitué de minéraux. Il vivait sur une planète à l'atmosphère de soufre, située aux confins de la galaxie d'Andromède.

Les Aumucus formaient la plus ancienne race de la Fédération Intergalactique et leur sagesse était proverbiale. Ils n'avaient pas de nom, car leurs esprits étaient tous réunis en une seule et même entité. Chaque scarabée de  pierre n'était qu'un avatar, un outil mobile mis à la disposition de l'ensemble de la race.

L'image transmise par Korian se propagea donc immédiatement à tous les Aumucus. Des pensées fusèrent en tous sens, formant des chaînes de raisonnement. Chaque chaîne était un chemin possible, menant à un futur non encore écrit. Certains de ces chemins semblaient plus probables que d'autres. L'Aumucus les étudia un par un avec soin et en déduisit l'avenir le plus réaliste. Il formula sa pensée à Korian.

– Il y a des humains qui cherchent ces pierres. Ils les voient comme des armes possibles. Ils sont en train d'utiliser leurs antiques appareils de détection pour les localiser. Tes jeunes humains sont en danger. Ils ne peuvent pas comprendre la portée de leur découverte. Tu dois leur ouvrir l'esprit, pour qu'ils sachent comment se défendre. L'un de ces humains va connaître la Mort...

Il était inutile de prolonger le contact. Korian se redressa d'un seul mouvement, souple et fluide. Ses longs cheveux blonds fouettèrent l'air avant de venir se reposer sur ses larges épaules. Il rouvrit les yeux et aperçut un type, appareil de photo posé sur le bide et casquette fluo sur son crâne, qui le regardait d'un air soupçonneux depuis la petite route qui longeait le site. On était en pleine semaine et hors congés scolaires. Les touristes étaient rares à Stonehenge à cette période de l'année.

Korian n'avait pas le temps de finasser. Avant que le type n'ait eut le temps de dégainer son appareil de photo, il referma les yeux, se concentra sur les ondes émanant des pierres bleues et chercha la vibration dont il avait besoin. Son corps devint flou, comme transparent.

Sous les yeux éberlués du touriste, il disparut soudain de cet espace-temps. Le cercle de menhirs retrouva sa solitude intemporelle.

Pierres d'étoiles (Prix Wattys 2016)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant