III - Un retour difficile

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Premier pas français depuis deux semaines, les voilà arrivés à l'aéroport. L'ambiance n'était pas au rendez-vous, l'un comme l'autre étaient maussades. Ils avaient laissé le camping-car derrière eux, aux États-Unis, et avec lui tous les bons souvenirs de leurs vacances. Ils étaient partis seulement avec la promesse d'y retourner ensemble dès qu'ils pourraient, mais il fallait une fin à tout. Il était dimanche midi à leur arrivée, et les tournages devaient reprendre dès le lendemain. Ben essayait tout de même de sourire à Pierre mais celui-ci voyait bien dans son regard qu'il était aussi attristé que lui. Ils récupérèrent leurs valises, et marchèrent côte à côte vers la sortie pour retrouver leur taxi. Pierre se sentait las, triste et presque déprimé et ça le terrifiait de s'imaginer de nouveau déprimé. En quête de consolation, il se rapprocha discrètement de Benjamin et laissa sa main toucher la sienne pour retrouver la chaleur réconfortante de son copain. Mais celui-ci, dès qu'il sentit le contact, retira sa main et s'éloigna de quelques centimètres de lui. Pierre sentit son cœur se serrer. Il vit Benjamin regarder autour de lui avec empressement, puis il se tourna vers lui et lui lança un sourire triste qui se voulait d'excuse. Pierre comprit, ils étaient dans un lieu public, en France, il comprenait mais il restait au fond de lui un peu blessé. Lui était certain d'aimer Benjamin tellement fort qu'il pourrait le montrer au monde entier et en être fier. Mais ce n'était de toute évidence pas le ressenti du brun. Pierre avait presque envie de pleurer, il détestait ce retour à Paris, il était fatigué et il avait l'impression que ses nerfs allaient le lâcher d'un moment à l'autre. Ils entrèrent enfin dans un taxi et il contempla le paysage si familier sans rien dire, jusqu'à ce qu'il sente une main attraper la sienne. Il tourna la tête et vit Benjamin qui lui souriait tristement, tout en caressant délicatement d'un pouce la main du blond dans la sienne. Pierre n'arriva pas à lui rendre son sourire, il se sentait profondément triste. Benjamin porta la main de son amant à sa bouche et y déposa tendrement un baiser. Benjamin voulait clairement se rattraper, il se maudissait d'être aussi pudique et réservé quand il constata que cela faisait souffrir son blond. Celui-ci fut pris d'un frisson et un tout petit sourire discret habilla ses lèvres. Benjamin s'en contenta, et garda la main de Pierre prisonnière dans la sienne tout le trajet.

Ils arrivèrent finalement au pied de l'appartement du brun, et le cœur de Pierre se serra à nouveau. Il ne voulait pas que ça s'arrête, il ne voulait pas laisser Ben, il ne voulait pas rentrer dans son appartement morne et vide. Benjamin tira sur sa main pour récupérer son attention :

" Pierre, faut que je rentre chez moi mais-

- Je veux pas te quitter

- -ça te dit de m'accompagner ?"

Ils parlèrent en même temps, mais ça n'empêcha pas Pierre d'entendre et il rougit comme un enfant en réalisant que Ben l'invitait chez lui. Tout content de ne pas quitter son copain de suite et même d'aller chez lui, il sortit rapidement du taxi après l'avoir réglé et récupéra tout aussi précipitamment leurs valises dans le coffre.

" Du calme Pierre, l'appart' ne va pas s'envoler, et je ne vais pas changer d'avis non plus, on a le temps," ria doucement Benjamin en se dirigeant vers son domicile, Pierre le suivant à la trace.

Pierre rentra alors dans le logement de Ben, il l'avait déjà visité quelques fois, mais ça lui faisait bizarre d'y revenir dans un contexte tout autre. Benjamin alla directement leur chercher de quoi se rafraîchir tandis que Pierre se libérait des bagages et de son manteau. Il s'assit sur le canapé, complètement épuisé et son copain le rejoignit en lui tendant un verre.

" Je suis désolé mon Pierre, glissa Ben après un silence.

- Pourquoi ? s'inquiéta instantanément l'intéressé.

- Pour t'avoir rejeté, à l'aéroport. Ne me contredis pas Pierre j'ai bien senti que ça t'avait attristé, si tu savais comme je m'en veux de te rendre malheureux !

- Ben....

- Attends, laisse-moi m'expliquer Pierrot s'il-te-plaît. Je m'en veux énormément, mais je sais que je n'aurais pas pu faire autrement. Tu le sais, je suis pudique, et réservé, ce n'est vraiment pas dans mes habitudes d'étaler ma vie privée à tout le monde et nous sommes des personnalités publiques, même si la plupart des personnes qu'on croise sont bienveillantes, on ne sait jamais et je ne me sens pas prêt à m'afficher en public ou même à Maison Grise avec toi. J'aimerais qu'on prenne le temps avant de l'annoncer à nos collègues si ce n'est pas trop te demander. Ce n'est absolument pas toi le problème Pierre, n'en doute pas, au contraire je tiens énormément à toi, ce n'est que le début et je n'ai en aucun cas envie que les autres puissent gâcher cette relation, j'aimerais la construire avec toi, pas à pas, pour qu'elle dure aussi longtemps que possible, plus longtemps que possible même. J'ai bien conscience que ces raisons peuvent te paraître nazes mais dis-moi toi ce que tu voudrais, on peut peut-être trouver un compromis ? J'aimerais que, quel que soit ce qu'on va convenir, j'aimerais que ça t'aille, ton bonheur est important pour moi Pierre, et-"

Pierre décida que le discours de son amant était déjà assez long, et qu'il était déjà assez ému, et le coupa en le prenant dans ses bras. Benjamin se tut, et répondit à son étreinte. Leur embrassade était forte, et leur rappela à tout deux le jour où ils s'étaient déclarés. Ils se séparent et Pierre reprit la parole avec une voix au début un peu tremblante, en gardant sa main dans la sienne :

"C'est moi qui m'excuse Ben, j'ai pas réfléchi j'aurais dû y penser que tu ne veuilles pas en public en France, c'est de ma faute c'est juste que j'étais fatigué, et je suis triste d'être rentré j'avais juste besoin de savoir qu'au moins toi tu étais là, mais je comprends mon Ben, tes raisons elles sont justifiées, et je suis content que tu m'en parles. Je suis d'accord pour garder notre relation personnelle, entre nous, et quand tu te sentiras prêt, quand notre couple sera prêt on verra pour l'annoncer aux autres. Moi tout ce qui compte pour moi c'est que je t'ai toi. "

Benjamin lui sourit, à son tour touché. Il aurait pu lui répondre encore tant de choses mais il réalisa qu'ils étaient déjà assez émus pour le moment, et aussi qu'ils étaient déjà assez épuisés par le jet-lag. Alors Ben attrapa son amant par le bras et le tira vers lui tandis qu'il s'allongeait sur son canapé. Pierre comprit, et se coucha à moitié sur lui, la place ne permettant pas mieux. Ils auraient pu aller se coucher sur le grand lit de Ben, mais ils étaient très bien ici, collés, et s'endormirent rapidement dans les bras l'un de l'autre. Une sieste plus tard, ils réussirent à se lever avec l'appât d'un bon plat de pâtes au pesto pour remplir leurs estomacs affamés. L'ambiance était plus légère, ils passèrent un vrai bon moment de couple de retour sur Paris. Mais vint inévitablement le moment où l'heure se faisait tardive et où Pierre devait rentrer chez lui. Devant la porte de Ben encore fermée, Pierre remettait sa veste à contre cœur.

"Pierre, fais pas cette tête ça me brise de te voir comme ça ! Se plaignit Ben complètement abattu de le voir partir dans cet état. Je pense que c'est mieux qu'on dorme chacun de notre côté pour se réhabituer petit à petit à la vie ici, mais c'est pas que je ne veux pas que tu dormes ici, au contraire si t'es malheureux reste !

- Nan Ben, t'as raison, bien que je préférai, c'est mieux que je rentre, on se voit demain de toute façon ! C'est juste que c'est dur de quitter son copain parfait avec qui je viens de passer deux semaines idylliques qu'il m'a offert, mais c'est plus raisonnable. Tant que j'ai la promesse qu'on se reverra pour autre chose que des tournages, ça me va, lui sourit Pierre.

-Une promesse ?" S'interrogea Ben, un peu malicieux.

Pierre n'eut pas le temps de lui répondre que déjà Benjamin montait sur la pointe des pieds. Il attrapa le pan de la veste de Pierre pour le faire se pencher et posa ses lèvres sur les siennes. C'était seulement la deuxième fois qu'ils s'embrassaient, la première fois à l'initiative de Benjamin, et c'était tout bonnement incroyable. Pierre glissa sa main sur la hanche de son amoureux tandis qu'il répondait avec tendresse au baiser. Ils se séparèrent, les lèvres rougies, les sourires éclatant de bonheur, les regards plein de tendresse, les cœurs remplis d'amour.

"Cette promesse me convient parfaitement," répondit finalement Pierre.

VERRECROCE - Un 5 novembre imprévuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant