II - Redécouvrir la joie de vivre

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Pierre regardait les étoiles, pensif. Le ciel était calme, tout comme la forêt qui l'entourait. Il percevait à travers les branches les premières étoiles de ce début d'hiver qui brillaient. C'était déjà le soir du deuxième jour de leurs vacances, et Pierre avait du mal à réaliser. Il était tout simplement heureux. Ils s'étaient levés tard après une belle veillé dans New-York, et ils avaient passé une bonne partie du reste de la journée à voyager. Pierre au volant, Benjamin à ses côtés, choisissant la musique. Ils s'étaient tout les deux ambiancés sur les musiques, pas forcément les mêmes d'ailleurs, Pierre avait rit de l'accent italien surjoué de Benjamin qui chantait de la pop italienne, et Benjamin avait rit du problème de rythme de Pierre qui chantait sur du rap anglais. Les bonnes performances n'avaient pas forcément été au rendez-vous, mais ils avaient bien rit et s'étaient joyeusement laissés emportés par la musique. Ils s'étaient aussi énormément émerveillés de la beauté du paysage autour d'eux. Ils étaient finalement arrivés à leur prochain arrêt, la première cabane dans les arbres que Pierre avait sélectionné. De nouveau Pierre avait découvert les lieux avec ses yeux brillants, et Benjamin avait naturellement eu le sourire de voir Pierre aussi enfantin et heureux devant une cabane dans les arbres. La nuit avait commencé à tomber quand Pierre décida de s'adosser contre un arbre de cette accueillante forêt alors que Benjamin s'était éloigné pour passer un coup de fil. Et voilà Pierre dans sa contemplation de la forêt et du ciel étoilé.

Il avait du mal à réaliser. Il se souvenait parfaitement des derniers mois qu'il avait passé, où tout n'était que tristesse et désespoir. Il ne comprenait pas comment il avait pu se sentir aussi mal. Il redécouvrait le bonheur simple. Ce n'était pas le bonheur excessif, spontané et ponctuel qu'on peut ressentir à l'ouverture d'un cadeau. Non. Ce que Pierre apprenait à vivre de nouveau, c'était le bonheur de tous les jours, la singulière joie de passer une journée simple mais agréable, le seul fait d'être heureux sans autre raison que celle de vivre. Pierre avait oublié ce que c'était d'être heureux simplement par le fait de vivre. C'est ça qu'il avait perdu, et qu'il avait dû mal à retrouver de nouveau, la joie de vivre. Mais ici, dans une forêt, s'apprêtant à dormir dans une cabane dans les arbres, après avoir traversé une partie des États-Unis dans sa caravane, et tout cela avec Benjamin, Pierre goûtait de nouveau à ce sentiment. Il avait l'impression d'être dans une parenthèse de sa vie, une bulle constituée que de joie. Il avait l'impression que cette bulle allait éclater, qu'il était en train de tester une démo qui allait forcément se terminer, sans qu'il puisse y faire quelque chose, et que son mal être allait lui retomber dessus sans vergogne.

Les yeux de Pierre descendirent et s'accrochèrent à la silhouette au loin de Benjamin. Son cœur se réchauffa, et sa peur se dissipa doucement. Il ne comprenait plus comment il avait pu autant remettre en question sa relation avec Benjamin. Il se rappelait très bien que le matin même de son anniversaire il pensait ne même pas compter dans la liste des amis de Benjamin. Et le voilà en voyage organisé par Benjamin, dans sa caravane, pendant deux semaines avec lui. Depuis le début Benjamin le couvrait d'attention, il se sentait important à ses yeux, c'était un sentiment qui le portait et le faisait voler au dessus des nuages. Benjamin était très préoccupé par le souhait que Pierre soit heureux, et profite pleinement de ces journées, et Pierre le ressentait constamment, ce qui suffisait d'ailleurs à le rendre heureux. Il était sûr maintenant qu'il pouvait se compter parmi les bons amis de Benjamin. Ce n'était pas tous les jours que celui-ci organisait un cadeau aussi incroyable que celui que vivait Pierre. Mais il y avait une autre chose dont Pierre était persuadé maintenant. En voyant Benjamin au téléphone au loin, qui croisa son regard et lui sourit, Pierre en était sûr, il avait compris une évidence qui lui soulagea le cœur un instant. Il aimait Benjamin, depuis plus longtemps qu'il ne se l'avouait lui-même. Et il tombait encore plus amoureux de lui chaque jour depuis son anniversaire. Parce que cette personne était tout simplement parfaite à ses yeux. Et l'accepter soulagea Pierre. Parce qu'il accepta ainsi les ressentis qu'avaient parfois son corps et même son cœur lorsque Benjamin était là, son cœur qui se tordait alors que Benjamin lui offrait un sourire, son estomac qui se retournait alors qu'il faisait preuve d'attention pour lui, sa température qui augmentait quand leurs corps s'effleuraient. Pierre fut dans le même temps décontenancé. Il était amoureux de Benjamin, c'était indéniable et agréable. Mais il était amoureux de son ami et collègue. Et ça c'était plus délicat. Pierre ne sut que penser, il savait tout d'abord que Benjamin ne l'aimait pas comme lui l'aimait et il savait aussi qu'il avait besoin du brun pour remonter le pente et espérer être heureux. Il se mit ainsi d'accord avec lui même, il ne lui en parlerait pas et profiterait de la présence du brun à ses côtés pendant ces vacances sans ruiner leur amitié en lui expliquant ses sentiments. Et il verrait bien à son retour à Paris. Pierre souriait. Il préférait cent fois être heureux et amoureux aux États-Unis que triste et refoulant son ressenti en essayant d'ignorer ce sentiment à Paris. Quoique les lieux n'y étaient peut-être pas pour grand chose.

Pierre se releva et remonta dans la cabane, il s'assit sur leur lit. Il eut un soufflement du nez lorsqu'il réalisa que le rêve qu'il était en train de réaliser il l'avait initialement imaginé avec Kate. Cette époque lui paraissait si lointaine. Et aujourd'hui il était persuadé qu'il n'aurait pas pu réaliser ce rêve avec quelqu'un d'autre que Benjamin, ce Benjamin qui avait organisé son rêve et qui lui permettait ainsi de le réaliser. Il avait la sensation étrange qu'il était en train de passer les meilleurs jours de sa vie en ce moment, pendant ces deux semaines. Il n'avait pas envie que ça passe trop vite et que ça s'arrête. Pierre était heureux et en même temps déjà nostalgie, il avait peur de ne pas réussir à vivre comme il fallait ce moment, il avait peur de tout gâcher par l'habitude qu'il avait perdue de vivre joyeusement et tranquillement. Son cœur se serra, il voulait arrêter le temps, il ne voulait pas arrêter ce voyage et rentrer. Il voulait retourner dans sa contemplation des étoiles, ou sur la route pour venir ici, ou le premier matin à la caravane hier. Il entendit Benjamin remonter dans la cabane, l'arrachant de ses tristes pensées. Pierre leva ses yeux vers lui et son sourire revint automatiquement sur ses lèvres, son cœur se desserra en voyant l'homme dont il était amoureux en face de lui, rayonnant :


" Alors Pierrot, prêt pour ta première leçon de cuisine ? "

VERRECROCE - Un 5 novembre imprévuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant