Chapitre 15 : Les Pécheresses

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Un ange de prêt de deux mètres avec une aile blessée, c'était lourd. Même à six, elles ne parvinrent pas à tenir jusqu'à l'une des chambres, de l'autre côté de l'abbaye. Resignée, Marie fit appel à un sort de lévitation, tandis que les cinq autres Pécheresses piaillaient à qui mieux mieux.

L'Orgueil, l'Avarice, l'Envie, la Gourmandise et la Paresse étaient les seules résidentes de l'abbaye de Morteruine. La Colère et la Luxure habitaient également là, mais moins souvent, étant donné les missions qui leur étaient confiées.

Quoi qu'il en soit, ses sœurs Pécheresses la harcelèrent de questions tandis qu'elle transportait Barbatos pour tenter de le soigner.

-Pourquoi tu es avec un ange !?

-Comment vous avez fait pour apparaitre sans déclencher nos runes protectrices !?

-Pourquoi un ange te protégeait !?

-Pourquoi tu veux le soigner !?

-C'est qui lui !?

-Il est à moitié mort, on ferait mieux de le laisser crever. Trop de travail de le soigner.

-Vos gueules ! rugit Marie en les foudroyant du regard. C'est pas le moment ! On doit d'abord le guérir de ses plaies ! Et après je vous raconterais tout !

Sacrelote ! Cela ne les arrêta pas ! Elle fut harcelée de questions auxquelles elle refusa de répondre. Une fois Barbatos sur le lit, elle avisa le trou dans son ventre. Entre l'aile et ça, c'était ça le plus grave. Fermant les yeux, elle clôtura ses autres sens aux interférences des Pécheresses. Les mains sur le ventre de l'ange, elle en appela à un pouvoir vieux, enterré dans les tréfonds de son âme. Elle ne l'avait plus utilisé depuis bien longtemps.

Pourtant, en cet instant, elle ne pouvait ignorer le fait que si Barbatos n'avait pas réagi si vite, les démons l'auraient tuée, elle aussi. Sans parler de Caïus et de sa bande.

Alors, elle n'avait pas le droit d'ignorer son propre pouvoir.

Aminorix... songea-t-elle en pressant ses paumes sur les chairs ravagées du ventre de l'ange. Me pardonneras-tu de les utiliser à nouveau ? Toi, que je n'ai pas pu sauver ?

Une lueur irradia de ses paumes, son don ancien plongea dans le corps de Barbatos. Presque aussitôt, la fatigue plomba l'esprit de Marie. Cela faisait trop longtemps qu'elle n'avait plus utilisé ses pouvoirs de soigneuse. La tête lui tournait, mais elle pouvait sentir la chair se reformer, refermer le trou béant. Cela ne changerait rien à la perte de sang, mais...

-Stop...

Elle rouvrit les yeux, pour croiser ceux de Barbatos. Il avait saisi l'une de ses mains, pour la retirer de sa plaie.

-Je... suis... un ange... Pas besoin... de t'épuiser.

-Ta gueule. Je te soigne si je veux.

Il grimaça.

-Casse-c...

Et il tourna de l'œil.

Hum...

C'était elle ou il jurait de plus en plus, l'angelot ?

*

-Mais quel bordel, soupira Élisabeth en se prenant la tête entre les mains.

Atterrées, toutes les Pécheresses hochèrent du chef. À table pour le repas du soir, elles avaient écouté Marie avec attention, tout en mangeant. De l'avis commun, Élisabeth, l'Avarice, était considérée comme la cheffe de l'abbaye. Enfin, comme la Mère Supérieure pour ceux de l'extérieur. Car il ne fallait pas rêver, aucune d'entre elles n'avait prononcé ses vœux. Il était simplement plus pratique de se faire passer pour des bonnes sœurs dans un couvent que pour des Pécheresses dans une abbaye.

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