I- Enlèvement

546 32 0
                                    

         Au bout d'une heure et demie de mails et d'organisations de vidéos, Pierre releva la tête de son écran et observa son studio si silencieux. Toujours pas de trace de Benjamin, alors qu'il comptait sur lui pour égayer sa journée, quelle que soit la situation Ben savait toujours le faire rire. Pierre décida alors de se lever et sortit questionner Fred :

" 10h passées et toujours pas de Ben, va-t-il arriver avant midi ? Demanda Pierre sous le ton de la rigolade.

- Il ne t'a pas prévenu ? Répondit Fred après un rire, il ne vient pas aujourd'hui, il n'avait pas de vidéo à tourner alors il télétravaille.

- Ah non il ne me l'avait pas dit...."

         Pierre ne put retenir une moue de déception sur son visage que Fred ne rata pas, et celui-ci se permit assez sadiquement un petit sourire que Pierre ne vit pas, préoccupé, avant de repartir dans son studio. Il se rassit à son bureau, dos à la porte pour ne pas risquer de la fixer en espérant la venue de Benjamin, espérance qu'il savait maintenant comme vaine. Il mit même ses écouteurs pour essayer de se changer les idées. Il s'étonna lui même, lui qui pensait voir la déprime le rattraper que le soir en rentrant chez lui, elle vint finalement dès 10h15. Il essaya d'écrire de nouvelles idées de concept mais il n'arrivait pas à s'empêcher de penser à l'absence de Benjamin, encore plus attristé quand il remarqua que télétravail ou pas, Ben ne lui avait même pas envoyé de message. Il se reprit, se blâmant sur ce genre de réflexion enfantine mais il ne pouvait s'empêcher d'en conclure qu'il ne comptait peut-être pas beaucoup pour Ben, contrairement à l'inverse. Il réussit néanmoins à se reconcentrer en organisant une nouvelle vidéo de qui seront les meilleurs cousins, une vidéo qu'avec des abonnés pour éviter de penser à son collègue absent et à sa journée d'anniversaire déprimante. Si bien concentré qu'il ne remarqua pas l'entrée discrète de Benjamin dans leur studio. Il comprit que quelqu'un d'autre était dans la pièce seulement quand il sentit un bandeau sur ses yeux, lui cachant la vue. Il retira ses écouteurs d'un coup et essaya d'enlever le bandeau jusqu'à ce qu'il abandonne en reconnaissant le rire de Benjamin : 

" Ah non Crossos, interdiction de l'enlever avant mon autorisation !

- Qu'est-ce que tu fous Ben ?? Bonjour déjà ça serait plus approprié !

- Hé oui les chicos et les chicas, comme je vous l'ai dit il n'est au courant de rien, là il est 10h30 et on va pouvoir commencer la journée !

- Ah parce que ça filme là ? "

        Pierre distingua le rire de Fred en face de lui :

" Par ton cadreur préféré ! Allez debout on a de la route !

- Mais t'es complice toi en plus ! C'est très mauvais signe! J'ai pas dis que j'étais consentant pour ce kidnapping !

- C'est le principe d'un kidnapping Pierrot! s'exclama Benjamin à côté de lui

- C'est un 'une journée comme' ? On fait quoi, on va où ?

- Arrête avec tes questions !"

         Pierre sentit le bras de Benjamin qui l'attrapa par l'épaule pour le guider. Il se leva alors, un sourire aux lèvres, et s'accrocha à Ben en passant son bras sous le sien. Celui-ci lui reprocha d'en profiter mais n'enleva tout de même pas son bras, et l'aida à se diriger pour le faire quitter son studio et même Maison Grise. Il se retrouva rapidement dans une voiture et on lui mit un casque sur les oreilles, il comprit aisément que c'était pour ne pas entendre la destination par le GPS ou par le chauffeur de taxi. Il aurait pu être angoissé de se retrouver dans cette situation, à ne rien voir, rien entendre, dans une voiture sans même savoir avec qui, mais il se sentait bien, et en grande partie grâce à la présence de Benjamin qui avait dégagé son bras mais avait posé sa main sur la cuisse de Pierre, pour le rassurer, lui indiquant d'une certaine manière qu'il était là et que s'il y avait un problème il lui suffisait de se manifester. Pierre avait retrouvé un peu de joie, et même s'il se posait beaucoup de questions, il était bien plus heureux que quelques minutes auparavant, décidément cette journée était en dents de scie...

         Il était content que Benjamin soit là, et ne l'ait de toute évidence pas oublié. Il n'était pas idiot non plus et se doutait que la surprise devait être liée à son anniversaire, il en était heureux, quoi que ce soit, et même si cela s'avérait être une blague de mauvais goût, il était persuadé au fond de lui qu'il en serait content parce qu'il avait là une preuve que ses amis pensaient à lui et que cette journée serait moins déprimante que prévue. Il l'espérait si fort, il avait envie de briser son a priori de la journée, de profiter, d'emmagasiner des moments de joie pour ses prochains moments de déprime, d'être heureux sans penser à la crainte de la solitude du soir, de vivre l'instant à fond, et c'est ce qu'il fit. Il se permit alors de poser sa main sur celle de Benjamin qui était toujours sur sa cuisse, doucement, sans la serrer, juste pour que son collègue comprenne qu'il validait la situation et lui faisait confiance, ce qui, sans que Pierre ne le sache, rassura grandement son voisin de siège. Sans aucune notion du temps, Pierre senti le bras de Benjamin le tirer vers lui et l'aider à sortir de la voiture et il se retrouva, non sans difficulté de déplacement, dans ce qu'il identifia comme un train. Alors que Pierre commençait à angoisser depuis le temps qu'il était aveugle et sourd, sans aucun repère, Ben lui tapota la cuisse. Il n'avait aucune preuve mais était persuadé que ce geste était verrecchien, et il en fut rassuré. Quelques minutes après, on lui retira enfin son casque et il entendit tout de suite Ben lui demander comme il allait : 

" Attentionné mon kidnappeur dis donc !

- Profite, on va faire une séquence de la vidéo on devrait avoir le temps avant que le contrôleur n'indique de nouveau la destination, et après c'est de nouveau le casque ! Lui expliqua Benjamin après un rire.

- Je suis de toute façon obligé d'approuver, je sais pas ce qui se passe ! Rigola nerveusement Pierre, et ce fut à nouveau au tour de Benjamin de le rassurer.

- Pas d'inquiétude Pierrot, on t'en a préparé une belle ! Et si tu te sens pas bien, n'hésite pas à me faire signe hein ?"

         Après l'acquiescement de Pierre, ils filmèrent une séquence pour la vidéo, ponctuée de vanne de Benjamin à l'égard de Pierre, puis celui-ci se retrouva de nouveau sourd. Contrairement à la première fois, il n'eut pas le droit à de la musique, et même s'il n'entendait quand même pas le monde extérieur il se demanda si c'était un oubli ou volontaire. Il comprit finalement que cela devait être volontaire quand ce qu'il estima comme 15 minutes après, Ben le fit se lever et le train s'arrêta, leur permettant de sortir. On lui enleva alors de nouveau son casque, et c'est sous la caméra tenue par Fred que Pierre dû marcher dans les rues d'une ville inconnue avec l'aide de Benjamin mort de rire à ses côtés. Ils prirent finalement un bus, et Pierre retrouva encore le casque. Le trajet fut cependant assez rapide, tout juste le temps pour que Pierre se fasse la réflexion maintenant qu'il ne l'entendait plus, qu'il aimait beaucoup écouter le rire de son ami. Ils arrivèrent enfin, et casque retiré, Pierre entendit Benjamin lui indiquer que le voyage touchait à sa fin. En face de lui Fred effectua un clap pour la 4e fois de la journée et Benjamin prit la parole devant la caméra.

VERRECROCE - Un 5 novembre imprévuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant