TRINITY - Tome 1 : Les humains viennent des étoiles. Et nous ?

[ 19 ] Repas, tatouage et marques

[ Tjana ]

Après avoir mis fin à notre discussion, le Professeur Karl nous congédie en nous souhaitant « bon appétit ». Evangéline l'accompagne, Alejandro signale qu'il va travailler quelque chose auquel il vient de penser et les cinq autres nous conduisent au self-service. On descend, via les escaliers parce qu'apparemment on est pas assez bien pour profiter d'l'ascensseur, jusqu'au rez-de-chaussée. Ils en profitent pour nous expliquer un peu qui ils sont et quelles sont leurs capacités. On passe de grandes doubles-portes de bois et on entre dans une immense pièce au sol carrelé que je soupçonne d'être une salle de réception. Un mouvement un peu particulier attire mon regard. Je braque mes yeux dans cette direction. Plus loin dans la salle, près de fenêtres, Isaac est déjà attablé avec un plateau devant lui.

Je soupire en enfonçant mes mains dans mes poches, forçant mes muscles à se détendre. Je suis trop sur le qui-vive.

On est en sécurité ici, relax Tja', relax...

Secouant une main bien au-dessus de sa tête, le jeune homme nous fait signe de le rejoindre aux places libres qui l'entourent, le tout avec un éternel sourire ravi. Je sais qu'il possède une vitesse fulgurante, au point que lorsqu'il court on ne peut même plus le suivre des yeux. Cette vitesse extraordinaire est couplée à un corps plus dense que la moyenne ainsi qu'à une peau plus robuste et une endurance invraisemblable.

En suivant docilement la file ― même si je ne résiste pas à l'idée de gruger mes sœurs pour les taquiner ― on remplit rapidement des plateaux-repas avant de rejoindre Isaac. Je m'assieds avec Taima à ma gauche et Trixie à ma droite. Gabrielle se place à côté de cette dernière, tandis qu'en face d'elles se trouvent les deux frères. Alysse s'assied devant moi et face à Taima va Yolan. Je prends en bouche une fourchée de pâtes et me rends compte que plusieurs regards sont glués à nous en essayant d'êtres discrets. C'est raté. Les enfants et les adolescents nous jettent des coups d'œil étonnés et interrogateurs. Ils semblent se demander qui nous sommes et ce que nous foutons ici.

― Ne faites pas attention, nous enjoint Gabrielle de sa petite voix douce comme de la barbe à papa. Ils sont juste curieux. Il est rare de voir arriver des adultes ici.
― Elle a raison, confirme Isaac en reposant ses yeux verts sur nous. Normalement, ce sont des jeunes qui viennent ici et souvent aussi parce que les choses se passent mal dans leurs familles, dans leur école. Hormis les professeurs et quelques anciens étudiants tels que nous, il y a assez peu d'adultes.

Nous hochons lentement la tête. Depuis hier soir, il y a pas mal d'infos à retenir. J'ai l'impression d'être une petite tasse de thé dans laquelle on veut faire infuser dix thés différents... Pour arrêter de me tracasser, je commence à manger tranquillement.

― Au fait, c'est quoi vos marques ? demande Arsène après quelques minutes de silence.

Nous redressons la tête, étonnées. En y repensant, nous avons plusieurs fois croisé des jeunes laissant ouvertement apparaître leur marque à l'œil, sans pression.

― Si on vous montre nos marques, vous nous montrez les vôtres ? demandé-je avec un petit sourire taquin.
― Bien sûr ! s'exclame Alysse avec un grand sourire en tapant dans ses mains.
― OK, acquiescent à leur tour Tai' et Trix'.

Je me concentre sur la peau entourant mon œil gauche. Je rassemble mes esprits et laisse éclore ces minuscules écailles formant ma marque ressemblant à un papillon monarque. Je perçois tout juste une douce chaleur autour de mon œil et je sens que mon apparence a changé, que mon épiderme s'est renflé et recoloré d'une teinte jaune-orangé comme le soleil levant. C'est une sensation assez particulière, mais c'est aussi particulièrement agréable de laisser paraître ce motif. C'est comme si j'étais soudain complète, moi à 1000%, parfaitement à l'aise dans mon corps. Je n'ai pas besoin de me cacher, de me faire passer pour quelqu'un que je ne suis pas. Et surtout, je n'ai plus besoin de garder en permanence à l'esprit le fait que je dois maintenir une petite partie de ma concentration pour que les écailles restent sous-cutanées.