Blasphème [NoMin]

Chapitre 9

JaeMin eut les mains qui tremblèrent pendant la fin de la traversée des terres de son père. Les mots de son protecteur l'avaient heurté de plein fouet, si bien qu'il ne sut sur le moment quoi répondre. JeNo avait raison, il avait fait son choix : celui de la lâcheté. Il aurait pu poursuivre son idée de s'enfuir loin, de recommencer une vie là où personne ne se soucierait de sa nature ou de sa famille. Mais il avait eu peur de décevoir ses parents, de déshonorer leur nom, et surtout de ne pas être en mesure de s'en sortir sans leur aide. Sa seule compétence était cléricale, or il comptait s'éloigner autant des ordres que de son destin.

L'oméga releva la tête en sentant le changement de sol sous les sabots de son animal. La terre meuble de la campagne avait laissé place aux rues pavées de la grosse ville. L'affluence de senteurs, de bruits et de visages inconnus le tendit et inconsciemment il se rapprocha de l'alpha qui l'escortait. Il avait bien senti que JeNo s'éloignait dernièrement, il avait conscience de l'avoir déçu, mais il voulait croire qu'il pouvait toujours compter sur lui. Le jeune homme ne prit pas la peine de mettre sa capuche. Il avait rejoint les frères sept ans auparavant, alors qu'il n'était encore qu'un enfant, personne ne pouvait deviner qui il était.

Le brun déclina leurs identités auprès des gardes qui stationnaient devant le château du Comte et se décalèrent d'un même mouvement. Ils avaient été prévenus de leur arrivée et savaient à quoi s'en tenir. JaeMin passa fièrement la porte principale de la demeure familiale, le sentiment d'être à sa place gonflant son cœur de joie.

L'entrée était comme dans son souvenir. Des tentures aux couleurs chaudes égayaient les murs de pierres, des statues, cadeaux des différentes provinces alentours ou plus lointaines, décoraient les grands espaces où logeaient sur des meubles divers. Entre les touches de décorations, empreinte de sa mère, se trouvaient des touches plus masculines. Des armes, des armures, des boucliers, des représentations de guerriers. Ce que son père aurait aimé qu'il soit sans qu'il ne puisse le lui offrir. JaeMin soupira. Il sentait la présence de JeNo dans son dos, le grand brun agissant comme une ombre silencieuse.

- JaeMin ! C'est vraiment toi ? Tu as tellement grandi petit frère !

L'oméga tourna sa tête vers l'escalier de gauche d'où descendait un homme porteur d'un grand sourire éclatant. Sa peau diaphane raviva immédiatement des souvenirs d'enfance et le cœur du noiraud loupa un battement. Il s'écarta de son protecteur pour aller étreindre son frère.

- JaeHyun ! Je ne savais pas que tu étais de retour ici...

Le fils aîné de la fratrie comptait sept années de plus que l'oméga et JaeMin n'avait que cinq ans la première fois que son aîné était parti rejoindre le camp d'entraînement des futurs chevaliers. Celui-ci se trouvant à l'extérieur de la ville sans en être trop éloigné, JaeHyun revenait régulièrement au château et avait construit un lien solide avec son cadet, ce dernier l'adulant presque. JaeMin était plus qu'heureux de le revoir, d'autant plus que dans une lettre il avait appris que son frère possédait à présent son propre domaine, et ce depuis qu'il s'était marié quelques années auparavant. Un mariage arrangé par leur père qui avait permis d'étendre le comté et la renommée de la famille.

L'oméga fronça le nez en percevant les effluves de son frère. C'était la première fois qu'il avait l'occasion de sentir un alpha, JeNo ne comptant pas vraiment, et la puissance du parfum manqua de le faire éternuer. L'hydromel qui se dégageait de la peau de JaeHyun était surprenant. Il sentit que son aîné le reniflait aussi discrètement mais il n'eut pas le temps de faire de remarques sur sa nouvelle nature qu'une voix féminine se fit entendre près d'eux, les poussant à se séparer.

- Min, mon bébé a tellement grandi.

L'oméga perçut l'émotion dans la voix de sa mère et les larmes vinrent perler au coin de ses yeux alors qu'il se jetait presque dans son étreinte maternelle. C'était la chose qui lui avait le plus manqué, celle qu'il recherchait lorsqu'il se réveillait en sueur après un cauchemar sans rien d'autre pour se rassurer que les murs nus du réduit où il vivait. JeNo avait certes été là pour lui, l'aidant à sortir sur un simple mot ou restant des heures à lui parler en bas de sa fenêtre au risque de se faire attraper par le moine, mais ce n'était pas pareil que la douceur de la voix de sa mère ou la chaleur de ses bras.