Prologue

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Tout le monde savait que Son Altesse Royale Isabella, princesse des vampires, n'avait peur de rien.

Pourtant, ainsi entourée de barreaux de fer, avec un éclat de bois fiché dans le coeur, Isabella était terrifiée.

— Tu fais moins la maligne, sale petite garce, persifla un homme en se penchant vers sa cage.

La faible lumière qui éclairait la tente, érigée à l'orée du champ de bataille, fit scintiller les dents que révéla son sourire carnassier. Isabella s'efforça de tempérer ses tremblements, alors que le Grand Alpha la toisait comme s'il se demandait lequel de ses os il croquerait en premier.

— Honnêtement, je suis un peu déçu, fit-il en étudiant le corps recroquevillé de la jeune fille. Mes hommes m'avaient vanté ta soi-disant beauté, mais tu fais plus pitié qu'autre chose... Ton cher papa n'avait-il rien à te donner à manger, lorsque tu étais petite ?

Cette fois, elle ne fit rien pour contrôler la rage qui bouillait en elle. Car si elle tremblait, c'était autant de peur que de fureur.

— Moi... Moi aussi, je suis déçue, articula-t-elle difficilement.

Le morceau de bois logé dans son coeur devait être de la taille d'un ongle, or il parvenait malgré tout à lui faire endurer la pire des douleurs. Le soldat du chef des loups avait parfaitement su ce qu'il faisait en remuant et brisant son épée dans sa poitrine. Le fragment était juste assez épais pour la faire souffrir, mais pas assez pour la tuer.

— Tout... Tout le monde vante votre bravoure, alors que vous n'êtes même pas fichu de combattre vous-même... Vous... Vous envoyez vos...

— Je te conseille de te la fermer, la coupa-t-il en attrapant violemment ses cheveux à travers les barreaux. Tu vas vite apprendre que chez moi, les salopes dans ton genre sont tenues de ne pas se faire remarquer.

Elle serra les dents pour ne pas crier, son brusque déséquilibre ayant fait bouger le perfide éclat. Les yeux flamboyants d'une dangereuse fièvre, l'homme l'obligea à soutenir son regard, tirant si fort qu'elle crut qu'il allait lui arracher la peau du crâne.

— Si tu savais comme j'ai hâte de pouvoir te...

— Monsieur ? l'interrompit une voix masculine.

Le Grand Alpha tourna la tête vers l'entrée de la tente.

— Qu'y a-t-il ? lança-t-il d'un ton cinglant, agacé que l'on vienne troubler sa petite séance de torture.

Depuis la minuscule cage où elle se tenait repliée sur elle-même, avec le corps massif de son geôlier qui lui cachait la vue, Isabella ne put distinguer le nouvel arrivant.

— Le roi a envoyé l'un de ses messagers. Il a une proposition à vous faire.

Une lueur d'espoir, teintée d'une crainte insidieuse, naquit dans le coeur meurtri de la princesse. Le dirigeant des loups resserra sa poigne sur ses cheveux et elle poussa un presque imperceptible gémissement de douleur.

— Il vous demande de faire cesser les combats immédiatement et de libérer sa fille.

Le Grand Alpha laissa échapper un petit rire cynique.

— Et puis quoi encore ? Que...

— En échange, il accepte de se rendre sur-le-champ et d'être fait prisonnier.

L'hilarité de l'homme cessa aussitôt.

— Quoi ?

Même si sa vision se faisait de plus en plus trouble et que chaque parcelle de son corps hurlait sous la souffrance, Isabella sentit la terreur finir de la ravager.

— C'est sûrement un piège, décréta le loup-garou. Il doit avoir une idée derrière la tête et...

— Sauf votre respect, je crois qu'il est très sérieux, monsieur. Sa Majesté se rendra sans émettre aucune résistance, à la condition expresse que vous libériez la princesse.

Cette dernière se mit à trembler comme une feuille, alors que son oppresseur se retournait lentement dans sa direction.

— Non... Non, bredouilla-t-elle d'une voix horriblement faible pour laquelle elle se maudit. Gardez-moi, faites... Faites de moi ce que vous voulez, mais...

Laissez mon père en dehors de cela. Elle n'eut pas la force de terminer sa phrase, car au sourire pernicieux qu'afficha l'homme, elle comprit qu'elle venait de l'aider à faire son choix.

Il relâcha ses cheveux avec une extrême lenteur, comme un crabe desserrerait sa pince autour de sa proie. Il demeura agenouillé à son niveau, alors qu'Isabella restait désespérément immobile, si faible qu'elle ne pouvait faire autre chose que trembler.

— Ne t'inquiète pas, petite princesse, lui susurra-t-il doucement. Je suis certain que nous aurons très vite l'occasion de nous revoir.

Il se redressa de toute sa hauteur, puis ajouta :

— En attendant, je compte bien m'amuser avec ton cher papa...

Histoires de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant