Chapitre 1 - BEFORE

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Les mains croisées contre sa poitrine, les jambes repliées contre elle, la jeune fille essayait de dormir. Âgée d'à peine une quinzaine d'année, elle avait quitté sa famille ─ si on pouvait appeler ça comme ça, depuis maintenant un mois. Les nuits étaient encore froides, même si l'hiver venait tout juste de se finir. Et dieu qu'elle détestait avoir froid.

Et surtout, un groupe de jeune ne semblait pas vouloir quitter l'endroit qu'ils avaient colonisé. Ils se trouvaient à quelques mètres, dans une artère principale, tandis qu'elle était cachée dans une ruelle étroite, de la vue de tous. Elle avait pensé pouvoir dormir tranquillement, mais il avait fallu qu'ils se mettent à boire là.

Shizuka sentait le sang pulser dans ses tempes, et son mécontentement allait l'empêcher de dormir, presque plus que le bruit causé par les hommes.

Elle aurait pu se lever et aller les voir. Leur dire de partir ailleurs, de leur crier dessus, d'appeler la police — mais elle n'avait pas de téléphone, ou alors de carrément les faire dégager par elle-même. Elle se savait plus forte que la moyenne, et elle s'était forgée une carapace depuis son plus jeune âge. Plus rien ne pourrait vraiment l'attendre, pensa-t-elle.

Aller, dans dix minutes, j'y vais.

Cet ultimatum arriva finalement, et Shizuka décida de faire ce qu'elle avait convenu. Elle se leva, poussant les couches de journaux qui se trouvaient sur ses jambes, et épousseta ses fesses d'un rapide coup de main. Son ventre se mit alors à gargouiller, lui rappelant que son dernier repas remontait à deux jours déjà. Elle n'avait vraiment pas de chance, elle ne pouvait même pas avoir la paix.

Dans la rue éclairée par des lampadaires à la lumière jaunâtre se trouvaient une demi-douzaine de garçons, portant l'uniforme du lycée le plus proche, mais customisé à la mode des gangs du coin. Des vestes d'un bleu marines qui descendaient jusqu'à mi-cuisse, des pantalons de la même couleur, larges : les vêtements étaient brodés des kanji aux significations toutes plus ridicules les unes que les autres. Et pour couronner le tout, leur coiffure toutes aussi loufoques attiraient les regards des plus téméraires, tandis que les plus craintifs et les plus prudents les évitaient. 

Tout à coup, une silhouette dépassant à peine le mètre soixante-cinq sortit d'une rue, son visage caché par une large capuche se tourna vers eux. Le groupe de six ne prêta pas attention à cette ombre silencieuse qui s'approcha d'eux d'un pas de velours, les mains dans les poches à son sweat. 

─ Hé ! s'exclama-t-elle tout à coup dans le dos du plus grand. 

Six adolescents, à peine des hommes, se retournèrent d'un seul bloc vers la personne qui osait les héler en plein rue, aussi grossièrement. Tandis que certains fronçaient les sourcils d'énervement, d'autres souriaient devant la stupidité de cet imbécile qui avait le cran de venir les confronter, seul. S'il les cherchait, ils allaient se faire un plaisir de lui faire comprendre que le respect se faisait par la terreur. 

─ Qu'est-ce qu'il veut le minus ? râla celui qui semblait être le chef de la bande. 

─ Vous faites trop de bruit, j'arrive pas à dormir, répliqua Shizuka d'une voix grave, qu'elle tentait de garder calme. Elle voulait d'abord essayer de régler ça sans s'énerver, mais elle commençait déjà à ressentir les émotions des gens devant elle. La colère montait en eux, ils étaient prêt à exploser telle une bouteille de soda trop secouée. 

Prenant la jeune fille pour un garçon plus jeune qu'eux de plusieurs années, le groupe commença à l'encercler, le regard mauvais, un sourire sadique aux lèvres. 

─ Commence déjà par pioncer ailleurs que dans un carton, sale mange-merde, rétorqua un autre, avec cet accent si particulier que l'on assimilait aux loubards japonais. 

✯ P E R F E C T   E A R ✯Où les histoires vivent. Découvrez maintenant