Chapitre I

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          Ils étaient en route pour être déposés sur la terre. La lumière blanche du soleil filtrait à travers les hublots de l'engin extraterrestre. A l'intérieur, Argan tripotait un stylo et s'amusait à le faire tournoyer sur ses doigts, pour s'habituer à son nouveau corps. Leur peau était maintenant lisse, aucune écaille ne dépassait, sauf peut-être les extrémités de leurs doigts, chose que les Hommes appelaient « Ongles ». Le scientifique qui conduisait le vaisseau ordonna aux agents de bien s'agripper aux poignées disposées ici et là : ils entraient dans l'atmosphère terrestre ; on voyait de cette planète bleue le continent sur lequel ils allaient se poser, l'Europe. 

          De nombreuses turbulences intervinrent et le vaisseau s'ébranla dans tous les sens, Argan laissa déraper son crayon qui roula jusqu'à la porte de sortie. Il resta coincé là-bas, bloqué par l'issue, sans revenir vers son tuteur.

          Baudering était assis en tailleur, ses yeux broyant du noir, et réfléchissait à sa mission lorsqu'un deuxième scientifique lui tendit une pilule noire et blanche.

          - Quand vous serez bien habitués à votre corps, je vous laisserais l'utiliser. Elle déclanchera la fin de l'humanité : c'est un virus détruisant l'organisme humain, vous ne serez donc pas affectés. Vous avez d'ailleurs bien de la chance que le boss ne vous ait pas anéantis, tous les deux. Sales déserteurs.

          Sans répondre aux provocations de son supérieur, le nouveau brun hocha doucement la tête silencieusement. Il tendit lentement le bras sans bouger la tête, enfourna la pilule dans sa poche et continua de regarder le sol lisse du carrelage argenté. Un virus qui éliminerait l'humanité entière, hein ? Il ne l'utiliserai pas, de toute façon, c'était bien trop dangereux de tenter de s'en servir.

          Et s'il était touché ?

          Et s'il mourrait ?

          De plus, ces humains qui n'avaient rien fait de mal contre eux, pourquoi faudrait-il les exterminer ? S'il y avait des survivants, ils pourraient se rebeller contre eux et les réduire, eux, à néant. Malgré le nombre de planètes colonisées, les Yesewis restaient très peu nombreux par rapport aux humains qui s'entassaient sur Terre. 

          Il n'eut pas le temps de penser à tout cela, car ils furent arrivés sur une grande montagne, là où peu de monde pourrait les apercevoir : le Mont Blanc. C'était l'été et seuls quelques randonneurs s'étaient aventurés jusqu'ici, qui ne remarquèrent même pas la petite soucoupe se poser dans l'herbe.

          - Nous vous laissons ici, Argan, Baudering. L'espoir de Puruto est entre vos mains. Sa survie, même, enfin, si j'ose dire... Ce serait quand même mieux si vous restiez ici !

          Baudering ne put s'empêcher de prendre la parole après avoir entendu celles incohérentes du scientifique.

          - Notre survie ? Ne me faîtes pas rire ! Si vous vous attaquez à cette planète bleue, c'est uniquement pour parfaire votre égo ! Et oui, on sait que l'on vous gêne c'est pour ça qu'on se retrouve ici, entourés d'humains immondes qui sont égoïstes et tout à fait comme vous, en fait !

          Argan lui posa alors une main sur son épaule, comme pour lui signifier qu'il en avait déjà trop dit. Il remercia les deux personnages en blouse blanche de son faux sourire et entraîna son partenaire loin du vaisseau, sur un chemin qui redescendait à la ville. Baudering s'excusa auprès de son ami de longue date.

          - Je suis désolé. Si on en est là, c'est uniquement par ma faute... Ce tunnel...

          - Tu as bien choisi, essaie de positiver : j'aime bien les aventures, My-, euh, Baudering, pardon ! sourit le blond en se forçant à relativiser.

          Baudering était soulagé par les paroles de son ami, et tout deux marchèrent en contemplant le paysage qui était très différent du leur.

          Au lieu de voir des fleuves de glace comme chez eux, les deux Yesewis apercevaient et marchaient dans cette étendue d'herbe verte dont on ne voyait pas la fin. Les cryovolcans n'étaient plus que de simples montagnes les entourant, et l'on apercevait seulement un satellite, appelé la lune, au lieu des cinq habituels : Charon, Hydre, Nix, Kerbéros et Styx.

          - On va jusqu'où ? demanda Argan à Baudering qui avançait les mains dans les poches.

          Il ne répondit pas mais tourna la tête vers le questionneur et pointa du doigt le chemin qui descendait très bas vers un parking où étaient stationnées plusieurs voitures. D'ici, les deux voyaient ces engins comme des fourmis, mais lorsqu'ils arrivèrent à leur destination quelques heures plus tard, elles avaient pris leur taille, et même plus. Certaine étaient rougeâtres, d'autres brillantes, ou encore d'un bleu vif à couper le souffle. Argan s'approcha d'une voiture verte pistache, les yeux émerveillés et pleins d'étoiles. Il tourna sa joyeuse tête enfantine vers le sombre personnage qui soupira en mettant sa main devant son visage.

          - Argan. Faut qu'on trouve un métier, maintenant. Je t'en achèterai une si tu veux, mais là, nous n'avons pas le temps.

          Le dit acquiesça en boudant et suivi son ami sur la route ensoleillée de la montagne.

*
**

          Un homme d'une trentaine d'années passa le petit portillon de la cabane en bois destinée mettre en page des chapitres de bandes dessinées. Il avait la peau blanche comme le reflet du soleil sur la mer et ses cheveux noirs comme l'ébène faisaient ressortir ses beaux yeux verts de la couleur de l'émeraude. Il devait faire environ un mètre quatre-vingt et marchait d'un nonchalant en direction d'un bâtiment en face de la cabane. L'homme portait un short à fleurs avec des couleurs chaudes, un t-shirt à manches courtes de couleur rose pâle et une cravate bleue claire.

          Il était accompagné par un autre homme plus petit cette fois, d'environ un mètre soixante. Il avait les cheveux de la couleur de la paille ayant doré au soleil tout l'été, des yeux d'un bleu clair incroyablement brillant, et sa peau étaient métissée et très douce. Il portait également un short mais celui-ci était avait des carreaux mauves et son t-shirt était blanc.

          Les deux hommes entrèrent dans l'établissement et furent accueillis par un homme barbu et enrobés, qui les salua de la main et d'un sourire éclatant sur toutes ses dents.

          - Baudry, Argan ! Comment allez-vous ce matin ?! demanda-t-il plein d'entrain.

          Le plus petit répondit par un sourire sincère, tandis que l'autre croisa les bras et souffla.

          - Je vous ai déjà demandé de ne plus m'appeler Baudry. Mon prénom est Baudering, rentrez-vous bien ça dans le crâne !

          - Oui, pardon, Baudry ! ricana l'homme barbu. Ça n'arrivera plus, Baudry.

          Argan éclata de rire et tira son ami vers leur salle attitrée avant qu'il ne commette un meurtre.

          Cela faisait trois mois qu'ils étaient installés ici, à faire ce boulot, et Baudering n'avait pas encore utilisé la pilule donnée par le scientifique. Seul lui savait qu'elle existait, même Argan n'avait pas été mis au courant de ce stratagème.

          - Il y a trois mois.... commença le blanc, un des scientifiques de notre navire m'a donné une pilule à utiliser sur les humains pour les réduire à néant. Je ne sais pas où la mettre, car j'ai peur que si je la garde sur moi, quelqu'un la trouve et s'en serve sans aucune quiétude.

          Argan parût tout d'abord surpris de cette nouveauté, puis il finit par hausser les épaules comme pour dire que comme ce n'était pas à lui que ça avait été confié, ce n'était pas à lui de s'en charger. Le grand le remercia quand même avec un air ironique et par colère, il donna un grand coup de pied dans le bureau.

          Cela alerta le gros homme qui monta les marches quatre à quatre, pensant que sa blague l'avait énervé au plus haut point. Mais lorsqu'il ouvrit la porte d'un grand coup, il vit un petit objet voler dans sa direction.

          La pilule.

          Il n'eut que le temps de fermer les yeux avant de la recevoir entre ses yeux.

Un avenir... Je sauverai le monde à ma façonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant