TRINITY - Tome 1 : Les humains viennent des étoiles. Et nous ?

[ 38 ] Mémoire, attaque et hélicoptères

Mon sang ne fait qu'un tour et je me mets à courir en me fichant royalement qu'on m'aperçoive ou non. De toute façon, à cette heure-ci, il ne reste plus grand monde dehors, ni même aux fenêtres.

― Lilith ! Prends le contrôle de ma voiture et emmène-la à ma position. On rentre au plus vite à l'Institut.
― Bien, mademoiselle.

Je continue de courir, attrape un lampadaire pour tourner à un embranchement. Ma voiture noire apparaît pour s'arrêter en dérapage contrôlé devant moi. Je saute dedans sans prendre le temps de m'attacher.

― Lilith, pilote automatique. On rentre au plus vite à l'Institut et on ignore le code de la route. On s'arrête pas non plus, ordonné-je.
― Bien, mademoiselle.

Les pneus crissent lorsque la voiture redémarre en trombe. Je suis projetée en arrière, le dos enfoncé dans mon fauteuil en cuir.

― Lilith, les gens à l'Institut sont-ils au courant ?

― Oui, mademoiselle.

OK, c'est déjà ça. Les Marked-men et mes sœurs sauront se défendre et protéger les plus jeunes, j'en suis persuadée. Du moins, j'essaie de m'en convaincre.

― Lilith, montre-moi les images des caméras.

― Tout de suite, mademoiselle.

Du tableau de bord sort un hologramme aux reflets bleutés. J'y vois un important commando armé pénétrer le château et attaquer tous ceux qu'il rencontre, brassards jaune et noir au bras. Les Cerbères font leur travail. Sur les vidéos enregistrées par leurs caméras embarquées, je remarque que leurs yeux et le « mu » majuscule à leur front sont devenus rouge luisant, signe que l'alerte rouge a été activée. Le point de vue change. Dans un coin de l'hologramme, Sam se bat contre trois hommes tout en protégeant des garçonnets dans le dortoir. Le même genre de scène se reproduit un peu partout dans le château, dans le dortoir des filles, dans la salle à manger, dans les cuisines, dans les douches communes, dans les jardins... Partout, les plus âgés se démènent pour défendre les juniors.

― Lilith, accélère ! ordonné-je avec hargne.

Je suis à nouveau plaquée en arrière tandis que le véhicule hybride passe de zéro à cent kilomètres à l'heure en quelques secondes. En reportant mon regard sur l'hologramme, mon sang, cette fois-ci, se glace.

― Des Hulks...

Mon cœur loupe plusieurs battements.

― Lilith, arrête la voiture ! hurlé-je.

Le véhicule s'arrête sur la bas côté et j'évite de justesse à mon nez de rencontrer le volant. Je donne plusieurs coups de poing rageurs sur ce dernier, faisant sonner à quelques reprises le klaxon, le tout ponctué de cris colériques et désespérés. Une fois que j'ai fini de décharger ma frustration sur cette pauvre bagnole qui n'a rien demandé, je me passe les mains dans les cheveux afin de les repousser de mon visage en les plaquant en arrière. Je ne sais même pas pourquoi je fais accélérer à ce point Lilith. De toute façon, je n'arriverai pas à temps. Alejandro ne sait pas exactement où je me trouve. Lui faire tenter une téléportation dans un lieu mal défini serait trop risqué et il a déjà suffisamment à faire avec ces assaillants, je le vois sur les vidéos surveillance...

[ *** *** *** ]

[ Trixie ]

Dans mes songes où tout n'est que silhouettes et ombres aux infinies nuances de rouge et de noir, presque chaque nuit, je suis bloquée dans mon passé. Je suis toujours noyée par les vraies voix des autres et j'ai toujours aussi mal. J'ai toujours autant envie de casser ce qui se trouve autour de moi à cause de la douleur. C'est incontrôlable comme envie, même si je sais que ce n'est pas bien et que je ne dois pas le faire. Alors, je me restreins autant que faire se peut pour une enfant. « Ma Bella... » sa voix est encore une fois balayée au profit de celle de ma génitrice. « Vous devez faire quelque chose ! Nous ne pouvons pas continuer ainsi, elle va se blesser toute seule ! » Je comprenais déjà à l'époque pourquoi elle semblait si inquiète, mais aujourd'hui, c'est, étonnamment, bien plus flou... Le monsieur a l'air gentil, il pose son regard attristé mais compréhensif sur mes géniteurs, puis sur moi. Ils me laissent seule avec lui. Il pose ses mains sur mes tempes. J'ai mal à la tête.