Chapitre 4: Trop tôt pour assumer

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Je cours presque littéralement vers ma chambre et trace une rune de verrouillage à la hâte.

Ma respiration est de plus en plus erratique. J'ai comme l'impression d'avoir été en apnée tout du long depuis que je l'ai revu et ce constat me frappe. Je suis toujours en colère contre lui et je... l'aime toujours. Je l'aime tout comme je le hais pour ce qu'il m'a fait, ce qu'il nous a fait. Je pensais sincèrement tourner la page et que le revoir m'aurait permis d'avancer une bonne fois pour toute mais c'est tout le contraire.

Mais qu'est-ce que j'ai fait ? Quelle belle preuve de maturité Alec... Je passe plus de dix minutes à me fustiger mentalement. Mes pensées me rendent fou et les tensions dans mon corps ne veulent pas s'apaiser. Je décide de prendre une douche.

J'arrive dans la salle d'eau attenante et je retire mes vêtements les uns après les autres. Je regarde mon corps à travers le miroir en essayant de maintenir le regard. Un exercice que j'essaie de faire plus souvent depuis ma thérapie. Cette fois ci, je n'ai pas réussi à tenir plus que quelques secondes, la grande cicatrice verticale sur mon poignet et les cicatrices sur mes cuisses ne sont pas jolies, surtout celle de mon poignet. Je sais qu'elles ne partiront jamais malgré les Iratzes tracés peu de temps après, fruit de ma dépression depuis toutes ces années. Je ne le fais plus depuis, mais parfois la partie sombre de mon esprit me pousse parfois à le refaire. C'est cette partie, que j'essaie de faire taire le plus possible, et après six mois sans me faire du mal, c'est avec peine ce jour que je lutte contre l'envie de le faire.

Je détourne le regard rapidement et fait couler l'eau de la douche. La cascade chaude me fait du bien, apaisant les muscles endoloris de mon corps. Cependant, mon esprit ne veut toujours pas se calmer. Toutes mes pensées convergent vers lui... Magnus...le grand amour de ma vie... C'est comme si et quoi que je fasse, je serai éternellement lié à lui. Je le déteste également pour ça.

Un bruit de porte que l'on frappe fortement vient perturber mes réflexions. Je coupe l'eau et m'enroule dans une serviette.

« Est-ce que ça va mon frère ? »

Jace. Il me regarde l'air soucieux. Notre lien Parabatai a dû lui faire comprendre l'état auquel je me trouve.

« Ça va » lui répondis-je automatiquement.

« Ne me mens pas Alec... je l'ai senti que ça n'allait pas »

« C'est juste... » Prenant quelques instants, je m'assois sur mon lit serrant la serviette enroulée autour de mon buste. « C'est juste...que le revoir est plus difficile qu'il n'y parait. Jace... j'ai fait une énorme erreur » sans le vouloir mes yeux s'humidifient.

Il s'assoit à côté de moi, une main sur mon épaule en guise de réconfort.

« Tu sais que tu peux tout me dire Alec... explique-moi »

Je lui raconte toute l'histoire de la conversation tenue dans mon bureau et après quelques instants de silence il lâche un rire.

« Et bien mon pote, tu vas devoir assumer cette boulette. Underhill ?! Tu plaisantes ?! Tu ne connais même pas son prénom, moi non plus d'ailleurs... » Après ça, il s'esclaffe encore. « Qu'est-ce que tu comptes faire ? »

« C'est là le problème, je ne me sens pas d'affronter tout ça aujourd'hui. Je dois parler à Underhill et peut être à Magnus c'est sûr, mais ... après tout ce que j'ai vécu... je ne peux pas m'empêcher de me dire que ce n'est que justice. Un retour de bâton, que j'ai placé involontairement ou peut-être volontairement, je ne sais pas, je suis perdu ». Lâchais-je dans un souffle me prenant la tête entre les mains. Mon inconscient me fait me gratter mon poignet gauche.

Jace semble perdu dans ses pensées, il semble peser le pour et le contre.

« Tu l'aimes toujours n'est-ce pas ? » Ce n'était pas réellement une question mais plus une affirmation. J'hoche la tête, incapable de mentir à mon frère.

« Peut-être que le rendre jaloux n'est pas la meilleure des solutions, mais pour moi Alec, la réaction que tu as eu est parfaitement normale. J'adore Magnus, mais ce qu'il t'a fait est impardonnable » Son regard se tourne vers mon poignet, il détourne le regard quelques secondes et se mord la lèvre. Son regard plein de souffrances se posent sur moi :

« Je ne peux pas m'empêcher de penser que tu as bien fait, et que tu devrais assumer tes propos. Qui c'est ? Peut-être qu'Underhill serait d'accord pour jouer le jeu » Il me dit ça en me regardant droit dans les yeux.

Une vengeance ?!

« Jace... je ne peux pas l'impliquer dans mes histoires. C'est moi et moi seul qui est un problème. Moi et moi seul qui n'arrive pas... à l'oublier ... à tourner la page. Je ne peux pas demander un truc pareil à Underhill et puis rien qu'à l'idée de devoir l'embrasser j'en ai des haut de cœurs ». ajoutais-je.

Jace s'esclaffe, une main sur le ventre. Il me donne une tape sur l'épaule :

« Tu sais que je connais qu'un seul moyen pour réfléchir. Ce soir, on sort tout les deux entre frères. Ça fait une éternité que l'on n'a pas fait ça et hors de question s'essuyer un refus de ta part ».

Je rigole, acquiesçant.

« Laisse-moi juste le temps de me préparer et de m'organiser pour la gestion de l'institut ».

« Parfait, à tout à l'heure » Sur ce, il quitte ma chambre. Cinq ans auparavant j'aurais refusé expressément de sortir, mais j'ai changé depuis. J'apprécie ce genre de moments hors du temps et je compte bien en profiter ce soir.

L'arrivée au bar se fait sans encombre. J'ai eu l'impression que ça faisait une éternité que je n'avais pas pris le métro New-Yorkais et je dois dire que ça ne m'avait pas manqué. Après avoir commandé un Whisky pour moi et une bière pour Jace, nous nous installons sur une des banquettes. Mon regard balaye la salle du regard cherchant malgré moi les modifications apportées à ce lieu. Je dois dire que l'ensemble n'a pas vraiment changé.

C'est ainsi que nous enchainons verres sur verres et même si ma tolérance à l'alcool a évolué ces dernières années, nous nous retrouvons tous les deux éméchés. Je ne compte plus le nombre d'éclats de rire et « d'accolades viriles » selon Jace. Et comme tout mecs bourrés qui se respectent, nous décidons qu'il serait judicieux d'aller terminer la soirée ailleurs.

« Mec... tu sais j'ai réfléchi ... depuis... à ton histoire. Pour pouvoir guérir il faut commencer par le lieu...du traumatisme... alors on va au Pandémonium ce soir... et tu vas...t'amuser » Il s'interrompt par un hoquet puis un éclat de rire.

Je partage son rire et lui dit

« Ouais...Jace... tu es un génie »

A ces mots, je finis mon verre cul-sec. Je me mets debout, un peu brutalement puisque je tangue vers la droite. Cette auto-réaction me fait pouffer. « Allez...on y va » J'attrape Jace par les épaules et nous voilà parti.

A l'inverse de tout à l'heure, l'arrivée au pandémonium n'a pas été sans encombre. Afin d'éviter la file d'attente, nous avons tracés une rune invisibilité (non sans peine). La musique est toujours assourdissante mais au contraire de cinq ans auparavant, elle semble me convenir et même me plaire.

« Je vais nous chercher à boire » me crie Jace à travers le brouhaha.

Je désactive ma rune d'invisibilité lorsqu'une musique particulièrement entrainante me met en joie. Sans m'en rendre compte, j'avance d'un pas décidé vers la piste de danse et je me mets à danser. Danser, comme si ma vie en dépendait. Comme si, j'avais le besoin irrépressible d'exprimer quelque chose. Mon corps se met à bouger tout seul, d'abord timidement puis avec plus d'assurance. Je ferme les yeux. La sensation est grisante et je me sens bien. Mon cerveau est éteint et ça me fait du bien.

Je suis interrompu dans mon état par quelqu'un me bousculant. Au vu de mon état d'ébriété, je m'accroche instinctivement à cette personne. M'apprêtant à m'excuser pour cet incident, je me rends compte que je connais cet individu. Pourquoi le sort s'acharne-t-il sur moi ?! me disais-je. Magnus.

I don't want the worldOù les histoires vivent. Découvrez maintenant