Chapitre 24 : Une proposition démoniaque

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La porte de la chambre se referma soudain toute seule, comme par magie, isolant Karine, le professeur Lapernuité et le Duc d'Astaroth. La jeune fille sentit une odeur fétide se répandre dans la pièce et ne put s'empêcher de froncer les narines. Le Duc s'en aperçut et s'approcha de la jeune fille couchée dans son lit. Il portait toujours ses étranges lunettes noires qui cachaient totalement ses yeux et lui donnaient un aspect énigmatique. D'un geste négligent, il épousseta son costume d'alpaga noir qui conférait un peu d'élégance à sa haute silhouette squelettique.

– Cette odeur est un héritage de ma famille... Nous n'avons pas eu le temps de vraiment nous présenter, jeune fille. Si tu pratiquais la Goétie, c'est-à-dire l'art d'invoquer les démons, mon nom te dirait certainement quelque chose, mais la plupart des humains ne croient plus aux démons, de nos jours. La science explique tout, les scientifiques enfouissent leur incompréhension des mystères de l'univers sous des tonnes d'explications soi-disant logiques et cela rassure les foules. Ton petit professeur, ce "Daniel" que tu as rencontré sur Ganymède, est loin de t'avoir dit toute la vérité sur moi...

– Ce que j'en sais me suffit déjà, rétorqua soudain Karine en levant le menton avec un air de défi.

Ce type lui déplaisait au plus haut point. Non seulement il puait le bouc, mais en plus il avait un faciès de tête de mort. Le Duc sembla lire dans son esprit, car il réagit immédiatement.

– Je sens le bouc, c'est exact. C'est d'ailleurs sous cette forme que me représentaient autrefois les Philistins, au VIIème siècle avant votre Jésus-Christ. Hé oui, jeune fille !  Le temps passe vite, n'est-ce pas ? C'est une des choses que Daniel ne t'enseignera jamais : l'art de tromper la Mort. Si tu venais suivre mon enseignement, je pourrais t'apprendre comment faire pour que ton amie Alexia ne soit pas anéantie par la Mort...

– Je sais déjà comment faire pour la soigner. Le symbiote qui vit en moi va me permettre d'apprendre tout ce qu'il faut savoir sur la neurologie. Je vais lire tout ce que les scientifiques savent sur le sujet et ensuite je pourrai guérir Alexia.

Le Duc d'Astaroth éclata d'un rire désagréable, découvrant deux rangées de larges dents noircies de caries, tandis que le professeur Lapernuité ouvrait de grands yeux en entendant ces paroles. "Apprendre tout ce qu'il faut savoir sur la neurologie"... Cette petite ne doutait de rien. Il avait passé trente années de sa vie à tenter de percer les mystères du cerveau, mais c'était un domaine au moins aussi vaste que celui de l'Univers.

– Vous entendez cela, professeur ? Cette enfant va vous apprendre comme guérir votre patiente !

Il redevint soudain sérieux et pencha son long corps maigre au-dessus du lit de Karine.

– Même si tu parvenais à comprendre comment fonctionne le petit cerveau primitif de ton amie bipède, tu serais incapable de la soigner. Il faut des années aux cellules cérébrales humaines pour se reconstituer. Encore d'autres années pour que les connexions entre les neurones soient remplacées par de nouvelles. Je peux t'épargner tout ce temps. Je sais comment faire pour que ton amie soit totalement guérie, dès aujourd'hui si tu le souhaites.

– Je ne sais pas qui vous êtes, mais je ne risque pas de vous faire confiance !

– Qui te parle de confiance ? Autrefois, les gens me prenaient pour un démon. Les miens étaient déjà des parias, des créatures reniées par Dieu. Nous étions censés vivre en Enfer et provoquer le malheur. Tout ceci parce que notre apparence fait peur. Vous, les humains, vous avez cette détestable habitude de juger les êtres sur leur apparence. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles les Sages ont toujours refusé de vous donner l'accès aux autres espèces intelligentes de la Galaxie. Vous seriez capables de les tuer simplement parce qu'elles vous font peur !

Pierres d'étoiles (Prix Wattys 2016)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant