– 02h34
Cher W,
J'étais en train de songer à combien l'esprit humain est malléable et voué au changement. Ou plutôt dirais-je, à l'évolution. Quand je regarde tout le chemin que j'ai parcouru en seulement trois ans, je m'impressionne moi-même. Extérieurement, il n'y parait pas. J'ai la même tête, le même métier, et toujours le même humour douteux. Mais intérieurement bon sang...
Je me suis découverte en tant qu'autrice queer. Je crois que c'est mon évolution la plus importante. Et même au sein de ma saga, il s'en est passé des choses. Je ne pensais écrire que deux ou trois histoires. Finalement, j'écris l'histoire humaine dans sa plus belle complexité à travers les lettres lgbtqia. Je pensais ne jamais écrire d'histoire avec une personne ace. Je pensais ne jamais me mettre sur instagram. Je pensais ne jamais montrer ma tête. Je pensais ne jamais me mettre au feel good.
Mon mental a effectué un virage à 360 degrés. L'histoire de Gabriel est apparue, et il était évident qu'il méritait son tome. Je suis si heureuse que les lecteurs.ices l'aient apprécié. Sans eux, je n'aurais pas pu accepter d'écrire ce tome. Et puis le feel good... Ce n'est pas un genre que je déteste, pas non plus un genre qui m'attire. Je n'en lis jamais.
A vrai dire, j'ai besoin d'apprendre quand je lis. Besoin d'être surprise, besoin de réfléchir, de philosopher. Je n'aime pas comprendre le cheminement de l'histoire à l'avance. J'aime la complexité, les sujets creusés vraiment jusqu'au bout. Non pas que le feel good ne permet pas ça. Mais il faut avouer que dans l'édition, feel good rime avec histoire simple et courte. Voilà pourquoi je ne pensais jamais en écrire. Il faut croire que j'aime me lancer des challenges. Et ça me réussit bien. J'adore les reflets de papier. Les lecteurs.ices ont un peu ralé au début (ça ne sonnait pas très feel good) mais je crois que désormais, ça leur plait. L'atmosphère loin du dramatique de l'esprit du temps me revigore. Et je me sens déjà prête à réattaquer Ultraviolet. Mais une chose à la fois. Je vais terminer l'histoire de Lévy et Eliaz. Leï et Vicky suivront.
Quant à ma tête et instagram, d'une pierre deux coups... Je ne pensais pas y trouver ma place mais il s'avère que ce petit monde coloré regorge de gens sympas et d'options à farfouiller. Depuis que j'assume ma tête, je me suis libérée. Les gens se fichent pas mal de mon physique, de mes habits. Je partage juste ce qui me fait rire, ma vision du monde et de ma passion et de mes personnages. C'est tout ce qui compte. Et c'est fou ce que le monde est cool quand on se libère de ses pensées réductrices. C'est fou ce qu'on gagne en confiance aussi.
Si je dois retenir quelque chose de 2021, une année bien difficile en termes d'émotions et de santé, c'est que mon meilleur progrès est de m'accepter un peu plus comme je suis. J'ai fait le deuil de mes aspirations adolescentes inutiles. Je ne serai jamais mannequin (je n'ai jamais voulu en faire mon métier à vrai dire, juste y ressembler, être jolie et mince parce que c'est ce que la société m'a inculqué). Je ne serai jamais une lauréate d'un grand prix écrivain. Mais bon sang, j'écris. J'ai cette passion qui ne me quitte pas. Et je n'ai besoin ni de mon physique ni de l'approbation des autres pour ça.
J'écris juste. Je vis et je laisse vivre ces petits mondes en moi. C'est moi ça. Vraiment moi. Ecrire, lire, tout ça au beau milieu de la nuit. Je ne serai pas une star de magasine, une chanteuse émérite, une danseuse sexy, une influenceuse extra. Je suis une petite écrivaine qui trouve son bonheur sur wattpad. Qui aime partager. Qui aime écouter ses personnages. Et c'est tellement ce qu'il y a de meilleur.
En apprenant à m'écouter, à dégager les rêves que la société a tenté de me greffer à la peau, en me débarrassant de ces pensées superflues plutôt que de mes kilos, je vis vraiment. Je guéris doucement. Je touche à tout par envie, par curiosité, par pulsion parce que j'en ai envie, sans plus culpabiliser de me dire « j'essaye tout et n'excelle en rien ». Je n'existe pas pour exceller. Ni pour surpasser les autres. Je n'ai rien à prouver. Ça, ça fait longtemps que je le sais. Ma plus grande facilité et de ne jamais me sentir en compétition avec les autres, de ne jamais me comparer.
Je crée les choses à ma façon, je suis mon rythme et mes goûts. Et ça me va. J'étais un peu la fille étrange, celle qui parle en story avec ses personnages. Celle qui fait de l'auto RP. Et puis quelques personnes sont venues me dire en message privé que ça les faisait rire, que c'était original, qu'elles attendaient ces petits dialogues hors roman avec impatience chaque jour, qu'elles n'avaient jamais vu ça ailleurs.
Ça m'a fait prendre conscience d'une chose. Pendant que je me désespérais de ne pas être comme les autres, de ne pas avoir le même goût pour les playlists, les templates, les castings bien rodés ; pendant que j'estimais ma personnalité trop brusque pour m'adapter, des gens m'appréciaient pour ce que j'étais. Pour cette originalité d'expression. Ces gens là m'ont libérée d'une crainte cet été : celle qu'il ne faut jamais, jamais, s'adapter aux modes.
Pour qu'une passion survive, et plus encore, pour qu'elle interesse les autres si c'est le projet, il ne faut pas copier les autres. Il ne faut pas chercher à rentrer dans ces cases qui marchent bien. Il ne faut pas se forcer. Parce que c'est là que la passion s'éteint. C'est là qu'on sent que les gens se forcent, que le naturel se meurt juste pour présenter quelque chose d'intagrammable.
Je n'ai pas de jour de post, de nombre de publications instagram à la semaine, de vidéo déjà préparée. Je vis au gré de mes envies. Je poste ce qui me passe par la tête. C'est le plus beau cadeau qu'on puisse faire à une passion : ne pas la brider. Et il en va de même pour l'esprit humain.
J'ai trop longtemps eu la fierté de me dire « je ne peux pas revenir en arrière ». J'ai trop longtemps rougi quand on me faisait remarquer que je changeais d'avis. Il n'y a pas de honte. Pas de quoi rougir. Changer d'avis c'est sain. C'est l'assurance qu'on a réfléchi et qu'on admet s'être trompé. C'est la preuve qu'on a envie d'avancer sinon, d'évoluer. D'explorer de nouvelles pistes, de nouveaux challenges. C'est agréable de voir à quel point on change.
Si je m'étais écoutée, il n'y aurait pas eu de romance avec un personnage ace parce que j'avais peur de mal représenter. Quelle ironie quand on sait que j'en suis. Team Gabriel je suis. Team grey. On est là. Et parce que c'est trop peu connu, il me fallait revenir sur cette décision. J'ai le droit en tant qu'humaine d'aborder le sujet. J'ai le devoir en tant qu'écrivain grey de le représenter dans ma saga.
Aujourd'hui, je m'ouvre toutes les portes. J'entrevois un tas de possibilités. Il y a encore deux ans, j'aurais dit non, pas de personnage genderfluid. Maintenant, je me dis et pourquoi pas ? Il y a tant de contrées inexplorées en littérature, plus encore dans la romance. Je n'aurai pas assez d'une vie pour tout écrire. Mais j'ai bien assez d'années pour en rêver. Et ça déjà, n'est ce pas extra mega giga top cool ??
Bien à toi,
Raj
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Le temps d'un esprit - journal
No FicciónCeci n'est pas un roman. Juste un fouillis de pensées d'écrivaine qui ne sait pas s'arrêter d'écrire. Une balade au coin de mes ombres ensoleillées. C'est l'histoire de ma vie, l'histoire d'une série LGBTQIA+. L'histoire d'une autrice qui ne veut fa...