Chapitre 9 : petites découvertes

93 3 0
                                    

Point de vue de Jennyfer

J'avais rarement vécu des heures aussi intenses émotionnellement, mais j'étais heureuse. Même si elle m'avait assurée qu'elle choisirait de suivre son cœur face à son père je n'étais pas totalement sûre qu'elle parvienne à lui résister. Pour m'occuper l'esprit tout en couvrant mes arrières j'avais appelé Roger Dumas pour lequel j'avais failli travailler. La place était toujours disponible et il était ravi de m'avoir dans sa société. Les deux conditions que je lui avais posées l'avaient surpris mais ne le dérangeait aucunement. En revanche il voulait voir Carla pour faire connaissance avec elle. Je ne pourrais pas dire à quel point j'étais soulagée quand Carla m'a appelée pour me dire qu'elle avait besoin de moi pour récupérer ses affaires. J'ai vu la maison, la villa plutôt dans laquelle elle avait grandi, mais j'ai aussi et surtout vu sa chambre. Même si je n'ai fait que jeter un coup d'œil rapide à ses affaires j'ai pu en apprendre un peu plus surelle. Parce que c'est ce qui est le plus étonnant dans notre histoire c'est qu'on ne se connait pas vraiment. Mais après le départ de ses amies nous commençons à déballer ses affaires et à parler de nous. Je découvre qu'en plus d'être passionnée par l'Italie elle adore la voile et la cuisine, qu'elle aime les films et les livres à l'eau de rose, et qu'en dehors des chansons italiennes elle aime les chansons d'amour. Mais aussi qu'en dehors du français et de l'italien elle parle assez bien anglais et allemand. Je découvre aussi ses souvenirs, souvenirs où la tristesse se mêle à la joie. Tristesse d'être considérée comme une bâtarde par son père et ses sœurs, joie avec sa belle-mère et son frère à peine plus jeune qu'elle. Et me dire que son père ne l'a considéré qu'a partir du moment où Matteo a jeté son dévolu sur elle. Même s'ils avaient le même âge, Gianpaolo avait rapidement senti qu'en plus d'être beau et issus d'une excellente famille, Matteo était diablement intelligent et serait sans doute le plus à même de reprendre les rênes de l'entreprise. En attendant que cela se réalise Carla assurerait l'intérim. Mais avant cela elle devait intégrer la société, et quoi de mieux pour diriger une entreprise qu'une formation de comptable. Gianpaolo a commencer à transformer sa timide et banale fille, sexy, afin d'être certains que Matteo reste en couple avec elle. Si je suis triste pour elle, je ne suis hélas pas surprise par le comportement de son père, qui ne fait que confirmer le peu d'estime que j'avais pour lui. Je l'embrasse en lui disant que c'est fini, que je suis là et que nous allons être heureuses.

A mon tour j'évoque mes souvenirs, mon enfance dans une famille ouvrière à Amiens, pauvre mais joyeuse,ma passion pour le sport, en particulier les sports mécaniques, la découverte assez tardivement de mon homosexualité, ma première copine, sa trahison, ... .Lorsque je m'arrête Carla qui me tenait la main m'embrasse en me disant « Ne t'inquiète pas maintenant je suis là et je serais toujours là pour toi. ». Sa sensibilité me touche. Et ce n'est pas ce que j'ai vécu mais sa manière de réagir qui me fait verser une larme. Elle me prend dans ses bras et pour la première fois depuis longtemps je m'abandonne. Je réalise alors que je suis en train de tomber follement amoureuse d'elle.

Jennyfer, Carla et Roger Dumas

  Nous entrons dans le bureau de Roger Dumas. C'est un homme âgé, le cheveu fourni mais complètement blanc, un visage ridé, un petit corps tassé dans un fauteuil roulant. Son regard parait fatigué, mais ses yeux bleus très mobiles nous démontrent le contraire.

« Je vous remercie d'être venue. J'aime recevoir les gens que je vais engager. ... Merci pour vos documents. ... Attendez une minute que j'écrive vos noms sur ces dossiers. Jennyfer Depailler et Carla Giovinazzi. ... Attendez c'est un nom qui me dit quelque chose. Laissez-moi chercher. Le bonhomme n'est pas tout jeune alors il lui faut un peu de temps pour retrouver le bon dossier. ... Carla Giovinazzi .... Ca y est j'ai trouvé. Même si j'étais fâché avec lui depuis des années je suis désolé pour votre père. Avec la vie qu'il mène depuis 45 ans  je ne suis pas étonné. Je suis d'autant plus désolé qu'en vous voyant toutes les deux j'en devine la raison.

-         Mais comment ?

-         Les nouvelles vont vite dans le petit monde du transport routier niçois.Rassurez-vous, en dehors de moi personne n'est au courant pour vous deux et je ne dirais rien.

-         Comment me connaissez-vous ? Nous nous ne sommes jamais vus ?

-         Si, il y'a 20 ans. Alors c'est normal que tu ne t'en souviennes plus. Je me permets de te tutoyer. Ton père aura oublié de te le dire mais j'étais un des meilleurs amis de ton grand-père. Ton grand-père arrivait d'Italie il a été engagé par la Betterave, pardon Castigliano de son vrai nom. Je venais d'entrer chez la Betterave et je ne sais pas pourquoi il m'a demandé de lui apprendre le français et tous ce qu'il fallait savoir. Il c'est rapidement intégré et on est devenu bons amis, lui, moi, Rocco, Mitch, le Plouc. Quand la Betterave à calenché on a pris notre indépendance ton grand-père et moi. D'abord ensemble puis chacun de notre côté. C'était la belle époque. Il y'a 20 ans quand tu es née, j'ai été surpris par la réaction de ton grand-père. Alors qu'il était traditionaliste il t'a tout de suite adopté, toi l'enfant du pêché. Je pensais à l'époque que c'était l'âge et je ne voulais pas le croire quand il me disait que tu étais différente et que quand tu serais grande tu vaudrais davantage le coup que tes sœurs. Je ne voulais pas croire à son pressentiment. Je ne te connais pas vraiment mais je pense qu'il avait raison.

-         Merci. Je ne savais pas tout cela.

-         Ça ne m'étonne pas. Assez parlé du passé, même si avec l'âge il revient sans cesse au galop. Vous commencez dans une semaine. En attendant je vous souhaite une bonne semaine de vacance. Profitez en bien vous allez avoir pas mal de boulot. »

Jennyfer et CarlaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant