Voyage

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La valise du grand-père de Térésa était décorée de dizaines de stickers, un vestige de ses destinations passées. Elle l'avait toujours considéré comme un grand explorateur, parcourant le monde afin d'en découvrir tous ses secrets. Dans son cœur, il avait une place que peu arrivait à concurrencer. Jacob voyageait souvent mais il lui rapportait toujours un souvenir.

- Un jour, je pourrais voyager avec toi ?
- Quand tu seras plus grande, pourquoi pas.

Du haut de ses vingt-quatre ans, elle espérait encore que ça arrive. Son quotidien n'avait rien de particulièrement intéressant et voir cette valise qui traînait sur l'armoire du salon avait le don de la laisser rêver à une vie bien plus trépidante. Alors qu'elle s'apprêtait à préparer à dîner, son téléphone sonna. Il s'agissait justement du grand voyageur venant aux nouvelles de sa petite-fille unique préférée.

- Coucou ma rêveuse ! Que prépares-tu de bon à manger ?
- Je n'ai pas encore décidé, tu m'as interrompue avant même que je ne commence à cuisiner quoi que ce soit.
- Ma curiosité n'est pas ravi d'entendre ça mais de toute façon, j'ai quelque chose dont j'aimerais discuter avec toi.

Térésa en fût surprise. Ce n'était pas tous les jours que son aîné avait quelque chose à lui dire qui ne valait pas le détour d'être abordé par hasard.

- Je t'écoute, reprit-elle.
- Dans plusieurs jours, il se passe un événement spécial si je ne me trompe pas.

La jeune femme sourit. Bien sûr qu'il ne se trompait pas. Jacob n'oubliait jamais son anniversaire. 

- Alors, poursuit-il, j'ai décidé qu'il était temps que tu voyages à ton tour. Demain, si tout se passe comme prévu, un avion privé viendra te chercher sur une piste qui n'est plus pratiquée par les vols traditionnels. Le pilote est un de mes plus proches amis. Si tu es d'accord, il sera ravi de t'emmener en Inde où je me trouve en ce moment. Évidemment, tu n'es pas obligée d'accepter. Dans ce cas, il repartira seul avec quelques spécialités américaines qui nous manquent ici.

Ses oreilles avaient-elles bien entendues ? Elle ne rêvait pas ? Venait-il vraiment de lui proposer de faire partie de sa prochaine aventure ?

- Tu rigoles ! Pourquoi je refuserais ?

À l'autre bout du fil, Jacob rit légèrement. L'enthousiasme de Térésa lui rappelait le sien à son âge.

- Très bien ! Je préviendrai Sebastian cette après-midi. 
- Je ne sais pas si je vais arriver à dormir.
- Tu n'y arriveras certainement pas mais le vol t'aidera pour compenser.

Leur conversation dura une bonne heure au téléphone suite à laquelle, Térésa prépara ses affaires oubliant complètement son menu du soir. Elle prit sa propre valise, celle qu'elle gardait en vue du jour où son rêve se concrétiserait enfin. Plusieurs fois, elle en vérifia le contenu puis elle se pencha sur les sites internet qui lui en apprendraient plus sur l'Inde. Elle était si excitée. Si elle avait su que son impatience serait si dure à contrôler, peut-être aurait-elle pris le temps de la travailler davantage.

Le lendemain, Térésa se rendit à l'adresse que son grand-père lui avait envoyée. Effectivement, la piste n'était plus entretenue depuis plusieurs années en témoigne les touffes d'herbes qui dépassaient ici et là. Un vieux Cessna traînait sur les accotés de la voie principale. Ses couleurs rouges avaient dû, il y a longtemps, flambloyer dans les cieux dégagés. Les jours de tempêtes, la jeune femme imaginait sur la piste, une famille angoissée à l'idée qu'il ne puisse pas revenir. Puis alors que tout espoir était perdu, un point rouge sort des nuages grisâtres et bruyants. Non sans mal, il atterrit au grand soulagement des proches du pilote. Quel as.

Térésa sourit à cette idée. Elle se mit en quête de trouver quelqu'un qui pourrait la renseigner. Au loin, elle aperçut un vieux monsieur sortir d'un hangar. Peut-être s'agissait-il de Sebastian. Elle se précipita à sa rencontre, toute guillerette. L'homme bien qu'un peu surpris, se tourna vers la nouvelle venue.

- Vous êtes Sebastian ? demanda-t-elle.

Son interlocuteur ne lui répondit pas. Il chercha un semblant de renfort du regard mais rien qu'il puisse voir était susceptible de le sortir de cette situation.

- Tout va bien Carl ? dit une voix derrière eux.

Curieuse, la voyageuse amateur se retourna vers la voix en question. Un jeune homme en chemise et short lui faisait face. Un peu bronzé, il arpentait un charmant sourire qui en aurait fait tomber plus d'une.

- Je suis Sebastian.
- C'est... vous...? s'étonna la jeune femme.
- Quoi ? Vous vous attendiez à quelqu'un de plus vieux ?
- À vrai dire... Oui.

Sebastian se mit à rire en compagnie de Carl.

- Merci pour le check-up, Carl. Je vais prendre le relais. 

Le vieil homme tapa gentiment sur l'épaule du pilote puis se dirigea vers la salle de repos. Quant à Térésa, elle se sentit un peu mal à l'aise. Comme première impression, il y avait clairement mieux. Malgré tout, elle prit sur elle et ne laissa rien paraître. Il ne manquerait plus que Sebastian se serve de cet incident pour la charier tout le long du vol.

- Désolée pour la méprise.
- Il n'y a pas de mal. Ne perdons pas de temps, j'ai fait toutes les courses que j'avais à faire.

Térésa s'apprêtait à se diriger vers le hangar lorsqu'elle se rendit compte que le pilote n'empruntait pas du tout la même direction. Elle le rattrapa aussitôt comme si de rien n'était. Décidément, ce n'était pas sa journée.

- Vous n'êtes pas américain, je me trompe ? demanda-t-elle pour faire la conversation.
- Je suis irlandais. L'accent m'a trahi ?
- Un peu.

Elle se força à mettre de côté sa fascination pour les accents étrangers. Celui de Sebastian était particulièrement craquant.

Ses yeux devinrent aussi grands que des soucoupes quand il ouvrit la porte du vieil avion qu'elle avait vu plutôt. Ce n'était quand même pas ça qui allait la conduire jusqu'en Inde ?!

- Vous montez ? Il faut que je vous équipe.
- Dites-moi que c'est une blague et que ce n'est pas votre avion.
- Il fonctionne très bien entre les mains d'un bon pilote et ne vous inquiétez pas, c'est le cas.
- Je peux pas.

Sebastian se rapprocha de la jeune femme et la regarda d'un ton plus dur.

- Alors oubliez votre rêve. Si voyager est vraiment ce que vous voulez faire, sachez que vous verrez bien pire que mon vieil avion tout moche.

Il tourna ensuite les talons et monta dans l'engin. Térésa hésita à rentrer chez elle. Peut-être que cette voie n'était pas faite pour elle. Mais au fond, elle était incapable de faire demi-tour. Après tout, elle avait bien créé une histoire à ce petit bolide. Celui qui rentrait chez lui indemne. Sebastian devait être un très bon pilote si Jacob lui faisait confiance. D'ailleurs, l'envie de voir son grand-père la dévorait de l'intérieur. La jeune femme soupira un bon coup et monta à son tour dans l'avion, une fois sa valise déposée. Avec un grand sourire, Sebastian lui passa un casque.

- Ravi de voir que vous avez changé d'avis.

Tout en souriant à son tour, Térésa le prit et le posa sur ses oreilles. Quelques manipulations plus tard, l'avion décollait enfin. La voyageuse était aux anges. Avec nostalgie, elle se remémora ce que son grand-père lui avait raconté de son premier voyage.

- Tu sais Térésa, je crois que ce qui m'a marqué le plus lors de mon premier voyage, c'était le vol en avion. Il représente le début de ton aventure. La porte vers un nouveau monde et étrangement, il t'arrivera parfois de désirer qu'il n'atterrisse jamais. Simplement pour garder ce sentiment agréable que t'apporte la curiosité.

La jeune femme oublia son impatience pendant un temps et profita de ce que le vol pouvait lui offrir. Elle comprit où son grand-père voulait en venir. Pourtant, elle avait tout de même hâte de découvrir cette nouvelle culture. D'ici-là, elle comptait bien profiter de chaque seconde de son vol en charmante compagnie.

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