Le feu et la glace

Chapitre 14

-On est bientôt arrivés ?

-Rustik, si tu répètes ça encore une fois je te donne en pâture à Tempête.

Harold, Astrid qui avait insisté pour l'accompagner, Rustik qui voulait absolument de l'action et leurs dragons s'étaient envolés pour l'île des Part-en-Vrille pour essayer de les aider.

-Et aider les Gardiens du même coup, pensa Harold.

Son cœur fit un bond de joie à cette pensée, mais il était aussi inquiet.

Astrid et lui avaient envoyé un message à la Rive quelques semaines après le passage de Dagur, et seul Rustik s'était porté volontaire pour les aider. Les autres avaient préféré rester là-bas pour protéger l'Avant-poste en cas d'intrusion. 

Le viking n'était pas méchant, évidemment, mais il avait la fâcheuse tendance de faire les yeux doux à Astrid depuis qu'il avait entendu parler de sa séparation avec Harold. Heureusement, la jeune femme savait le remettre à sa place quand il en faisait trop.

Après deux jours de vol entrecoupé de longues pauses pour les dragons, ils arrivèrent sur l'île de Dagur.

Ingrid et Varek les y accueillirent avec joie, et Mala se joignit aussi à eux au bout de quelques minutes.

Cependant, ils avaient tous l'air épuisé, et chacun d'eux avaient des cernes plus ou moins prononcées.

-Où est Dagur ? demanda Harold. 

Mala parut soudain extrêmement triste, et il eut un instant peur que quelque chose de très grave ne lui soit arrivé, voire même qu'il soit décédé, mais elle dit simplement :

-Je. . . Il est malade.  

Cependant, Ingrid ajouta :

-Il est ravagé par le manque de sommeil. Il n'essaye même plus de se reposer, à chaque fois qu'on ne le regarde plus, il sort de sa chambre pour aider son peuple.

-Il dit que ses cauchemars sont trop affreux pour qu'il ferme l'œil, finit Varek.

-Mais si vous êtes là, dragonniers, c'est que vous pouvez faire quelque chose, n'est-ce pas ? s'exclama la reine Mala, pleine d'espoir.

Harold força un léger sourire.

-Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir, l'assura-t'il.

Il enjoignit à Astrid de chercher des indices à ce mal étrange auprès des villageois, tandis que Rustik et lui suivirent Mala pour aller voir Dagur.

***

Jack regarda autour de lui et ne vit que des gens épuisés, marchant comme des somnambules dans le village. Il se sentit mal pour eux, et aurait aimé les aider, mais il n'existait pas pour ces gens, et ils le traversaient comme si il n'était qu'un fantôme que personne ne verrait ni n'entendrait.

-Pauvres gens. . . murmura Fée. 

-Ça a tout l'air d'être un coup de Pitch, remarqua Bunny.

Les Esprits se rendirent alors compte qu'ils pouvaient marcher parmi les villageois sans être repérés car ces gens ne croyaient pas en eux, et il n'y avait aucun enfant en vue.

Soudain, Astrid apparut au détour d'un chemin, et Jack la reconnut instantanément. 

À sa grande surprise, elle le vit et se dirigea vers lui d'un pas rapide.

Quand elle fut devant lui, il remarqua qu'elle ne paraissait pas voir les autres Esprits.

-C'est toi Jack Frost ? chuchota-t'elle.

-Oui.

-Viens avec moi.

Il la suivit sans rechigner en faisant signe aux autres de partir sans lui. Elle l'emmena dans un coin à l'abri des regards, et prit à nouveau la parole :

-Je t'ai emmené là pour ne pas qu'on me prenne pour une folle à parler dans le vide. Et aussi pour te parler d'Harold.

-Il est ici ?! demanda-t'il vivement.

- Oui, et c'est de ça que je veux te parler. Il ne s'attend pas à te voir après ce qu'il s'est passé, donc ne l'approche qu'en cas d'extrême nécessité, d'accord ?

Jack la regarda d'un air contrarié. Il protesta ensuite, disant à quel point le jeune viking lui avait manqué et qu'il voulait vraiment se faire pardonner pour l'avoir entraîné dans cette histoire, mais Astrid ne voulait rien entendre et croisa les bras sur sa poitrine en signe de défi.

Il prit alors son bâton à deux mains et la menaça de la congeler sur place si elle continuait, mais elle répliqua en saisissant sa hache.

-Au moins aurais-je eu le plaisir de me battre avec un Esprit, siffla-t'elle.

Découragé, et n'ayant pas envie de faire de mal à qui que ce soit, Jack accepta de rester loin d'Harold.

-Ce n'est pas pour moi que je le fais, lui dit-elle, c'est pour lui. Je n'ai rien contre le fait que vous soyez ensemble un jour, c'est juste que, pour préserver le peu de santé qu'il reste à Harold, il faut que vous restiez loin l'un de l'autre quelques temps.

Il lui demanda s'il pourrait retenter sa chance quand la menace de Pitch serait écartée, et elle acquiesça avec un sourire encourageant.

Quand il vit qu'elle s'apprêtait à partir, il posa une main sur son épaule :

-Astrid. . . Tu es une fille bien, malgré tout.

Elle fut amusée par la remarque, puis disparut aussi soudainement qu'elle était venue, laissant l'Esprit se demander s'il avait vraiment fait le bon choix.

***

-Comment vas-tu, Dagur ? demanda Harold en entrant dans la chambre.

L'homme était debout, à la fenêtre, et il paraissait vraiment fatigué et malade. 

-Ah ! Salut, mon frère. Pas très bien, comme tu peux voir, mais ce n'est pas grand chose, au fond.

Il s'assit sur son lit et invita d'un geste Rustik et Harold à s'asseoir sur des chaises qui se trouvaient là.

-Quel bon vent vous amène tous les deux ? demanda-t'il.

-Tous les trois, Astrid est avec nous, mais je lui ai demandé de vérifier si elle ne trouvait pas la cause de tous vos problèmes en furetant au village. 

-C'est pour ça alors. Je vous suis reconnaissant, à Astrid, toi et Rustok.

-C'est Rustik, corrigea ce dernier sans que Dagur ne l'écoute.

Ils parlèrent de tout et de rien, jusqu'à ce que Dagur s'endorme. Harold fut rassuré pendant un moment, pensant que son ami allait guérir vite après ça, mais, aussitôt, l'homme commença à s'agiter et pleurer.

Puis, il se réveilla en sursaut, le cœur battant et le souffle court.

-C'est encore arrivé, murmura-t'il, le regard vague.

Voir quelqu'un d'aussi sûr de lui que Dagur être réduit à néant par ses cauchemars attrista profondément Harold. 

Heureusement, Mala arriva pour consoler son mari, et Rustik et lui les laissèrent seuls.