Bougie

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Norah et Will étaient ensemble depuis quelques années déjà. Ils s'entendaient à merveille. Ils étaient plus que des compagnon, ils étaient des âmes sœurs. Cette harmonie faisait qu'ils comprenaient ce que le reste du monde ne concevait qu'en rêve. Récemment, ils avaient emménagé ensemble pour leur plus grand bonheur. La maison n'était pas un palace, il y avait tout juste de quoi vivre et énormément de travaux à faire. Malgré tout, Will était confiant. Il adorait bricoler. Il leur avait déjà confectionné une table de salle à manger ainsi que des chaises. Rien que pour en prouver la solidité, il s'était assit sur l'une d'elles et avait fait le tour de la pièce en sautant dessus. Norah avait eu l'idée de lui faire tester les cinq autres chaises dans le but de l'épuiser mais s'était ravisée en se remémorant le bruit effectué par la première. Elle ne doutait pas des talents de son petit-ami. C'était l'une des choses qui lui avait plu chez lui. Il retombait toujours sur ses pieds, toujours avec l'idée d'un système intermédiaire.

Ce jour-là, il s'occupait de la plomberie de la salle de bain. Jusqu'ici, ils ne possédaient qu'une douche. Dans l'éventualité où ils adopteraient un chien, le jeune homme avait pensé qu'installer une baignoire serait une bonne idée. Avec le temps, Norah avait fini par lire entre les lignes. "Adopter un chien" pour Will disait surtout "Avoir des enfants". Certainement une chose à laquelle il pensait en secret sans effrayer sa partenaire. Elle appréciait beaucoup le geste. Si faire sa vie avec lui semblait évident, l'éventualité de concevoir une famille restait encore un mystère. Beaucoup de choses l'inquiétaient. En parler autour d'elle ne la rassurait aucunement. Se concentrer sur sa relation amoureuse, ça, ça en valait la peine.

- Will, tu pourrais m'aider pour les murs du salon.
- Quoi ?

Un jet lui aspergea le visage. Aveuglé, il chercha à tâtons la valve qui éteindrait l'eau. Norah, tel un preux chevalier, l'éteignit non sans un rire et passa une serviette à son compagnon.

- Désolée, s'excusa la jeune femme.
- Il y a de l'eau, c'est un bon début, articula-t-il entre deux passages de serviette sur le visage. T'as besoin de moi pour quoi ?
- Je suis trop petite pour faire l'entièreté du mur.
- Faut vraiment que je récupère mon échelle chez Peter. J'arrive.

Norah embrassa la joue de son "homme" comme elle aimait l'appeler avant de rejoindre la cuisine, l'un des seuls endroits fonctionnels. Elle mit la machine à café en route, un carburant vital quand on fait autant de travaux. Elle préférait ça aux bières. Lorsqu'ils avaient refait la maison d'un autre ami de Will, les garçons avaient passé plus de temps à réparer les bêtises de la veille qu'à avancer sur le résultat final attendu. Norah regarda le liquide s'écoulait doucement dans sa tasse. Bientôt, elle pourrait profiter de la chaleur de sa précieuse récompense. Changer le parquet du hall, ce n'était pas rien. La machine s'arrêta soudainement de gronder. Quelques gouttes s'écoulèrent puis plus rien. Elle regarda à l'intérieur de sa tasse. Cette dernière n'en contenait que la moitié.

- T'as touché à l'électricité ? cria Norah afin que son compagnon l'entende.
- Non ! répondit-il. Les lampes se sont coupées d'un coup ! Je vais voir le compteur électrique !
- Ok ! Il y a une lampe sur ma table de nuit !

La jeune femme regarda le soleil se coucher par la fenêtre. Si Will n'arrivait pas à arranger le problème, mieux valait partir à la conquête de bougies. Elle se rendit dans le bureau où se trouvait tous leurs cartons. Norah soupira. Elle avait complètement oublié que la moitié d'entre eux n'étaient pas inscrits de leur contenu simplement parce que Peter avait eu la "flemme". Si elle pouvait, elle l'étranglerait. Les bougies ne se trouvaient pas dans la pile des nommés, ça aurait été trop facile. Elle n'eut d'autre choix que d'ouvrir les autres au petit bonheur la chance. Par miracle, elle les trouva au bout du quatrième carton seulement. Il y en avait de toutes sortes. Des toutes petites grises à mettre dans des bougeoirs, des plus grandes qu'elle avait commandé sur internet pour leurs arômes originaux, des fines qu'ils utilisaient à Noël ou encore des plus épaisses achetées pour des associations. Norah en prit plusieurs qu'elle dispersa un peu partout dans la maison. Elle alluma celles qui lui semblaient vitales sur le moment. Mine de rien, ça donnait une ambiance assez romantique.

Will la rejoignit dans le salon et s'émerveilla face à l'ambiance qu'avait pris celui-ci. Il n'en revenait pas.

- C'est magnifique, avoua-t-il enfin.

Il s'assit près d'elle et continua à regarder la pièce tout en discutant.

- C'est une panne d'électricité générale. Toute la ville est dans le noir. Je dois avouer que ça me rassure. L'électricité et moi, ça fait deux.
- On continuera demain, t'en fais pas.
- Tu plaisantes ? Si on repeint le mur, je suis sûr qu'on pourra faire des superbes ombres chinoises !

Excité à cette idée, il se leva et prit le rouleau de peinture. Norah enviait tellement sa grande taille. Il n'avait aucun mal à atteindre le haut du mur. C'était si frustrant. Voir le visage de son petit-ami éclairé à la lueur des bougies lorsqu'il trempait son pinceau dans le pot l'était nettement moins. Ça lui donnait un côté encore plus chaleureux que d'habitude. Une fois le mur terminé, il plaça l'une des bougies à l'endroit qui lui semblait le plus propice. Bientôt, c'est un véritable spectacle qui se forma sur le mur. Les protagonistes étaient un lapin, un loup ainsi qu'une colombe. En résumé, les quelques ombres que Will savait faire. Tout de même, ça restait chouette à voir. Son compagnon faisait parti de ces gens qui vous envoûtent à chaque histoire qu'ils racontent et son sourire était la chose la plus précieuse qu'elle possédait. Alors même si sa colombe pouvait être faite par n'importe quel enfant, le savoir heureux de créer sa propre histoire faisait fondre Norah. Elle se plaça près de la source de lumière. Cette fois, un nouveau protagoniste entra en jeu, un ours.

- Il est condamné à se promener assis ton ours ? plaisanta Will.
- C'est la seule façon que j'ai de le représenter.
- Je te taquine. Il est très mignon.
- Merci.

Will stoppa ses animations. Tout ça était très amusant mais il fallait qu'ils mangent quelque chose. Il se rendit dans la cuisine et revint quelques minutes plus tard avec deux sandwichs maison. Norah prit place à la table confectionnée par son compagnon et alluma trois longues bougies de Noël.

- Dîner aux chandelles ? hasarda le jeune homme.
- On va dire ça si on fait abstraction des décorations sur les bougies.

Il sourit et s'assit. Leurs visages à demi-éclairé, ils dégustèrent leur repas. Will observa longuement la salle à manger en fronçant les sourcils.

- Je pourrais peut-être faire une niche pour notre futur chien.
- Will, arrête.
- J'ai dit quelque chose de mal ?

Il la regarda sans comprendre. Norah repoussa légèrement son assiette et posa ses mains sur la table.

- Je sais très bien que quand tu parles de chien, tu parles d'enfants.
- Mais non, je t'assure que je parle vraiment d'un chien. Tu pensais que c'était une phrase cachée ?
- Oui...

Le jeune homme se saisit de ses mains.

- Tu y penses ? demanda Will.
- Oui mais... Je sais pas si... je serais à l'aise. Je sais que je t'aime, que je veux faire ma vie avec toi mais l'idée d'être enceinte me terrifie.
- Il y a pleins d'autres alternatives si on veut une famille. Le plus important, c'est de savoir ce qu'on le veut.

Les épaules de Norah se libérèrent d'un poids. Comment avait-elle pu douter ? Évidemment que Will était le plus apte à la comprendre, ça avait toujours été le cas. Elle embrassa précieusement sa main refusant de la lâcher. En regardant la bougie, elle pensa qu'elle était le parfait symbole de leur histoire. Un bloc solide qui se consumait avec l'âge dégoulinant d'amour, pouvant évoluer et se reconstruire selon les aléas de la vie. Un jour, il n'en resterait plus rien mais tout le temps qu'elle aurait brûlée, elle aurait été parfaite, aurait dégagé la plus douce des odeurs et aurait illuminé n'importe quelle pièce.

- Je t'aime, murmura-t-elle.
- Moi aussi, plus que tout au monde.

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