Chapitre 1

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Isaac Newton, on me surnomme Newt. J'ai dix-sept, mais je n'ai rien de cet âge. Je n'ai pas de petite amie, ni d'amis, ni de passion. Je ne vais plus au lycée, mes seuls désirs rejoignent la solitude et ceux qui nous ont précédé. Mon égoïsme est justifié, ce n'est pas comme si la vie m'avait promis des jours heureux. Ma mère est décédée de tumeur cérébrale à mes six ans, mon père en est tombé malade. Pendant cette même période j'ai été harcelé jusqu'à la fin du collège, en raison de mon orientation sexuelle. On m'a assigné le titre de dépressif lors de mon séjour à l'hôpital, j'ai pensé venir en aide à mon père en fuyant mon domicile. Ma lâcheté m'a value un pénible boitement qui me rend la course plus difficile ; à travers la nuit, le conducteur ne m'a pas aperçu alors que je traversais naïvement. De cette façon, après ce léger passage à l'acte qui a failli me coûter la vie à seulement seize ans, mon père a décidé de me faire soigner à WICKED. S'il pense masquer sa frayeur derrière son sourire forcé, il fait fausse route.

« Très bien, alors... Isaac Newton ?

— Newt. coupe-je. »

La secrétaire de l'hôpital WICKED me dévisage d'un regard surpris. Mon père m'assène de reproches silencieux. J'ajoute sans sincérité : « S'il vous plaît. » Ses lèvres s'étirent en un sourire débordant de culpabilité mielleuse. Elle fait signer une ribambelle de documents administratifs, jette un bref coup d'œil à mon dossier et m'informe : « Tu es au septième étage, le dernier. Voici les clefs de ta chambre, la A5.

— A-t-il un colocataire ? demande curieusement mon père.

- Oui, Minho Lee. Il ne sera pas présent durant les trois premiers jours, pour des raisons confidentielles. Je vous invite à rejoindre votre chambre, vous pourrez tout de suite y déposer vos affaires et vous y installer. La cafétéria est encore ouverte si besoin. »

Le silence règne une fois devant le plan de l'hôpital. Mon père lorgne les instructions de ses sourcils froncés, je fixe la blancheur du sol et ne pense plus. Une détonation éclate et un homme se précipite soudainement sur un autre. Ils se frappent, se cognent, se maudissent et se crachent dessus. Quatre infirmiers les séparent et les immobilisent rapidement, les mains bloquées dans le dos et la tête férocement inclinée.

« Ce n'est pas vrai... Mais dans quel étage es-tu, bon sang ? s'inquiète mon père. Tu étais supposé te retrouver avec des personnes proches de ton cas clinique ! Mon Dieu, je le savais ! Cet endroit n'est pas du tout fait pour toi ! Viens mon chéri, on va rentrer à la maison...

— C'est un hôpital psychiatrique, papa... à quoi t'attendais-tu ? le rassure-je maladroitement.

— Mon ange... si tu ne le sens pas, nous pouvons parfaitement --

— Je n'ai plus le choix. Je ne peux pas rester ainsi jusqu'à ma mort. Le dernier incident prouve bel et bien que je dois agir, non ?

— Es-tu... Es-tu certain que cet endroit t'aidera ?

— Je le suis. Je te le promets.

— Très bien, très bien... concède-t-il. Je suis fier de toi, mon fils... Si fier de toi... »

À l'intérieur de ma nouvelle chambre, je dépose silencieusement mes valises et les vide avec l'aide de mon père. Son regard est rivé sur mes habits, j'ignore ce qu'il y voit à la place. Il semble horrifié, dévoré par une terrifiante impuissance. Sa voix tremble lorsqu'il me rappelle : « Tu auras des séances thérapeutiques tous les après-midis, vers quatorze heures. Des cours sont également à disponibilité si cela t'intéresse, mon cœur.

— J'essaierai de m'y rendre.

— Te souviens-tu de l'étage de la cafétéria ? Tu pourrais y passer...

— Papa... souffle-je désespérément.

— Je sais que manger est une difficulté pour toi, fiston... Mais ton corps en a plus que besoin. Fais-le au moins pour ta santé.

— J'essayerai. répète-je. »

Il me sourit d'une tristesse mal dissimulée et me ment : « Tu es courageux, mon garçon. »

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L'heure de notre séparation a sonné. Je sens mes muscles se contracter, ma gorge se réduire, mes poumons se compresser. L'angoisse s'impose doucement en moi. Je ferme la porte de ma chambre avec hésitation et souffle : « Tu peux rentrer, papa. Il commence à faire nuit. Je peux me débrouiller, ne t'en fais pas.

— Tu en es certain, Newt ?

— Sans souci. De plus, les heures de visite touchent à leur fin. »

Il acquiesce à contrecœur et espère en m'apercevant m'orienter vers la cafétéria, stupéfait : « Tu comptes y aller ?

— Je t'ai dit que j'essayerai. »

Il encadre mon visage de ses mains et m'offre un sourire plus tendre, plus ferme que les précédents : « Tu m'appelles quand tu veux, d'accord ? Il y a un espace téléphonique à cet étage

— Je n'y manquerai pas. »

Ses lèvres embrassent doucement ma joue.

« Tu vas me manquer, mon ange... murmure-t-il. Prends bien soin de toi, et n'oublie surtout pas tes médicament.

— Tu vas également me manquer... Je te promets de m'en sortir.

— Newton... Tu le fais pour toi, ce combat. De toute évidence, bien sûr, que je te souhaite le bonheur, mais tu dois être ton premier gardien. D'accord, trésor ?

— D'accord. acquiesce-je sans conviction. »

Ses bras m'enlaçassent avec fermeté, je vois des larmes contenues brouiller la pâleur des tons grisâtres de ses iris.

« Je t'aime, fiston. confie-t-il.

— Je t'aime aussi, papa. »

Lorsqu'il s'en est allé, j'ai senti un vide immense transpercé ma poitrine.

The Wolf beneath the skin - NewtmasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant