Chapitre 3

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Je touille ridiculement ma cuillère dans mon yaourt à peine entamé, le visage soutenu par une main molle. Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Le jeune homme félin n'a pas stoppé ces ronronnements ondoyants ne serait-ce qu'une maudite seconde. Il s'est finalement enfui à l'aube, sans rien préciser, sans rien penser. Je n'ai pas tenté de le rattraper, j'ai préféré me reposer quelques heures supplémentaires avant de rejoindre la cafétéria. C'est ici que je rumine, attablé aux côtés de mes nouveaux camarades. Seul Chuck bouille d'énergie malgré l'heure matinale.

« J'ai passé la pire nuit possible... informe l'un des garçons. Mon coloc est un démon. Un vrai démon. »

Je n'écoute pas la conversation qui suit. Je suis bien trop occupé à fixer cette chevelure brune au loin, entourée de quatre infirmiers l'aidant à se nourrir correctement. Je suppose qu'ils l'ont retrouvé malgré ces complications.

« Aors le Bleu, t'as quelqu'un dans le collimateur ? demande subitement Alby. »

Je mets un instant avant de répondre : « Voyez-vous le garçon, là bas ? Eh bien, hier soir, il a déboulé dans ma chambre, complètement nu. Il est... particulier. Les infirmiers le cherchaient partout.

— Lui ? fait Chuck. Il s'appelle Thomas. Thomas Edison. Il est là depuis à peu près neuf ans. C'est la première fois qu'il mange au réfectoire. Il fait des progrès !

- T'as déjà vu le Livre de la jungle ? s'immisce Aris. C'est un peu ça, son histoire.

- Ce que ce tocard essaye de te dire, coupe Winston, c'est qu'il a été abandonné par ses parents. Il a grandi dans une forêt. Donc, en plus de ne pas trop savoir parler, il s'identifie à des bêtes.

- À des animaux. rectifie Chuck. Et puis, détrompe-toi ! Il comprend parfaitement bien l'anglais, il a déjà appris pas mal de mots ! Il sait même correctement parler ! Il est simplement très timide.

- Tu parles ! souffle Alby. On dirait une panthère sauvage, ce type.

- Pourquoi se serait-il rendu dans ma chambre, hier ? fais-je.

- Peut-être qu'il n'a pas aimé un traitement, une méthode, un lieu... Ça lui est déjà arrivé, parait-il. »

Lorsque je remonte mon regard vers le brun, celui-ci me scrute déjà. Ses gros yeux ronds m'examinent et ses lèvres s'étirent en un immense sourire. Il se relève soudainement, sa chaise bascule. Il compte se précipiter jusqu'à moi quand le personnel le rattrape de justesse. Face à son agitation, les infirmiers l'entraîne jusqu'à la sortie de la cafétéria et, transporté de force, il me juge longuement avant de pousser un hurlement semblable à celui du loup. Les autres patients restent perplexes, l'observent se faire emmener d'un air incrédule, sans voix. Je reste bouche bée.

« Il fait des progrès... répète Winston. Mon cul, ouais...

- Désolé, Chuck, commence Alby, mais ce gars est un véritable chien en rute.

- Ne dis pas ça ! Il est autant humain et intelligent que nous ! Alby sourit, attendri.

- Ouais, bien sûr. ricasse doucement Aris. N'empêche qu'il a littéralement hurlé après le Bleu. Il l'a déjà dans la peau.

- C'est certainement parce que Newt est la première personne qui lui a adressé la parole en dehors des médecins. suppose Chuck, haussant les épaules.

- Je pense plutôt que ce loup enragé est à fond sur lui... rit Frypan. »

Les rires des autres adolescents s'élèvent, mes poings se serrent. Je quitte brusquement la table, Aris m'interrogeant : « Bah, tu vas où, le Bleu ?

- Je n'ai pas faim. »

Je décide de regagner ma chambre.

The Wolf beneath the skin - NewtmasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant