Chamane 17 : Les éléphants du désert.

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Le jour se levait à peine. Mais c'était déjà le branle-bas de combat à la limite de Ghanzi-Sa du côté de la route de l'Ouest. Près de deux cents sorciers et sorcières s'étaient répartis à la lisière de la ville, là où poussaient les grosses touffes d'herbes dures et les premiers bosquets d'arbres. C'était le lieu de passage habituel du troupeau d'éléphants qui, venant d'Afrique du Sud, remontait droit vers l'Okavango sans se soucier de la barrière magique qui protégeait la cité.

Les énormes animaux ne s'attardaient pas en général. Ils étaient pressés d'arriver à leurs pâturages, dans les terrains humides et herbus du Nord. Ils arrachaient au passage des touffes d'herbes sèches ou les branches épineuses des jeunes arbres et les mâchaient tout en avançant droit vers leur but. En prévision de leur passage, on remplissait d'eau une dépression peu profonde du sol. Il y avait là un puits qui ne servait qu'en cette occasion car sa réserve était peu importante. Les éléphants s'abreuvaient et repartaient.

Cette transhumance avait toujours lieu à la même époque de l'année. Il n'y avait pas de problèmes en général. La présence de nombreux sorciers expérimentés servait surtout à protéger les jardins et les vergers tout proches. Ensemble, ils produisaient une sorte de brume magique qui dissimulait la belle verdure aux yeux des animaux, qui auraient pu être tentés par cette nourriture plus riche que les touffes d'herbes. Il était arrivé dans le passé que le troupeau affamé s'arrête et envahisse les cultures, faisant des dégâts considérables. Le problème cette année, c'était que pour une raison inconnue, le troupeau était en avance. Le bassin d'eau n'avait pas eu le temps de se remplir complètement. Pourvu que le troupeau ne soit pas trop assoiffé !

Les sorciers et les sorcières se dissimulaient par groupes de trois ou quatre derrière les premiers arbres. Draco, qui n'avait jamais vu d'éléphant vivant, avait demandé à participer à l'expédition. Il se tenait derrière un gros buisson épineux, à peu près au milieu de la ligne de défense, en compagnie de Maître Félaro et d'une des libres sorcières, qui pour le moment ne pensait pas à la bagatelle. Tout le monde était concentré sur ce qu'il avait à faire. Personne ne savait qu'un peu à l'écart des autres, Harry, recouvert de sa cape d'invisibilité, se trouvait derrière un tronc d'arbre, bien décidé à ne pas rater une occasion pareille.

On entendait déjà au loin les barrissements des premiers animaux. Puis dans les rayons du soleil levant, ils apparurent, enfin elles apparurent, car le premier contingent était composé des femelles et de leurs petits. En tête venait la matriarche, suivie de sept éléphantes et de quatre éléphanteaux. Elle marchait vite et derrière elle, les mères poussaient leur petit de leur trompe. Elles se dirigèrent droit vers la mare et s'abreuvèrent longuement, s'aspergeant également d'eau sur leur dos. Harry et Draco purent ainsi les admirer.

C'étaient des éléphants des savanes, les plus grands animaux terrestres. Elles devaient mesurer plus de trois mètres de haut au garrot et peser près de trois cents kilos. Leurs oreilles étaient larges et battaient les airs. Leur peau grise et poussiéreuse par endroits ne portait pas de poils sauf au bout de leur courte queue. Et contrairement à d'autres races d'éléphants, elles avaient le dos arrondi, formant une sorte de bosse derrière leurs épaules massives. Il se dégageait d'elles une impression de puissance sauvage qui ne donnait aucune envie de les approcher. D'ailleurs toutes les personnes présentes restaient immobiles et muettes, se contentant de lever leur bâton-sorcier pour créer la brume magique.

Puis sur un barrissement puissant de leur guide, les femelles se remirent en route et s'éloignèrent pendant que la troupe des mâles apparaissait au loin. En tête marchait le plus formidable éléphant que les deux sorciers blancs, tout petits en comparaison, puissent imaginer. Il avait plus de quatre mètres de haut et ses pattes massives ressemblaient à des troncs d'arbres. Il avançait vite et martelait le sol de ses pas, le faisant trembler et soulevant des nuages de poussière. Il levait haut sa longue trompe et son cri résonnait comme le grondement du tonnerre, rauque, de fréquence si basse que plusieurs sorciers se couvrirent les oreilles de leurs mains pour protéger leurs tympans.

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