Chamane 16 : Le diamant rose.

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L'atmosphère changea quand la deuxième postulante entra. C'était une jeune fille d'environ vingt ans. Elle se tenait un peu courbée et lançait autour d'elle des regards effrayés. Sa peau était d'un noir profond, intense. Dans son visage plat entouré d'une masse de cheveux crépus, ses lèvres épaisses tremblaient. Elle était vêtue d'une tunique grise à manches courtes visiblement usagée, sans doute un simple vêtement de travail, qui lui arrivait aux chevilles. Comme Ladochem avant elle, elle était pieds nus mais elle ne devait pas porter souvent des sandales. Elle n'appartenait sûrement pas à une riche famille comme le jeune homme qui l'avait précédé. Son bâton était un morceau de bois de couleur rougeâtre, ni droit, ni taillé, comme si elle venait juste de le ramasser en chemin.

Cependant, les visages de Ama Déolida et de Ada Siwo ne montrèrent aucune surprise. Harry par contre était très étonné et sentant la peur qui habitait la jeune fille, il usa rapidement de Légilimencie. Il eut la vision fugitive d'une case surpeuplée, d'un homme très gros qui criait, de femmes accroupies à la tête baissée et d'enfants nombreux et bruyants. C'était sombre, sale et dans un coin à l'écart, la jeune fille pleurait. Il cessa aussitôt son exploration de peur de la troubler encore plus et s'apprêta à écouter ce qu'elle avait à dire.

Elle jeta un coup d'œil vers eux et sembla tout à coup s'apaiser. Harry s'aperçut qu'elle avait le regard fixé sur Draco, sur les cheveux de Draco. Ah oui, encore cette histoire « d'argent brillant au soleil » ! Enfin, si ça pouvait la rassurer un peu ! Elle commença à parler mais non pas en anglais, même pas en tswana', dans un autre dialecte africain accompagné quelquefois de sons durs et de claquements de la langue. Mais ses examinateurs devaient la comprendre car Ama Déolida lui répondit dans la même langage. Cependant, comme ils avaient déjà assisté à la cérémonie, Draco et Harry comprirent à peu près ce qui se passait.

Elle s'appelait donc Boréa. Quand elle parla de son clan et de sa parentèle, les larmes lui montèrent aux yeux et Ama Déolida lui fit un signe d'apaisement. Elle montra deux fois ses deux mains pour dire son âge puis quand elle parla de son métier, elle eut sur le visage une expression bizarre. Elle détourna les yeux et ses mains se tordirent sur le bâton. Elle fit signe à la jeune sorcière qui était près de la porte et celle-ci apporta, en les tenant loin d'elle et avec un air de dégoût, deux paniers tressés serrés avec des couvercles fermés par des liens.

Quand ils s'ouvrirent, les spectateurs virent dans l'un un serpent, dans l'autre un rat. Les animaux ne bougeaient pas, ils semblaient raidis par la mort. De nouveau la jeune fille parla et il y avait des sanglots dans sa voix. Bizarrement, elle avait l'air de s'excuser. Etait-ce parce que ce qu'elle présentait à ses juges était répugnant ou y avait-il une autre raison ? Soudain, elle sortit du cercle de bois, se jeta aux pieds de Ama Déolida, courbée presque jusqu'au sol, les mains posées sur sa tête. Cette fois, les larmes ruisselaient sur ses joues et elle se mit à parler très vite, comme si en elle un barrage s'était rompu et que l'eau salée déferlait sur son visage sans qu'elle puisse se retenir.

C'était si étrange que Harry n'y tint plus, il sonda de nouveau son esprit par un court Légilimens. Il vit une scène assez violente. Le gros homme était debout, il hurlait et levait la main sur elle qui était recroquevillée à ses pieds. Un autre homme s'interposait et il tenait en main un bâton avec une pierre bleue. Un sorcier. Il criait lui aussi et finalement le gros homme allait se rasseoir avec un air buté. Harry comprit que Boréa avait des problèmes avec sa famille et il fut pris de sympathie pour elle. La scène avait pour lui un air de déjà-vu.

Pendant ce temps, Draco avait ramassé le bâton de la jeune fille qu'elle avait lâché et qui avait roulé jusqu'à ses pieds. Il n'y trouva aucune trace de magie. C'était vraiment une simple branche d'arbre qu'elle avait dû ramasser en chemin. Peut-être n'était-elle pas sorcière ? Etait-ce une Cracmol rejetée par sa famille ? Et pourquoi avait-elle regardé les paniers avec cet air coupable ? Comme si le fait d'avoir tué ces deux animaux, peu sympathiques pour beaucoup de gens, était quelque chose de mal. Il regarda Potter et le vit sourire doucement. Allons bon ! Le complexe du Sauveur le reprenait !

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