Chapitre 19

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La communication prit fin en me laissant un sentiment très éloigné de celui auquel je m'attendais. J'étais pourtant arrivé au résultat escompté, mais j'avais dû tant batailler pour l'obtenir qu'il n'avait pas la saveur recherchée. Après avoir subi toutes les criailleries possibles, Aurélien avait fini par céder à mes caprices, c'est-à-dire à me promettre de faire ce qui serait en son pouvoir.

- Écoute, c'est d'accord, m'avait-il dit sans le moindre enthousiasme, je vais appeler et voir si on peut arranger une rencontre. Ne t'emballe pas pour le moment, je ne forcerai pas la main aux gens si c'est « non » pour eux.

Je considérai avec un certain dégoût le téléphone abandonné sur un coin du lit. L'objet perdit peu à peu de sa présence à mesure que mon regard se tournait au-dedans de moi, vers mes pensées aussi floues et vagues que le sentiment de frustration était fort.

C'est Astrid qui me tira de mes cauchemars. Les déserteurs avaient été si nombreux ce matin que je m'étais sentis seul dans la maison. Je ne l'étais doublement pas : comme elle avait passé son nez dans l'encadrement de la porte et laissait entrevoir sa création dans ses bras, je fus bien forcé de le reconnaître. J'avais cependant le choix de poursuivre mes ruminations en feignant de ne pas les avoir vues ou de lever la tête dans leur direction. Je fis l'effort d'opter pour la deuxième option et en fus récompensé par un sourire.

Se voyant bien accueillie, ma cousine entra dans ma chambre. Elle commença par observer les lieux mais s'obligea vite à baisser les yeux pour ne pas paraître fouineuse, sans se décider néanmoins à me regarder directement. C'est finalement au plancher qu'elle adressa sa première phrase :

- C'est cool ce que tu as fait pour Sacha.

Bêtement, je crus un instant qu'elle parlait de ma lutte avec Aurélien et je m'en sentis, je l'avoue, un peu ragaillardi. Mais comme la raison ne tarda pas à me souffler qu'elle ne pouvait avoir connaissance, à moins de m'avoir épié, de ma conversation téléphonique, l'incompréhension se répandit sur mon visage.

- Par rapport au fait qu'il est orphelin, s'empressa d'ajouter Astrid qui, à en juger par le roulement de ses yeux, semblait se trouver empotée.

- Hum ? fis-je, parce qu'il fallait bien que je dise quelque chose à un moment ou à un autre.

- Ton grand-père m'a expliqué, hier soir.

C'était à prévoir. Cette vieille commère était incapable de tenir sa langue.

- Parfait. Tu n'as plus qu'à faire en sorte que Sacha ne le sache pas, répartis-je avec plus d'agressivité qu'Astrid n'en méritait.

- Désolée, je ne voudrais pas le mettre mal à l'aise. Ça n'a pas d'importance pour moi...

Elle avait beau dire, c'était elle qui n'avait pas l'air sereine. Ses excuses et ses justifications, soulignées de petits pas en arrière, avaient vraiment quelque chose de navrant. De toute sa personne, il n'y avait que son bébé qui me fixait effrontément depuis le début. Je me promis d'être plus gentil et ouvris la bouche pour la tranquilliser, mais elle parla avant que j'aie pu manifester plus d'affabilité :

- Ça n'a pas d'importance mais... Oh, moi, à ta place, je crois que je n'aurais pas pu... Je veux dire, que je n'aurais pas su. Quand je vois des personnes comme lui, je me dis que j'aurais pu me trouver dans son cas mais que je ne le suis pas et je ne sais pas quoi dire et j'en perds mes moyens.

« Ça se voit », manquai-je de répliquer juste avant de me rappeler que j'avais fait le serment de me montrer sympa.

- Si ça peut se rassurer, je ne sais pas si je m'en sortirais mieux que toi, dis-je plutôt. Quand j'ai rencontré Sacha, je ne savais pas qu'il vivait dans la rue. Je ne l'ai appris qu'après.

Sacha et MartinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant