Chapitre 19 - Source d'inspiration

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— J'aimerais être seule aujourd'hui.

Isabella avait fait son possible pour prendre une voix légère, mais elle sentit que Duncan n'était pas convaincu. Assis sur le tapis près du lit, il fronça les sourcils et l'observa attentivement.

— Quel... Quelque chose ne va pas ?

Sa touchante inquiétude la troubla. Pendant un instant, elle eut envie de lui demander de l'accompagner là où elle comptait se rendre, puis se ravisa.

Elle sentait qu'il lui faudrait être seule.

— Je... Je veux juste essayer de recommencer une activité que j'aimais bien... avant.

Bien que des interrogations soient lisibles dans son regard, il se garda de demander de quel "avant" elle parlait. Elle lui en fut reconnaissante.

— Si je suis contente du résultat, peut-être que je vous en parlerais, ajouta-t-elle, dans l'espoir de le rassurer.

Elle ne tenait pas à ce qu'il passe la journée à se préoccuper de son sort, ou qu'il s'allie à Daniel pour savoir ce qu'elle trafiquait.

— Comme vous voulez, déclara-t-il en se relevant. Mais si vous avez besoin de moi...

— Je sais où vous trouver, compléta-t-elle en levant gentiment les yeux au ciel. Ou du moins, je sais que vous êtes sous le même toit que moi.

Il hocha la tête, puis quitta les lieux en utilisant le passage dérobé. Isabella attendit d'être certaine de son départ avant d'ouvrir un placard secret, encastré dans un mur, derrière sa table de chevet. Elle en extirpa une petite mallette en bois brut, sans aucun ornement.

Elle sortit ensuite par la porte donnant sur le couloir, devant laquelle deux gardes stationnaient. Elle les congédia pour le reste de la nuit, et après une légère hésitation, ils s'exécutèrent. Nul doute qu'ils allaient informer Daniel de ce changement, mais tant pis pour les comptes qu'elle aurait à lui rendre.

De toute façon, il ne lui en voudrait pas pour ce qu'elle s'apprêtait à faire.

Sans se laisser le temps de changer d'avis, elle se dirigea vers le fond du corridor. Elle sortit de sa poche une petite clé argentée, qu'elle inséra dans la serrure d'une porte en bois blanc. Avant de la déverrouiller, elle hésita un instant.

Cela faisait des années qu'elle n'était pas entrée dans cette pièce. La dernière fois qu'elle l'avait fait, elle avait légèrement... perdu pied. Comme personne d'autre qu'elle n'était autorisé à entrer, sûrement allait-elle retrouver les stigmates de sa précédente visite.

Elle prit une inspiration et finit par tourner la clé. La serrure s'étant légèrement grippée avec le temps, elle dut forcer un peu, puis un cliquetis se fit entendre. Elle poussa le battant et une odeur piquante de peinture agressa aussitôt ses narines. À l'aide d'un candélabre qu'elle décrocha dans le couloir, elle éclaira les lieux, plongés dans le noir complet.

Comme elle s'y était attendue, rien n'avait changé. Des toiles rectangulaires s'entassaient un peu partout, certaines vierges, d'autres à moitié peintes. Elles étaient si nombreuses qu'elles masquaient presque le parquet et les murs ivoire, tachés de mille gouttelettes colorées. Un chevalet en bois trônait au centre du petit espace et supportait une toile inachevée.

Isabella alluma les chandelles des luminaires suspendus aux murs, puis ouvrit la fenêtre. Contrairement à la plupart des gens, elle adorait les senteurs de peinture. Cependant, ainsi mélangées à l'odeur de renfermé, elles devenaient presque insupportables. L'air de la nuit s'infiltra rapidement et rafraîchit les lieux.

Histoires de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant