26. Le feu de leur méfiance

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"Les gens comme vous, faudrait les enfermer !"

"Retourne dans le bas-New-Paris et n'infecte pas nos rues, Monstre ! C'est de moins en moins sûr, la ville, de nos jours."

"Surtout ne le regarde pas, mon poussin... éloigne-toi, c'est dangereux."

La femme resserre son emprise sur le garçon qui me dévisage encore, la bouche toute ouverte entre la peur et la fascination. Je lui fais un coucou sympathique de la main : ils sont l'avenir, c'est eux qu'il faut apprivoiser.

Le petit a l'air très intéressé par mon costume et je suppose que ça le fait rêver, on ne voit plus beaucoup d'alter-héros porter le costume... ils disparaissent par leur propre volonté ou par les forces supérieures, monde de merde.

"COMMENT OSEZ-VOUS ?!" vocifère la mère, terrifiée.

Elle a porté sa main à son P-0tt et je l'entend contacter la police, il fallait s'y attendre : faut pas que je reste là. Si je fléchis mes jambes pour prendre de l'élan : un petit saut sur le toit de la boulangerie marocaine et je n'aurai plus qu'à bondir sur les berges de la Seine.

Ça, c'était la théorie... la pratique en a voulu autrement : j'ai visé le toit mais je n'ai pas attéri plus loin que deux mètres et pourtant, mes jambes ont eu du mal à me réceptionner. Je me suis pété la gueule comme à mon habitude mais ce n'est pas normal, La Grenouille m'a dit que nos jambes sont plus fortes... à moins qu'elle ne soit pas fiable. À moins qu'elles ne soient pas fiables, mes jambes. L'une ou les autres, je ne sais pas.

"DÉGAZEUUUH !!!"

Et voilà que le gamin court vers moi, la langue tirée et les bras écartés dans une parodie de courage qui me fait doucement sourire : il est passé d'alter à flic aussi vite que dans les cours de jeu. Je ricanne et il se vautre, le menton en avant. Bim !

"Oh non, oh non, oh non..."

Elle se rue sur lui et comme il commence à pleurer, les gens se révoltent plus violemment contre moi comme si j'étais responsable... c'est vrai que ça y ressemble mais j'ai une altération de saut : comme si je pouvais faire ÇA, c'est ridicule.

J'essaie à nouveau de faire un saut, plus méfiante cette fois-ci... ça ne fonctionne pas et je repense à mes mains qui s'enflamment. L'altération du Caméléon permettrait de changer la biologie de son propre corps à multiples reprises en touchant divers altérations. Je sais que cumuler deux altérations est impossible et je sais aussi que les altérations ne se transmettent pas : si mon corps réécrit sa génétique, c'est définitif alors on dit que le Caméléon est une légende. La science a prouvé que c'était impossible mais... d'où vient-elle, cette légende ?!

"Arrêtez, je ne vous veux aucun mal." je dis, les mains levées en signe de résignation.

Ils avancent, menaçants, ils ont l'air terrifiés. Je sais me battre et je pourrais me défendre... mais je ne bouge pas car la violence ne ferait qu'alimenter leur crainte et par extension, leur haine. Maintenant que je suis dans le camp des ennemis, celui des Alters, je réévalue toutes mes croyances et ce costume n'est pas qu'un bout de tissu. C'est une responsabilité.

"Ils disent tous ça !" réplique la vieille dame en frappant fort son parapluie sur le haut de ma tête... la douleur fait flancher mes genoux.

Yellow FoxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant