[ 32 ] Bar, videur et grillage 1/2

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[ Tjana ]

Finissant de désinfecter la morsure que j'ai infligée à cette jolie jeune femme aux cheveux incroyablement longs, je fourre la fiole et le coton usagé dans ma pochette. Lex m'a expressément interdit de toucher à Erika, surtout pendant son service nocturne. « Je fais comment moi si y a personne pour accueillir les clients ? ». C'est avec un soupir grimaçant que je me souviens de cette fameuse nuit. Erika était venue me voir, durant une pause à l'accueil. Elle voulait savoir ce que ça faisait d'être mordue. C'est que ça peut procurer de sacrées sensations à un humain si les circonstances adéquates sont réunies... Mais j'y étais allée un peu fort avec l'hôtesse et l'avais mise littéralement H.-S. Lex n'était vraiment pas content et, pour me punir, m'a obligée à prendre la place d'Erika à l'accueil pour toute la nuit. C'était horrible... Je ne veux jamais, ô grand jamais, avoir un taff normal ! Même Lex l'a regretté. Il n'a pas fait d'affaires cette nuit-là...

Les lumières rouges m'accueillent à bras ouverts lorsque je reviens près du bar. Une silhouette bondissante attire de suite mon regard. Alysse danse comme une folle avec ses amis. Je souris face à cette scène attendrissante, je dois me l'avouer. Elle me voit à son tour, me fait signe de la main. Je lui réponds en agitant la mienne en l'air. Comprenant que je ne vais pas les rejoindre tout de suite sur la piste de danse, Alysse s'extirpe de la foule pour me rejoindre.

― Ça va ? demande-t-elle, essoufflée.
― Oui. Pourquoi ?
― Comme ça ! Tu viens pas danser ?
― Hum... Dans un instant. Je viens de boire, dis-je en pointant du pouce la porte des toilettes derrière moi.

Les yeux ni bleus ni mauves de la jeune femme suivent mon mouvement.

― Oh ? C'était... bien ?

Je ris en voyant sa tête. Visiblement, elle ne sait pas trop quoi me demander.

― On va faire comme si je ne m'étais tapé ni un grec ni du caviar, OK ? On en fait un non-évènement, ça te va ?

Alysse me lance un sourire rassuré en replaçant quelques mèches colorées derrière son oreille.

― T'es pas très à l'aise avec ça, hein ?

Idiote ! Tu viens pas de dire qu'on en parlait pas ? Pourquoi t'en rajoutes ? Pourquoi t'en rajoutes toujours ?

― Ça se voit tant que ça ?

Je hausse une épaule, l'air de rien, alors que c'est faux.

― C'est pas que je suis pas à l'aise, c'est juste que je suis pas habituée. Tu imagines si tous les élèves pubères de l'Institut débarquaient deux à trois fois par semaine dans Toronto pour s'abreuver ?
― Ce serait un sacré bordel.
― Oui. C'est bien pour ça qu'on ne le fait pas. Mais vous, vous êtes libres de faire ce qui vous fait envie.

Je me penche vers la jeune femme, une main près de la bouche, avec des airs de conspirationniste.

― C'est vrai qu'on fait c'qu'on veut et qu'on a bien de la chance.

Alysse rit. Son sourire dénué de maquillage illumine son visage, même s'il s'abaisse un peu, timidement. Elle recule pour s'accouder au bar rouge. Je l'y suis.

― C'est quoi ta phrase déjà ?
― Ma phrase ? ne comprends-je pas.
― Tu sais, je te l'ai entendue dire plusieurs fois, surtout pendant des entraînements, ou les quelques fois où je t'ai vue faire sur le terrain.
― Hein ?

Mes lèvres forment un petit « o » lorsque je percute.

― Tu as raison, je dis souvent ça : Je suis en vie, je fais c'que j'veux.

Alysse pose son verre, vidé jusqu'à la dernière goutte, derrière le bar pour qu'il soit récupéré par ses propriétaires, puis elle reporte ses grands yeux sur moi.

TRINITY - Tome 1 : Les humains viennent des étoiles. Et nous ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant