TRINITY - Tome 1 : Les humains viennent des étoiles. Et nous ?

[ 34 ] Crabe, espionnage et club

[ Institut Électre Even, Île de Logres, Ontario, Canada,
06 Juin 20**
10H06 ]

[ Taima ]

J'effectue quelques bonds sur le côté, comme un crabe alpiniste. Je tire de ma ceinture de nouveaux clous que je coince entre mes lèvres. Des mèches noires volent hors de ma vue lorsque je souffle en comprenant que je n'arriverai pas à atteindre la rangée de pierres que je veux. Je lève les yeux en l'air en agitant la corde qui me retient.

― Hé ! Fais-moi descendre !

La corde siffle, je dégringole de trois mètres avant de m'arrêter violemment.

― Woh ! Pas autant !
― Déso' ! fait la tête du brun en apparaissant au bord du toit.
― Et je suis pas un sac de blé qu'on monte au grenier ! Hein ? m'exclamé-je en agitant mon poing énervé à l'attention d'Alejandro. Bon sang... grommelé-je pour moi-même.

Je m'exclame si fort pour qu'il m'entende de là-haut que je fais tomber de ma bouche plusieurs clous. Je resserre les dents.

― Merde... marmonné-je en regardant en contrebas.

Heureusement que personne n'est passé en dessous de moi à ce moment-là. La corde est tirée pour me remonter de deux mètres. De nouveau face à la pierre marquée d'une croix bleue, je souris et dégaine ma perceuse, la faisant vrombir deux fois.

― Comment t'as appris à descendre en rappel déjà ? me questionne Alejandro depuis le toit du château.

Il s'interrompt juste avant que je ne perce. Je lève le nez en l'air.

― À flanc de montagne. Tu voulais que j'apprenne ça où sinon ?

Je remonte le masque filtrant sur mon visage.

― Ouais mais où à flanc de mont...

La perceuse s'enfonçant dans la pierre noire noie le reste de sa question. Il en pose trop de toute façon. Personne n'a jamais su où le maître nous a entraînées, ce n'est pas aujourd'hui que nous allons révéler le plus grand secret de ce dernier. Enfin, l'un de ses plus grands secrets. Comme notre maître le disait lui-même, « un secret n'est jamais mieux gardé que lorsqu'il n'est partagé avec personne ». Il a partagé ce lieu avec nous, parce qu'il avait vu en nous le potentiel suffisant pour être ses disciples. Ce lieu n'est donc pas son plus grand secret.

Le perceuse cesse son boucan d'enfer. Je la range à ma ceinture, tire le masque blanc de mon nez et de ma bouche, souffle dans les quatre trous que je viens de faire. De la poussière grise bondit à mon visage. Je tousse en agitant ma main devant moi pour la disperser. C'était pas une bonne idée, ça.

― C'était malin, ça ! se moque Alejandro.

Je le fusille du regard entre mes cils pleins de poussière.

― Tu veux descendre, peut-être ?
― Excellent travail Taima ! se récrie-t-il en levant son pouce en l'air. Tu m'impressionnes ! Quelle femme !

Ma cage thoracique se soulève une fois quand je lâche un petit rire sarcastique, la bouche tordue au coin même si je garde à l'esprit les quatre clous encore coincés entre mes lèvres. Quelle idée d'avoir le vertige... En secouant la tête, je reporte les yeux sur mon ouvrage, détache de ma ceinture la mini-caméra de surveillance se fondant dans la couleur de la pierre grise qu'Alejandro et moi avons mise au point. Pour changer. Depuis quelque jours, on en installe à des endroits stratégiques qui quadrillent toute la propriété du Professeur Karl afin que notre IA ait des yeux et des oreilles... et une voix.

J'installe la mini-caméra espionne. Un véritable petit bijou de technologie qu'ont rendu possible notre génie et les ressources du Professeur Karl, qu'il sort... eh bien qu'il sort... de sa canne ? Je crois qu'il est un riche héritier anglais, ou quelque chose comme ça. Il doit avoir un énorme patrimoine et une sacrée entreprise, quelque part au chaud sur cette planète...