Chapitre 2

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Certainement n'aurais-je jamais dû me rendre dans cette cafétéria, synonyme de foule et de chaos. La salle bourdonne de cris, de voix, de mots, de sons. Mon cœur se serre, s'empli d'une panique effroyable, irrationnelle. Plateau en main, je m'installe autour de la dernière table encore libre, là où un groupe d'adolescents conversent bruyamment dans un déferlement de rires gras et de moqueries. Je joue mollement avec ma purée, perds mon regard dans mon assiette que je n'ose toucher, rêve de néant, de paix.

« Salut ! s'écrie le plus jeune d'entre eux. T'es nouveau ? »

Son enthousiasme me frappe en plein fouet. Cet enfant est mon oxymore. Ses amis ricanent devant ma confusion et le petit garçon reprend : « Tu t'appelles comment, le Bleu ?

— Newton. Appelle-moi Newt. réponds-je sans ton.

— Bienvenu au Bloc, la seule prison qui n'affirmera jamais en être une ! Je suis Chuck ! Ravi de te rencontrer, Newt ! Tu m'as l'air sympa ! »

Un brun frêle me fait signe de la main et se présente d'une voix faible : « Aris...

— Alby, le patron de la bande. plaisante un troisième.

— Winston, le... gars basique ! Enchanté !

— Tu as quel âge ? poursuit Chuck. Moi, j'en ai treize ! On me dit souvent que je suis super petit ! Je le suis peut-être un peu, mais moi au moins, je suis mature et intelligent !

— J'ai dix-sept ans. informe-je.

— Bienvenue dans le club ! déclarent Winston et Aris en chœur.

— Minho et moi avons dix-neuf ans. rejoint Alby. Cet autre tocard est en isolement, tu ne risques pas de le voir de sitôt.

— Je crois être son colocataire. murmure-je pratiquement pour moi-même. Comment s'était-il retrouvé là-bas ?

— Il est bipolaire et a eu une grosse crise, récemment. répond Chuck. Pour être tout à fait honnête, je ne pense pas qu'ils le remettront en colocation, c'est la deuxième fois qu'il frappe un cohabitant... rit-il secrètement. Moi, j'ai un TOC.

— Je l'ai comme coloc, et je peux te dire que notre chambre est impec, grâce à lui ! rit Aris. Personnellement, je suis anorexique. Ça fait quelques temps déjà.

— Et moi, boulimique. ajoute Alby. On est complémentaire, pain de mie et moi !

— Pour ma part, je fais des crises d'angoisse assez importantes et fréquentes. annonce Winston. Ça me bouffe mon quotidien et m'empêche d'aller en cours, mais je tiens le coup. Et toi, le Bleu ?

— Je souffre d'une sévère dépression. »

Mon ton neutre semble les étonner. Chuck arbore un sourire rassurant et s'exclame joyeusement : « Eh bien, bienvenu, Newt ! On espère que tu t'en sortiras avec nous. » J'aurais aimé lui rendre son sourire.

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Malgré tous mes efforts, je n'ai pas réussi à finir mon assiette. Je ne suis tout de même pas étonné de quitter la cafétéria avec un estomac à peine rempli. J'entre lentement dans ma chambre, m'écroule dans le premier matelas du lit en hauteur, un livre un main. Je sens mon regard se noyer dans la noirceur de toutes ces lignes, dans l'ennui de leur blanc immaculé. Les mots se déforment, se bousculent, fondent et se mélangent. Mes paupières papillonnent un moment avant que je m'endors. Une détonation me réveille quelques heures plus tard. La porte de ma chambre s'ouvre à la volée, une silhouette court se blottir sous ma couette et s'accroche à moi. Cette ombre n'est pas seule, une horde d'infirmiers la poursuit. L'un d'entre eux se précipite dans mon dortoir et m'interroge : « Désolé pour le désagrément. Aurais-tu aperçu un garçon nu, mon enfant ? » Sans que je n'en décide, ma tête se secoue négativement. Aurais-je perdu la raison ? L'homme s'en va dans une excuse et referme la porte. Je m'empresse d'allumer ma lampe de chevet pour apercevoir ledit garçon. Ses mains massent aveuglement ses yeux éblouis par la lumière crue, il arbore une moue de jeune enfant. Son dos se redresse d'une grâce aérienne, presque féline, me laisse détailler la fermeté de ses abdominaux et de son torse. Un ronronnement vibre dans sa gorge et sa joue se frotte contre mes doigts alors que je ris nerveusement : « Qui es-tu ? Pourquoi t'es-tu enfui ? » Le jeune homme perd lentement son sourire, confusément troublé devant les mots.

« Mer... Merci. tente-t-il d'une voix rauque. »

Son ton sonne interrogatif. Je suppose qu'il ne doit pas pratiquer couramment la langue.

« Je t'en prie. »

Son corps s'agglutine contre le mien, il grogne sans jamais s'arrêter.

« Je... Je m'appelle Newton. »

Je lui présente machinalement ma main, mais il s'y frotte dans un sourire plutôt que de la serrer.

« Et toi ? Quel est ton nom ? »

Ses sourcils se froncent. Il retire la couverture de son bassin et je me cache automatiquement la vue. Ce garçon a beau être splendide, je sais être respectueux. Mes draps se froissent. Je devine qu'il se déplace à quatre pattes sur mon matelas et le devance : « Où vas-tu ? » Aucune réponse. Il s'allonge simplement à mes pieds et s'endort. Perplexe, je l'observe sans rien dire, perturbé, secoué dans tous les sens et pris d'émotions. Que suis-je censé faire ?

The Wolf beneath the skin - NewtmasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant