Un souffle lourd, tiède, rauque et puissant se précipite hors de la poitrine de Tommy, de la sueur luit encore sur son front brûlant, elle perle le long de ses tempes et s'écrase jusqu'au creux de mon cou. Ses bras me serrent, m'étouffent, me gardent rien que pour lui. Il picore mes lèvres, cogne ses dents aux miennes dans sa précipitation, mord ma peau par mégarde. Sa voix tremblante d'émotions susurre mon nom de cette exquise adoration, retourne mon estomac et mon cœur, me donne envie de le consumer tout entier. Ses jambes caressent ma cheville, mon tibia, mes cuisses, tentent peut-être de fondre dans ma moelle, de n'être plus qu'un. Je l'observe d'un regard tendrement rieur, mes joues sont rouges, mon visage encore chaud. Je ne sais quoi lui dire, quoi faire, j'attends sans savoir, je me perds dans l'amour de ses prunelles. Il délaisse ma bouche pour traîner la sienne sur ma poitrine, mes clavicules, mes bras, mes abdominaux, il embrasse ce qui lui passe par l'esprit, ce qu'il peut voir et atteindre. J'ai l'impression que le langage ne pourra pas le sauver de sa joie, de son excitation, de sa surprise, il n'extériorise que par le touché et les gestes. La pression de ses lèvres est si forte qu'il marque ma peau de cette couleur violacée, si familière pourtant si secrète. Son agitation me trouble un peu et je l'arrête : « Tommy... À ce rythme, je risque de fondre... » Il lève ses yeux d'or et m'admire. Je lui offre un sourire timide, embarrassé, ce à quoi il répond : « J'aime tellement ton visage. Je t'aime. » Mon sourire grandit encore alors qu'il s'allonge entièrement sur mon corps et que je le serre.
« Je t'aime aussi, Tommy. »
La porte d'entrée claque. Je me redresse et ouvre de grands yeux, sorti trop brusquement d'un rêve éveillé. J'entends les pas de mon père en bas des escaliers et sa voix m'appeler : « Newt ? C'est toi ? » Je repousse aussitôt Tommy et m'empresse de me rhabiller. Il me regarde de son air désaxé mais ne cille pas, la bouche ouverte. Je tente rapidement de fermer ma braguette lorsque je lui murmure : « Ne fais aucun bruit, Tommy. Aucun. Je reviens. » Je n'attends pas davantage et dévale les marches. Je retrouve Adrian dans la cuisine, il me fixe avec des yeux perdus et s'étonne : « Que fais-tu donc ici, mon ange ? » Il me prend doucement dans ses bras et je souffle : « Je n'en pouvais plus, de cet hôpital. J'ai demandé à rentrer. » Son visage s'illumine de bonheur et il se réjouit : « Ah oui ? Tu reviens enfin à la maison ? » J'hoche la tête, il rit d'un rire soulagé, presque comblé. Nous nous sourions, allons nous assoir dans le salon et discutons comme nous avions l'habitude de le faire avant ma grande phase de dépression. Je me sens léger, j'ai un ressenti de sécurité, de paix intense, de changement. Les joues de mon père sont joyeusement creusées par son immense sourire, il m'interroge, m'embrasse le crâne et me câline. Je savais que mon départ avait laissé un vide noir en lui, son air faussement rassuré n'est jamais parvenu à me tromper. Le temps défile et j'en oublie Tommy, qui ne manque pas de se faire remarquer lorsque mon chien quitte la buanderie pour se précipiter jusque dans ma chambre. Ils grognent et aboient suffisamment forts pour que mon père s'inquiète : « Penses-tu que Smaug aurait pu ramener un ami par la chatière ? » Il s'en va à l'étage et je le suis avec une mine terrorisée, soufflant rapidement derrière lui : « Papa, attends ! Je dois te parler de quelque chose ! C'est important ! » Rien n'y fait, Adrian ne s'arrête pas et entre. Thomas est là, perché sur mon lit, en sous-vêtements, à montrer les dents au Malinois noir qui sautille plus bas. J'attrape mon chien par le collier et l'écarte difficilement de Tommy, le menaçant toujours depuis mon matelas. Mon père perd l'usage de sa langue et bredouille des sons imperceptibles, pointant mon petit ami à peine vêtu d'un doigt troublé. Je m'interpose entre eux et m'exclame : « Papa, je peux tout expliquer ! » Je vois ses yeux scruter mes vêtements prêtés à Thomas déchus sur le tapis, mes draps entièrement défaits et son estomac encore couvert de semence. Je ne pouvais pas tomber plus bas.
« Qu'est-ce que c'est que ce cirque... balbutie enfin mon père. »
Je rougis honteusement, pars mettre Smaug à la porte et nous enferme pour être certain qu'il n'alourdisse pas davantage l'embarras pesant qui nous oppresse. J'habille maladroitement Tommy avant d'oser faire face à Adrian, ne disant toujours pas plus que ses bégaiements. Il me dévisage de ce même air choqué et ordonne plus froidement : « Tu pourrais me les donner, ces explications, jeune homme ? » Je m'écroule sur mon lit et prends ma tête en mains, soupirant timidement : « J'ai merdé... » Je croise son regard et l'aperçois froncer sévèrement les sourcils.
« Papa... Voici Thomas, le fameux garçon qui me plaît tant, celui dont je n'ai pas stoppé de te parler ces dernières semaines... C'est un ancien enfant sauvage, élevé par des loups jusqu'à ses huit ans, mis en réduction à l'hôpital WICKED depuis... J'ai approfondi son apprentissage de la langue anglaise, de nos normes, du quotidien, et il a montré d'excellents progrès... Il est un garçon adorable malgré sa différence, qui sait aimer et apprécier la vie. Nous sommes tous deux tombés amoureux, jusqu'au point où nous sommes devenus inséparables... »
Je relève des yeux embrumés de larmes vers mon père et me justifie d'un ton haché : « Ils l'anesthésiaient et le droguaient à tout va, le rabaissaient, le traitaient comme un animal, un homme sans dignité, sans valeur... Tu me comprends... Je ne pouvais pas le laisser comme ça... Je devais le faire... » Son regard grossit et il s'emporte : « Ne me dis pas que tu as fui WICKED avec lui ?! » Mon silence le fait s'exaspérer : « Mais ! Mais enfin, Newton ! C'est illégal ! Tu ne peux pas arracher ce type de patient à un hôpital sans autorisation !
- Qu'attendais-tu de moi ?! Que je le laisse croupir dans sa cellule, sans amour, sans soutien, ni reconnaissance ?! Je l'aime ! Je ne pouvais pas ! Je ne pouvais pas ! »
Il presse son visage d'une main, le masse, soupire. Thomas a passé sa tête au-dessus de mon épaule, observe la scène comme s'il n'était qu'un simple spectateur, ne prononce pas un mot, n'ose plus respirer. Je prends timidement sa main dans la mienne et la serre d'une poigne molle. Mon père nous regarde un instant et concède : « Nous ne pouvons pas le ramener. Ce serait contribuer à sa maltraitance, et ça, il en est hors de question. » Je m'illumine d'espoir, le fixe, le supplie silencieusement. Il souffle enfin : « Je suppose que dormir à deux ne vous dérangera pas... » Je souris et me jette dans ses bras. Adrian rit un peu, encore tout chamboulé, et caresse mon dos d'un air absent.
« Merci, papa. Merci. »
Nous nous séparons doucement, il détaille le visage de Tommy avant de dire : « Je te comprends. Tu sais, tu me rappelles mon passé... Ta mère était tout aussi belle que ton chéri, j'avais exactement ton âge et en étais cruellement amoureux. J'ai tout quitté pour elle, je l'ai suivi dans ses plus grands rêves, j'ai abandonné mes études initiales pour imiter les siennes. Lorsque nous avons appris sa maladie, je me suis tout autant laissé aller... Je ne me suis plus nourri, je ne suis plus allé travailler, alors que tu n'avais que deux ans... J'ai tout délaissé, même après sa mort. J'ai commis des choses folles, impensables, irresponsables... et j'en suis tellement navré. Tu aurais mérité un père bien plus stable à ton jeune âge... Dans tous les cas... je suppose que tu as hérité de ma passion. Je ne peux t'en vouloir. » Des larmes dévalent le long de ma joue sans aucun bruit. Tommy s'est collé à moi devant ma peine et a tristement posé son menton sur mon épaule. Je scrute longuement mon père, ne sais quoi répondre à toute cette mélancolie. Nous nous enlaçons un moment, un maigre sourire pendu aux lèvres, les bras engourdis par les songes. C'est lorsque je me détache lentement de lui que je dis : « Je n'ai pas non plus assuré, comme gosse. » Il lève les yeux au ciel dans un rire doux, efface ses pleurs du revers de la main et se tourne vers Thomas.
« Bienvenue dans la famille, mon grand. »
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The Wolf beneath the skin - Newtmas
FanfictionLa noirceur a empoisonné les organes de Newton, diagnostiqué dépressif depuis un an. Elle coule dans ses veines, poignarde son cœur et écrase son cerveau. Les ténèbres de son regard forcent Adrian à interner son fils dans l'hôpital psychiatre de leu...