Le futur qui nous est réservé est tellement incertain
Le père de Leila était un homme bien. Chaleureux, amical, affectueux. À aucun moment avant que Leila ne disparaisse, il n'a montré un signe de faiblesse ou de tristesse face à la mort de sa femme DEVANT nous.
Il travaillait toute la journée à l'épicerie, et le reste de son temps, s'occupait de ses deux filles de la plus belle des façons qui soit. Il les aimait, de tout son cœur. Cela ne faisait aucun doute.
Et, même si dans les dernières années de sa vie, il n'a pas été exemplaire, et n'a pas su combattre sa peine pour CONTINUER à s'occuper de Lara, il a toujours été un modèle de droiture pour moi. Il ne méritait pas tant de chagrin.
Leila ne le mérite pas non plus, assise là, sur le perron d'une maison de la favela, après avoir retrouvé son sourire et sa joie. Mais lui mentir est impensable.
Comme il y a presque 9 ans devant la porte de la maison des Rayos, je dois me lancer et annoncer une affreuse nouvelle.
- ÉCOUTE, Lei, je bredouille. Ton père, il, enfin, après que tu sois partie...
Elle COMMENCE à se douter que quelque chose ne va pas, et elle fronce les sourcils en attendant la suite. Je me sens terriblement mal lorsque j'attrape ses mains, autant pour me donner du courage que pour la préparer à ce qui va suivre. CONTINUER à bredouiller comme un idiot n'apportera rien, alors je le lâche d'un coup, comme on retire un pansement.
- Il est... Il est mort Lei.
Un instant, je me sens égoïste de m'être débarrassé de la chose aussi cruement. Mais je me rappelle de Leila, à quel point les gens tournant autour du pot l'agacent, sans COMPTERqu'elle l'aurait deviné une seconde plus tard. Leila comprend toujours tout avant tout le monde, et deviner ce genre de chose est sûrement encore pire, si tant est que ça soit possible, que de l'entendre franchement.
À l'instant où je prononce ces mots, ses yeux doublent de volume et sa poitrine semble se contracter douloureusement, comme si sa respiration se bloquait. La panique commence à monter, et je me mets à parler à toute vitesse, comme pour empêcher la tristesse de l'envahir.
- Il a développé un ulcère à l'estomac à cause d'une trop grande consommation d'alcool, il a lutté, on a essayé de le raisonner mais c'est comme si il ne voulait pas...
Elle se met à trembler tandis que ses yeux se révulsent, comme si elle allait vomir. Tout son corps sursaute sous de petites convulsions, et sa bouche tremble furieusement, comme si elle essayait de formuler un son sans y arriver. Il me semble qu'elle ne respire toujours pas et que ses côtes sont bloquées, comme immobilisées par un trop lourd poids.
- Arrête ça Leila, respire, je lui ordonne.
Elle me FIXE avec l'air de ne pas comprendre.
- Tu respires, MAINTENANT ! je lui crie en secouant ses mains.
Elle sursaute et relâche son souffle en émettant un cri de désespoir, qui est rejoint par des dizaines d'autres. Soudainement, les larmes s'enfuient de ses yeux aussi rapidement que si quelqu'un avait ouvert un robinet. Ses gémissements sont incontrôlables. Elle dégage ses mains pour les plaquer sur sa bouche, exactement de la même façon dont sa sœur le faisait lorsque que je l'ai trouvée, DEVANT le corps de son père. Comme si elle essayait de contenir toute l'horreur et la terreur à l'intérieur d'elle-même. Ses pleurs n'en ont que faire, ils dégoulinent sur ses doigts et ses paumes tandis qu'elle essaie désespérément de se contrôler. Les gens commencent à se tourner vers elle.
Elle se lève alors, et avant que j'aie pu faire quoique ce soit, elle s'enfuit en COURANT dans les rues de la favela.
Mais je ne la laisserai pas partir, pas encore. Oh, que non. Je me lance derrière elle et la rattrape. Elle essaie de se dégager quelques secondes, mais je la plaque contre moi et elle finit par se laisser aller avec soulagement. Ses cris continuent à percer l'air tandis que je la SERRE, tellement qu'elle ne pourrait pas être plus près.
- Neymar... elle sanglote en s'accrochant à mon maillot. Ney, je...
- Je sais. Je suis là, Lei, je souffle.